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Marx et Engels: les jeunes hégéliens

Publié le 11/05/2005

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« Chez les jeunes-hégéliens, les représentations, idées, concepts: en un mot les produits de la conscience qu'ils ont eux-mêmes promue à l'autonomie, passent pour les chaînes réelles des hommes au même titre qu'ils sont proclamés comme étant les liens réels de la société humaine par les vieux-hélégiens. Il va de soi que les jeunes-hégéliens doivent lutter uniquement contre ces illusions de la conscience... Exiger ainsi la transformation de la conscience revient à interpréter différemment ce qui existe c'est-à-dire à l'accepter au moyen d'une interprétation différente. Il n'est venu à l'idée d'aucun de ces philosophes de se demander quel était le lien entre la philosophie allemande et la réalité allemande, le lien entre leur critique et leur propre milieu matériel. « La conscience ne peut jamais être autre chose que l'être conscient et l'être des hommes est leur processus de vie réel. Et si dans toute l'idéologie les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une chambre noire, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique... » De ce fait la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent perdent aussitôt toute apparence d'autonomie... » Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience... » C'est là où cesse la spéculation, c'est dans la vie réelle que commence donc la science réelle, positive, l'analyse de l'activité pratique, du processus de développement pratique des hommes. Les phrases creuses sur la conscience cessent, un savoir réel doit les remplacer. Avec l'étude de la réalité, la philosophie cesse d'avoir un milieu où elle existe de façon autonome. A sa place on pourra tout au plus, mettre une synthèse des résultats les plus généraux qu'il est possible d'abstraire de l'étude du développement historique des hommes. » (Karl Marx et Friedrich Engels)

L'idéologie allemande (1845), ouvrage écrit par Marx en collaboration avec Engels marque un moment important dans le développement de la pensée marxiste. Dans cet extrait, Marx prend ses distances à l'égard de la gauche hégélienne. La philosophie allemande, conservatrice ou critique, s'attribue dans tous les cas une autonomie illusoire, ignore qu'elle n'est qu'une idéologie, le sous-produit de la réalité sociale concrète. Cette dénonciation des illusions de la philosophie débouche sur une profession de foi matérialiste et sur l'appel à la constitution d'une science réelle de l'histoire.

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« NOTE: Témoin de la victoire de Napoléon à Iéna, Hegel écrit dans une lettre: "Je vis l'empereur, cette âme du monde, traverser à cheval les rues de la ville." Ce que Hegel admire en Napoléon, c'est le fondateur de l'Etatmoderne.

Pour lui, l'Etat est une fin indispensable de l'organisation humaine, c'est grâce aux Institutions étatiquesque les hommes peuvent devenir des citoyens libres et rationnels. Hegel, après avoir salué en Napoléon « l'Esprit universel à cheval », n'avait-il pas vu dans la monarchie prussiennede son époque l'expression la plus parfaite de l'Esprit absolu ? Ceux que Marx appelle ici les vieux-hégéliens, c'est-à-dire les conservateurs, voient effectivement dans les représentations religieuses et juridiques de leur temps « lesliens réels de la société ».

L'État avec toutes ses institutions est justifié et même sacralisé puisqu'il est l'expressionde l'Idée.

C'est ainsi que les vieux-hégéliens, à l'époque où Marx écrit, se font les défenseurs de l'orthodoxiereligieuse protestante et de l'orthodoxie politique prussienne.Les jeunes-hégéliens qui sont libéraux en politique et très antireligieux (l'ouvrage de Feuerbach L'essence duchristianisme, 1841, vient d'avoir un grand succès) retiennent de Hegel le point de vue historique (pour eux lechristianisme est un moment dépassé de la culture) et font un usage original de la notion d'aliénation.

Ils ont, ditMarx dans notre texte, « promu la conscience à l'autonomie ».

C'est une allusion directe à Feuerbach.

PourFeuerbach, l'homme projette dans le ciel en le séparant, en l'aliénant de lui le rêve de justice qu'il ne peut réalisersur la terre.

Justice, amour, sagesse, sont des représentations de la conscience humaine projetées de façon «fantastique » en Dieu.

Dieu n'est qu'une projection imaginaire de l'homme qui se trouve « dépossédé de ce qui luiappartient en propre au profit d'une réalité illusoire ».

Nier l'existence de Dieu et de l'au-delà, n'est donc pourl'homme, que reprendre possession de son bien, retrouver l'autonomie de sa conscience.

Donc les idées (idée deDieu, idée de la toute-puissance légitime du roi) qui pour les hégéliens de droite étaient le fondement de tous lesbiens sociaux, ces idées sont pour les hégéliens de gauche les « chaînes réelles des hommes », D'où l'attitude deshégéliens de gauche.

