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Nietzsche, Par-delà le Bien et le Mal, § 17, « Des préjugés des philosophes »

Publié le 08/02/2014

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nietzsche

« Pour ce qui est de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait que ces esprits superstitieux ne reconnaissent pas volontiers à savoir qu’une pensée se présente quand ‘elle’ veut, et non pas quand ‘je’ veux ; de sorte que c’est falsifier la réalité que de dire : le sujet ‘je’ est la condition du prédicat ‘pense’. Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit justement l’antique et fameux ‘je’, voilà, pour nous exprimer avec modération, une simple hypothèse, une assertion, et en tout cas pas une ‘certitude immédiate’. En définitive, ce ‘quelque chose pense’ affirme déjà trop ; ce ‘quelque chose’ contient déjà une interprétation du processus et n’appartient pas au processus lui-même. En cette matière, nous raisonnons d’après la routine grammaticale : ‘Penser est une action, toute action suppose un sujet qui l’accomplit, par conséquent... ‘ C’est en se conformant à peu près au même schéma que l’atomisme ancien s’efforça de rattacher à l’‘énergie’ qui agit une particule de matière qu’elle tenait pour son siège et son origine, l’atome. Des esprits plus rigoureux nous ont enfin appris à nous passer de ce reliquat de matière, et peut-être un jour les logiciens s’habitueront-ils eux aussi à se passer de ce ‘quelque chose’, auquel s’est réduit le respectable ‘je’ du passé. «

 

Nietzsche, Par-delà le Bien et le Mal, § 17, « Des préjugés des philosophes «, (1886).

 

La critique nietzschéenne du cogito cartésien est une des plus acerbes et sévères critiques de ce que Descartes appelle la « première vérité « ou le « premier principe de la philosophie «. Le cogito est le fondement de la métaphysique et le socle de l’épistémologie chez Descartes. Remettre en cause la vérité du cogito c’est s’attaquer à la fondation même de la pensée moderne. Mais la remise en question de l’« ego cogito «, du « je doute, je suis « n’est-elle pas une entreprise vaine dans la mesure où Descartes pose cette vérité sous la forme d’une « intuition rationnelle « ? Que serait un sujet sans pensée ? Nier le « Je pense, je suis « n’est-ce pas prendre le risque sinon de n’être pas, mais de ne pas penser ou de s’enfermer dans un cercle vicieux qui ne ferait somme toute que de confirmer le cogito en sa vérité ? Car dans l’entreprise cartésienne, douter du cogito est la meilleure façon de le consolider. C’est pourtant ce massif cartésien que Nietzsche va à plusieurs reprises sonder l’origine de la pensée. 

Contrairement au style aphoristique de Nietzsche, ce fragment use d’une démarche argumentative, une manière de lutter contre la logique cartésienne avec ses propres armes. Et on comprend que le renvoi initial aux « logiciens « ne se réfère pas aux spécialistes de la logique, mais aux métaphysiciens et aux philosophes traditionnels qui s’en remettent à la logique aristotélicienne selon la grammaire et les catégories de raisonnement, qui décompose une proposition en sujet et substantif, attribut et adjectif. 

nietzsche

« La critique nietzschéenne du cogito cartésien est une des plus acerbes et sévères critiques de ce que Descartes appelle la « première vérité » ou le « premier principe de la philosophie ».

L e cogito est le fondement de la métaphysique et le socle de l’épistémologie chez Descartes.

Remettre en cause la vérité du cogito c’est s’attaquer à la fondation même de la pensée moderne.

Mais la remise en question de l’« ego cogito », du « je doute, je suis » n’est -elle pas une entreprise vaine dans la mesure où Descartes pose cette vérité sous la forme d’une « intuition rationnelle » ? Que serait un sujet sans pensée ? Nier le « Je pense, je suis » n’est -ce pas prendre le risque sinon de n’être pas, mais de ne pas penser ou de s’enfermer dans un cercle vicieux qui ne ferait somme toute que de confirmer le cogito en sa vérité ? Car dans l’entreprise cartésienne, douter du cogito est la meilleure façon de le consolider.

