Devoir de Philosophie

Montée et épanouissement de l'irréalisme

Publié le 26/02/2010

Extrait du document

La période de 1950 à 1965 est traversée par un courant de naturisme qui anime la littérature, comme la peinture. Un goût de l'ingénuité se manifeste, qui n'a pas toujours besoin de s'enfuir, comme Gauguin, aux îles primitives, pour se satisfaire, ni, comme Maurice Denis et Francis Jammes, de recourir aux naïvetés préraphaélites et à la pureté et à la suavité du sentiment religieux. Ce goût peut s'exercer devant le moindre spectacle de la rue, d'un quai ou d'un square, devant les familiarités de la vie moderne, devant la simple réalité populaire ou bourgeoise. Et devant cette réalité, l'ingénuité se double, si paradoxal que cela paraisse, de malice. D'où ce comique délicieux et incisif à la fois, cette gentillesse d'humeur qu'on trouve chez Vuillard, chez Bonnard, chez Vallotton, et qui évoque Jules Renard et les acuités de cette " Revue blanche " par quoi l'esprit Rive Gauche s'infiltre dans le Boulevard. Il y a là tout un réalisme piquant, critique, lucide et gracieux, un art qui se plaît au trait japonais et sait se rire doucement de lui-même, comme fait Vallotton dans sa confession de La Vie Meurtrière, tragédie ironique ­ jusqu'à la bouffonnerie ­ de l'échec, de la gaffe, de la pauvre catastrophe quotidienne. Toute cette époque des Nabis, avec son ironie, son intimisme léger, la vivacité synthétique de son style, son amour des jardins, des feuillages, des eaux, des salons où une dame coud sous la lampe, des salles à manger où des fruits colorent une table près du fouillis floral d'une fenêtre ouverte, toute cette époque est merveilleusement caractéristique de l'esprit français. Et si la noble inquiétude de Maurice Denis, l'aisance décorative de Roussel, le style parfaitement élégant de Vuillard, la puissante sécheresse de Vallotton, si tous ces arts prééminents illustrent cette riche époque, peut-être le nom qui la domine est-il celui de Bonnard, magicien de la couleur, demeuré jusqu'à la fin de sa vieillesse capable d'une égale fraîcheur de réaction devant les miracles de la végétation et de la lumière.

« Un peu après le moment du fauvisme, l'inquiétude de l'esprit français s'était lancée dans une révolution, celle ducubisme.

On ne saurait, en quelques lignes, présenter une analyse complète des méthodes et des procédés ducubisme.

Mais on peut indiquer les voeux et les tendances à quoi répondait ce mouvement singulier.

Et d'abord, ilreprenait le besoin d'intellectualité et de construction qui s'était opposé à l'effusion sensible et sensuelle del'impressionnisme.

Le besoin, aussi, d'affirmer l'autonomie de la création plastique, de produire des objets purs,possédant leur réalité et leur valeur intrinsèques.

Non point qu'il faille considérer les oeuvres du cubisme commeabsolues et abstraites : le monde extérieur se retrouve en elles et s'y réintègre, mais traduit en signes et enéquivalents plastiques qui, sans doute, atteignent à l'extrême possible de l'invention et constituent le vocabulaire leplus secret qu'ait jamais parlé le langage de la peinture.

En somme, le cubisme aura peut-être été la plus libre et laplus surprenante " création poétique " de la peinture. Aussi, ne faut-il pas s'étonner que les poètes aient collaboré à ce mystère lyrique.

Le Bateau-Lavoir de la rueRavignan a été le creuset où, à côté des peintres, de Picasso, de Braque, de tant d'autres, les poètes Apollinaire etMax Jacob prodiguèrent les fantaisies, les hypothèses, les suggestions de leur génie prodigieusement curieux etinventif.

Le cubisme a été une magnifique fête de l'esprit.

On ne saurait épuiser toutes les joies qu'ont pu proposer àla sensibilité moderne des hommes tels que Roger de la Fresnaye, génie trop tôt tranché par la guerre de 14, RobertDelaunay, coloriste étonnant, Metzinger, Valmier, Herbin, Marcoussis, Gleizes, et enfin cet esprit vif et siparfaitement doué pour l'analyse, André Lhote.