Il faut critiquer ces idées qui ne sont que des représentations « aliénées », il faut les réfuter.Marx conteste vigoureusement cette attitude.

Selon lui les hégéliens de gauche sont aussi « idéalistes » que leshégéliens de droite et leur combat est vain.

Pourquoi ? Parce qu'ils entendent lutter avec des idées contre desidées, exiger la « transformation de la conscience » en oubliant de changer la réalité dont les idées ne sont que lereflet : « Ils oublient seulement qu'eux-mêmes n'opposent rien qu'une phraséologie à cette phraséologie et qu'ils neluttent pas le moins du monde contre le monde qui existe réellement en se battant uniquement contre laphraséologie de ce monde.

» En assignant à la philosophie (c'est ce que disait Marx par ailleurs dans sa onzièmeproposition sur Feuerbach) la seule tâche d'« interpréter le monde » et non de le « transformer » (même s'ilsl'interprètent différemment) ils sont aussi conservateurs que les conservateurs puisqu'ils laissent intacte la réalitésociale concrète qui est la source de toutes les mystifications idéologiques. «...

Il n'est venu à l'idée d'aucun de ces philosophes de se demander quel était le lien entre la philosophie allemandeet la réalité allemande...

»Les philosophes s'imaginent volontiers que le monde des idées constitue un monde à part, indépendant de la réalitésociale.

Telle est l'illusion idéologique fondamentale que Marx dénonçait dès le 14 juillet 1842 dans un article duRheinische Zeitung : « Les philosophes ne sortent pas de terre comme des champignons, ils sont les fruits de leurépoque, de leur peuple dont les sucs les plus subtils et les moins visibles s'expriment dans les idées philosophiques...Le même esprit qui construit les systèmes philosophiques dans le cerveau des philosophes, construit les chemins defer avec les mains des ouvriers.

La philosophie n'est pas extérieure au monde pas plus que le cerveau, pour n'êtrepas dans l'estomac, n'est extérieur à l'homme.

» L'illusion même de l'indépendance des idées philosophiques est unproduit de la réalité sociale, à un certain moment de son développement.

C'est un effet de la division du travail.

Lesintellectuels du seul fait qu'ils se consacrent à des tâches exclusivement intellectuelles (professeurs, avocats,écrivains, journalistes) et sont coupés des travaux, agricoles, industriels, de la production matérielle, tendent àoublier les attaches concrètes, matérielles, sociales des représentations de la conscience.

De plus, en régimecapitaliste, avec le progrès des sciences et des techniques, les forces productives se développent sans cesse,tandis que la bourgeoisie pour maintenir ses privilèges s'efforce de figer les rapports de production, c'est-à-dire, lesrapports entre les classes dans l'état où ils sont.

Les idées juridiques, morales, politiques, métaphysiques quireflètent ces rapports entre les classes, sont donc de plus en plus éloignées des réalités de la production matérielle.Elles ne reflètent d'ailleurs les rapports sociaux eux-mêmes qu'en les mystifiant, la classe au pouvoir dissimulant sesprivilèges dans l'illusion des idéologies de l'égalité des droits, de la liberté abstraite des individus.

Les corporationsont été supprimées par exemple soi-disant pour libérer les individus d'une tutelle oppressive et tracassière(idéologie), en réalité pour que les employeurs trouvent à leur service des travailleurs isolés, donc vulnérables, etprivés d'une organisation qui défendrait leurs droits.

« ...

Dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports nousapparaissent placés la tête en bas comme dans une chambre noire...

».

C'est ainsi qu'on imagine que la sociétécapitaliste est le produit de certaines idées sur la liberté individuelle alors que, en réalité, ces idées sont le refletmystifié des structures de la société capitaliste.

Il en était de même dans la société féodale.

La hiérarchie desanges, longuement établie par Thomas d'Aquin (archanges, anges, trônes, dominations, etc.) n'est que latransposition céleste, idéologique et mystificatrice, de la hiérarchie féodale qui descend du roi jusqu'au dernier desmanants par toute une cascade de suzerains et de vassaux.

De même l'idéalisme hégélien imagine que tous lessoubresauts de l'histoire ne sont que les avatars de l'Idée.

Et il convient de « remettre cette dialectique sur sespieds » c'est-à-dire de montrer que tout au contraire, les idées de la conscience reflètent les forces réelles del'histoire et les conflits entre les classes. «...

Comme le renversement des objets sur la rétine.

»Les illusions idéologiques sont des phénomènes strictement déterminés.

Marx propose ici un modèle de la formation. »

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