C’est pourtant ce massif cartésien que Nietzsche va à plusieurs reprises sonder l’origine de la pensée.

Contrairement au style aphoristique de Nietzsche, ce fragment use d’une démarche argumentative, une manière de lutter contre la logique cartésienne avec ses propres armes.

Et on comprend que le renvoi initial aux « logiciens » ne se réfère pas aux spécialistes de la logique, mais aux métaphysiciens et aux philosophes traditionnels qui s’en remettent à la logique aristotélicienne selon la grammaire et les catégories de raisonnement , qui décompose une proposition en sujet et substantif, attribut et adjectif.

Or cette logique mêlée à la langue se déploie sur fond d’une version substanti aliste du monde puisque chaque proposition est conçue comme l’expression du prédicat compris dans le sujet substantiel.

Le travail de soupçon s’inscrit à l’intérieur même de la langue en levant la superstition qui s’y loge.

Celle -ci n’est pas simplement un e croyance erronée, fallacieuse, une erreur, elle est une illusion qui est d’autant plus ruineuse qu’elle n’apparaît comme telle.

Les philosophes se laissent porter par le langage sans vraiment analyser sa nature, son monde de fonctionnement, son rapport à la pensée.

C’est pourquoi le philologue parle de « superstition » pour dénoncer cette cécité qui fait confiance à la structure de la langue et à sa logique sous -jacente.

À quoi Nietzsche fait appel à un « petit fait » qui se réclame du recours à la réalit é : une pensée vient quand elle veut, et ne relève pas d’ un je.

D’emblée, dès l’énonciation de sa thèse, notre auteur prend soin par les guillemets de se prémunir contre l’illusion selon laquelle la pensée devant supposer la présence d’un sujet grammatical .

La superstition est de vouloir croire que le « je » ne peut qu’être que le support de la pensée, que le « je » serait illico le seule maître de ses pensées.

Le fait convoqué est que la pensée pense, que tout ce que nous pouvons affirmer est qu’il y a de la pensée.

Tous les autres postulats ne sont que des fictions qui font l’économie des faits.

Dire que la pensée requiert un sujet pensant, c’est verser dans un abus de langage.

Descartes aurait douté de tout sauf de la construction de la grammaire.

Il n’a pas su déceler le poids du langage sur la pensée.

Ce qui veut dire que pour Nietzsche, la grammaire est la source de la métaphysique et la falsification de la grammaire entraîne celle de la pensée philosophique.

Par exemple, le mot « être » n’implique pas qu’il y ait de l’être.

Il n’est pas suffisant de détecter les présupposés grammaticaux, il faut démonter la logique qui repose sur une autre hypothèse, une autre « assertion » tout aussi catastrophique que l’effet du langage, celle de la première certitu de, la pseudo-expérience intuitive de la présence de l’ego.

Cette « certitude immédiate » appar tient au domaine illusoire car il est contradictoire de parler d’une réflexion immédiate du sujet.

Ou le sujet s’éprouve dans la vérité du cogito et dans ce cas ce n’est plus une réflexion, mais une simple intuition, un sentiment ; ou bien c’est une réelle inspection de l’esprit, ce qui exclut l’immédiateté de cette intuition, sa spontanéité.

En toute état de cause, dire que « quelque chose » pense c’est déjà tro p dire.

Et de fait, cette approche du cogito n’est qu’ une interprétation trompeuse qui roule mécaniquement sous la forme d’un syllogisme : penser est une action, or toute action suppose un sujet pensant, donc penser suppose un sujet agissant.

Et si Nietzsc he n’achève pas le syllogisme c’est pour bien marquer la mécanicité du cogito.

Dans la pensée de Nietzsche, la conscience psychologique doit faire l’objet d’une mise. »

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