Et c'est ici que se situent trois puissantes personnalités, celle deFernand Léger, tempérament fruste et plein d'humour, qui voit et peint avec grandeur ; celle de Georges Braque, enqui se renouvellent avec éclat les plus pures vertus du génie français, l'amour et la connaissance du métier, un goûtexquis, la sobriété et la délicatesse s'harmonisant avec le sentiment des nobles et claires compositions et avecl'audace créatrice ; et enfin cet artiste singulier qui n'a jamais cessé et ne cessera jamais de contredire et desurprendre, Pablo Picasso, l'invention même, l'invention faite homme. Picasso est espagnol et profondément espagnol.

Tous les traits moraux qui caractérisent l'âme espagnole seretrouvent en lui, et aussi vivement accentués que possible.

Mais il a fait toute sa carrière en France et a marqué,informé la peinture française.

Il n'est pas le seul étranger qui ait, à cette époque, compris que c'est en France etdans le climat des inquiétudes et des recherches du génie français qu'il devait développer sa propre personnalité.Une des caractéristiques essentielles de la culture française est sa faculté d'attraction, son universalité.

C'estpourquoi, Montmartre et Montparnasse ont pu accueillir la vocation de tant de beaux génies, venus des quatrepoints du globe enrichir de leur coloration exotique ce grand mouvement français qui porte, désormais dans l'histoire,le nom d'École de Paris.

L'École de Paris s'honore d'être le lieu où toutes les vocations étrangères peuventnaturellement produire leurs meilleurs fruits.

C'est le lieu du débat, de la confrontation, de la féconde justification.Modigliani trouve, auprès de ses compagnons de misère parisienne, la possibilité d'épanouir son style exquis, de purequalité siennoise.

Les futuristes italiens comme les expressionnistes d'Europe centrale, et jusqu'aux Japonais, voientdans le grand courant de la peinture française, l'aboutissement de leurs tendances originelles et de leursrecherches.

Parmi ces peintres, il en est un qu'il faut citer comme un des plus excellents, Marc Chagall, qui fixe àParis les merveilleux poèmes de son âme juive. Dans le foisonnement créateur de cette époque privilégiée, une place doit être faite à des sensibilités originales etque les théories n'ont pas touchées, et tout d'abord à cette femme extraordinaire que fut Suzanne Valadon et à sonfils, Maurice Utrillo, l'étrange poète des plâtreux paysages urbains.

Il semble qu'il convienne de rattacher à celui-ci lecourant des peintres naïfs, des émouvants et ingénus " peintres du dimanche ", dont il faut proclamer qu'il est undes plus vifs et profonds courants du génie de notre race.

N'était-il pas parfaitement juste qu'il entrât au Louvreavec le Douanier Rousseau ? II est également juste de le faire figurer dans un panorama de la productioncontemporaine et de rappeler ici les noms de Séraphine, de Bauchant, de Bombois, de Vivin, de Rimbert. Après le cubisme, la peinture a suivi la littérature dans les chemins du dadaïsme et du surréalisme, bordés desuggestives figures oniriques, réalisant d'aberrantes métaphores, confessant les vérités tour à tour absurdes,injurieuses, perverses ou infantiles du subconscient.

Ici, le poétique et le subjectif débordent sur le plastique et sesexigences.

Il faudrait dénombrer les formes si diverses par lesquelles s'est manifestée cette revendicationsubversive.

Qu'il suffise d'indiquer, comme autant d'issues et de poétiques particulières, les noms de Miró, Tanguy,Pierre Roy, Masson, Beaudin, Max Ernst, Salvador Dalí.

Et ne pourrait-on ranger dans cette école des arts du rêvetoute la première partie de l'oeuvre de Chirico ? Pour terminer ce tableau sommaire des grands mouvements de la peinture moderne, il convient de dégager uncourant expressionniste, qui satisfait quelques-uns des besoins constants de la sensibilité et de l'imagination, qu'onpeut représenter par Chagall et par une génération d'hommes, Goerg, Alix, et Lurçat qui a tant contribué àressusciter et renouveler le beau métier de la tapisserie, et le puissant Gromaire, inventeur de formes, artiste siprofondément humain.

Et dans cette tendance de la poésie et de l'imagination expressives, on pourrait ranger deuxdisparus considérables : Le Fauconnier et cet émouvant créateur d'un fantastique rustique, La Patellière.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles