Devoir de Philosophie

Malebranche (Nicolas): De tous les objets de notre connaissance

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

malebranche
De tous les objets de notre connaissance, il ne nous reste plus que les âmes des autres hommes, et que les pures intelligences ; et il est manifeste que nous ne les connaissons que par conjecture. Nous ne les connaissons présentement ni en elles-mêmes, ni par leurs idées, et comme elles sont différentes de nous, il n'est pas possible que nous les connaissions par conscience. Nous conjecturons que les âmes des autres sont de même espèce que la nôtre. Ce que nous sentons en nous-mêmes, nous prétendons qu'ils le sentent (...). Je sais que deux et deux font quatre, qu'il vaut mieux être juste que d'être riche, et je ne me trompe point de croire que les autres connaissent ces vérités aussi bien que moi. J'aime le bien et le plaisir, je hais le mal et la douleur, je veux être heureux, et je ne me trompe point de croire que les hommes (...) ont ces inclinations (...). Mais, lorsque le corps a quelque part à ce qui se passe en moi, je me trompe presque toujours si je juge des autres par moi-même. Je sens de la chaleur ; je vois une telle grandeur, une telle couleur, je goûte une telle saveur à l'approche de certains corps : je me trompe si je juge des autres par moi-même. Je suis sujet à certaines passion, j'ai de l'amitié ou de l'aversion pour telles ou telles choses ; et je juge que les autres me ressemblent : ma conjecture est souvent fausse. Ainsi la connaissance que nous avons des autres hommes est sujette à l'erreur si nous n'en jugeons que par les sentiments que nous avons de nous-mêmes. Malebranche (Nicolas)

Malebranche, philosophe et théologien français de la seconde moitié du 17ème siècle a consacré une grande partie de son œuvre à constituer une métaphysique qui permette d’accéder  à la connaissance de la vérité, de la religion et de la morale. Comme l’indique le titre de l’ouvrage dont est extrait ce texte, De la recherche de la vérité, le but du philosophe est chercher à acquérir des certitudes véritables et d’assurer un fondement légitime à la pensée humaine. Dans ce passage, l’auteur s’interroge sur la capacité de l’homme à connaître autrui, mettant en jeu la question de l’ontologie humaine et de la possibilité d’une connaissance universelle de l’homme par l’homme. Assuré par la certitude cartésienne de la connaissance de soi par soi, l’enjeu du texte est alors de savoir si la connaissance de soi permet par voie de conséquence la connaissance d’autrui, auquel cas, il y aurait une essence commune à tous les hommes ou bien si chaque homme est au contraire particulier et insaisissable par une pensée autre que la sienne.

 

malebranche

« autres hommes, et sa seule connaissance, par conjecture, est reléguée à l'ordre du probable, du possible.- Néanmoins, on ne conjecture pas de manière complètement aléatoire et arbitraire, selon l'auteur, mais on se sertde notre propre connaissance de nous-même pour la transposer sur autrui.

La connaissance des autres hommes sefonde alors sur l'idée d'une identité commune entre les âmes humaines, qui seraient « de même espèce », et quiferait que « ce que nous sentons en nous-même » est identique à ce que sent autrui.

Connaître les autres ne seraitalors rien de plus que de se connaître soi-même, et constituerait seulement une projection de ses états d'âme surceux d'autrui.

2ème partie : Possibilité de connaissance véritable d'autrui fondée en raison. - L'auteur ayant introduit l'idée d'une identité commune entre les âmes humaines qui rendrait possible leurcommunication entre elles et donc la connaissance de l'âme d'autrui, la connaissance par conjecture sembledépassée au profit d'une connaissance certaine.- En effet l'auteur pose que les vérités qui sont en mon âme se trouvent dans toutes les âmes humaines, de sortequ'on ne peut se tromper sur la pensée des hommes lorsqu'il s'agit de vérités strictement rationnelles, telles que desdémonstrations mathématiques (« deux et deux font quatre ») mais aussi des principes moraux (« il vaut mieux êtrejuste que d'être riche »).

