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L'usage de la violence est-il toujours signe de faiblesse ?

Publié le 16/02/2004

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Analyse : Dans le langage courant, la violence définit une force d’une intensité particulière. On peut parler, par exemple, de la violence d’un orage, d’une inondation ou d’un tremblement de terre. Aussi permet-elle de qualifier le degré d’une force naturelle : un orage violent est d’une force particulièrement intense. Mais cette qualification s’étend aussi au domaine des actions humaines, et non à la seule nature. En effet, c’est parce que l’homme est un être susceptible d’agir sur autrui, que la nature particulière de certains de ses actes peut être qualifiée de violente. En ce sens, la violence désigne l’usage immodéré de la force par un individu, un groupe ou une structure politique, envers son environnement social. Au niveau moral, la violence semble témoigner d’une faiblesse, parce qu’elle porte atteinte aux personnes sur lesquelles elle s’exerce. En effet, son usage doit se comprendre avant tout par rapport à autrui : c’est toujours l’autre qui est victime de la violence subie. Mais on peut aussi la considérer comme une faiblesse du seul point de vue de son auteur, en ce qu’il manque la fin visée par son action en faisant preuve de violence.

Problématique : Cependant, une difficulté fondamentale apparaît lorsqu’on envisage les différents usages de la violence dont font preuve les individus comme la société. Au niveau individuel, tout d’abord, si autrui constitue une menace, le recourt à la violence peut s’avérer nécessaire et ne pas constituer ainsi une faiblesse morale. En situation de légitime défense, par exemple, il est salutaire que je protège ma vie par une action violente exercée sur autrui. En outre, au niveau politique, certaines structures sociales semblent faire un usage légitime de la violence, qui permet de protéger les libertés et d’assurer la sécurité des individus. L’État, la police, le système judiciaire, ou encore l’armée, exercent tous une violence nécessaire à l’existence et à la cohésion du corps politique. Dès lors, l’usage de la violence est-il toujours signe de faiblesse, en ce qu’il est dommageable à son auteur et à sa victime ? Ou bien constitue-t-il, dans certains cas, le signe d’une force nécessaire aux individus comme à la société ?

 

Le fait d'avoir recours à une puissance déchaînée, non maîtrisée par la raison et le discours, annonce-t-il toujours une incapacité à entraîner l'adhésion et la conviction d'autrui par la PERSUASION : Désigne une adhésion ou une tentative de faire adhérer, fondée moins sur la raison que sur le sentiment et l'imagination.

« II.

La violence politique est un signe de faiblesse, car elle aboutit à la dissolution du corps politique a.

Si la violence constitue toujours un signe de faiblesse au niveau individuel, elle peut s'avérer un signe de force auniveau politique.

Des institutions telles que la police ou la justice usent de la violence de manière légitime, afin degarantir la sécurité collective.

Cependant, l'action exercée par ces institutions sociales est-elle assimilable à laviolence ? Cette dernière ne constitue-telle pas une perversion de leurs moyens d'action comme de leurs finspolitiques ? b.

Dans Le Savant et le Politique , Max Weber s'interroge sur la formation sociologique de l'État, c'est-à-dire la puissance politique régissant la vie des individus.

Pour ce faire, il distingue la puissance, comme chance ponctuelled'imposer sa volonté à un autre, de la domination, comme devoir d'obéir à un commandement légitime, irréductible àun asservissement forcé.

Le passage de la puissance à la domination suppose un groupement politique incluant leterritoire, la continuité, et la menace de la force physique pour imposer ses règles.

L'État consiste dans ce type depouvoir qu'est la domination, et se définit comme le « monopole de la violence légitime » répondant à l'affrontement des forces dans la société.

L'analyse sociologique de Max Weber nous amène donc à considérer l'État, et lesinstitutions politiques par lesquelles il exerce sa puissance, comme l'usage légitime de la violence, assurant lasécurité des individus et la cohésion de la société.

Dès lors, la violence apparaît comme un signe de forcenécessaire à l'exercice du pouvoir. c.

Cependant, on peut s'interroger sur la pertinence d'une telle conception de l'État accordant un primat à laviolence.

Dans un ouvrage intitulé Du mensonge à la violence , Hannah Arendt dénonce une confusion à l'œuvre dans la pensée de Weber comme dans toute la pensée politique.

En effet, le pouvoir désigne « l'aptitude à agir de façon concertée » , et doit se distinguer de la puissance comme capacité individuelle, de la force comme qualité d'un mouvement social, de l'autorité comme légitimité de l'obéissance, mais aussi de la violence qui consiste en uneinstrumentalisation du pouvoir.

La violence, nous dit Arendt, se réduit à « faire d'autrui l'instrument de sa volonté » .

Ainsi, la puissance assure l'existence du domaine public par la cohésion des agents, tandis que la violence est une impuissance se traduisant par l'isolement et la destruction de l'espace politique .

De même qu'au niveau individuel, la violence politique manque sa finalité, et constitue par conséquent une marque de faiblesse. III.

La violence guerrière est un signe de faiblesse traduisant l'échec du dialogue politique a.

La violence ne peut constituer un signe de force que lorsqu'elle est légitimée.

Or, dans certaines situationspolitiques exceptionnelles, cette légitimation est à l'œuvre.

La guerre, par exemple, semble constituer un usagelégitime de la violence.

Cependant, de quelle nature est la violence guerrière ? Sa légitimité ne masque-t-elle pasune faiblesse consistant dans l'échec de l'action diplomatique ? b.

Considérons la première difficulté.

Que la guerre soit violente, chacun l'accordera, mais cette violence ne semblepas comparable à la violence gratuite dont font usage des individus dans une rixe par exemple.

Dans le Contrat social (I.4), Rousseau établit la nature politique de la guerre comme une « relation d'État à État » , et non « d'hommes à hommes » .

En effet, les hommes ne font partis d'un conflit armé qu'accidentellement, comme simples soldats en vue de défendre la patrie, et non comme citoyens. c.

La guerre ne se réduit donc pas à un usage gratuit de la violence, car elle suppose une stratégie politique.

DansDe la guerre (ch1), Clausewitz peut la définir comme « la continuation de la politique par d'autres moyens » .

En effet, la guerre est un moyen, une violence instrumentalisée, et non une fin en soi, car elle est subordonnée à unbut politique (par exemple, la résolution du conflit avec un autre État).

Or, cette violence marque l'échec de lapolitique, c'est-à-dire de la médiation diplomatique.

Elle constitue toujours un signe de faiblesse, en ce que les Étatsn'ont pas su régler leurs différends par le dialogue. Conclusion Les différents types de violence que nous avons envisagés au cours de notre réflexion nous ont tous révélé safaiblesse constitutive.

La violence individuelle, la violence politique et la violence guerrière aboutissent toutes à unecomplète négation d'autrui, et manquent leur propre fin.

C'est que la violence vit d'un paradoxe : toujours signe defaiblesse, elle se veut un signe de force envoyé à l'Autre.

Mais, la seule force permettant de faire taire la violencepremière et les conflits inhérents aux hommes, consiste dans la rupture instaurée par le dialogue.

La parole s'opposeainsi à la violence en reconnaissant la présence de l'Autre comme un autre moi-même.. »

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