L'auteur établit donc des principes universels inhérents à toutes les âmes humaines, quinous permettrait d'assurer une identité entre les hommes et une compréhension mutuelle qui rend possible laconnaissance.- L'auteur ajoute à ces vérités premières présentes en chaque homme, des tendances naturelles au genre humain,qui ne permet pas non plus de se tromper sur les intentions des hommes dans certains domaines.

Ainsi, il y a des« inclinations » communes à tous les hommes, comme le goût pour le plaisir et le bien, l'horreur du mal et de ladouleur et enfin la recherche du bonheur.

3ème partie : Retour à une impossibilité à connaître autrui lorsqu'on introduit la sensibilité. - Si la connaissance d'autrui est possible lorsqu'elle porte sur les principes universels fondés dans l'âme humaine,Malebranche note cependant que l'universalité n'a plus cours lorsque s'introduit la participation du corps humainsdans les états d'âme des autres hommes.

Ainsi, on ne peut « juger », c'est-à-dire évaluer autrui que sur ce qui estpurement rationnel, c'est-à-dire « intelligence pure ».

Malebranche signifie ainsi que les principes universels qui setrouvent dans toutes les âmes ne prennent part à aucune expérience sensible, corporelle.

Tout ce qui est de l'ordredu sensible est alors relégué au particulier, et ne peut se transmettre à la connaissance d'un autre que celui qui estaffecté.- Non seulement on ne peut avoir de connaissance de tout ce qui touche à la sensibilité d'autrui, mais encoreMalebranche ajoute que l' « on se trompe presque toujours ».

L'auteur passe en revue les différents sens (letoucher, la vue, le goût) et affirme pour chacun qu'ils sont propres à chaque individu, et ne peuvent se transmettreà autrui.

Il affirme alors de manière forte la subjectivité des hommes dans le domaine du sensible, et la différenceontologique qui subsiste entre des personnes qui ne perçoivent pas les choses de la même façon.

Puisqu'on « setrompe si on juge des autres par [soi]-même », cela signifie que chaque individus est pourvu d'une sensibilitédifférente qui est donc inaccessible à un autre qu'à soi-même.- De même, les « passions » telles que « l'amitié ou l'aversion » sont présenté par l'auteur comme des états de l'âmehumaine engendrés par la sensibilité, et ne peuvent être connus universellement.- En conclusion, Malebranche enjoint le lecteur à ne pas chercher à connaître les sentiments d'autrui, qui résultentdes affections sensibles, car nous ne pouvons connaître que nos propres sentiments, qui sont absolumentparticuliers et différents de ceux des autres hommes.

Conclusion : L'objet du texte était de chercher si la connaissance des âmes d'autrui est possible.

A l'issue de sa réflexion l'auteurparvient à un bilan mitigé.

D'abord, il montre qu'on ne peut connaître autrui comme on se connaît soi-même, demanière intérieure, et se résout à opérer une réduction phénoménologique qui restreint la connaissance d'autrui àune seule connaissance conjecturale, fondée sur une comparaison avec soi-même.

Cependant, il semble pourl'auteur que la connaissance peut dépasser l'hypothèse dans la mesure où il y a des principes universels en touteâme humaine, qui permettent de connaître autrui par transposition de ses propres pensées.

Pourtant, cetteconnaissance est limitée aux principes inhérents à l'âme et ne peut s'étendre à ce qui touche à l'extérioritéhumaine, c'est-à-dire à sa sensibilité, corporelle et sentimentale.

La pensée issue de l'expérience ne se communiquepas entre hommes, et on ne peut connaître d'autrui seulement la pensée que l'âme est en mesure de former elle-même indépendamment de toute expérience sensible.

Au final, Malebranche enjoint donc son lecteur à ne pas fonderde conjectures sur l'âme d'autrui lorsqu'elle dépasse la seule intériorité de l'âme et fait entrer en jeu les sentimentsliés à des affections sensibles.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles