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Ordre et progrès

Publié le 27/02/2011

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ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Article « progrès « du Nouveau Vocabulaire des études philosophiques ( Hachette ).

« (étym. du latin progredior, je m'avance). — 1) Compte tenu d'une direction donnée, d'un point A sur cette direction, on appelle progrès d'un mobile situé avant A sur cette direction, toute diminution de sa distance à A. — 2) Par ext. tout accroissement quantitatif d'un phénomène quelconque; ex. : les progrès de l'alcoolisme. — 3) Au sens figuré on parle de progrès dans un processus évolutif soit lorsqu'on pense que l'évolution s'effectue selon des étapes qui se rapprochent d'une fin déterminée; soit que, sans que cette évolution procède par étapes déterminées d'avance et se fasse vers une fin parfaitement claire, on suppose cependant que chacune des étapes est, d'un certain point de vue ou absolument, préférable à la précédente, c.-à-d. présente une amélioration quelconque. — 4) Le progrès : notion confuse visant le fait que l'histoire constituerait un progrès au sens « 3 «. «

« • Question (1).

Connotations habituelles de la notion d'ordre : ensemble bien réglé, conservation, immobilité ; de lanotion de progrès : dynamisme, dépassement, remise en question -+ Le rapport est-il contradictoire ? Ou lacontradiction n'est-elle qu'apparente ? Nécessité d'une réflexion plus poussée pour statuer sur le rapport.• Question (2).

En période de crise (sociale, politique, ou même idéologique), l'ordre établi ne développe-t-il pas des« résistances » à l'évolution, au progrès ? Mais ces résistances n'indiquent-elles pas l'existence d'une menace réellecontre l'ordre, donc d'un « désordre » latent ? Peut-on concevoir un progrès dans l'ordre ? -> Nécessité de sortir del'abstraction des notions mises en présence.

De quel ordre parle-t-on ? De quel progrès s'agit-il ?• Question (3).

L'explication historique de l'évolution des sociétés doit envisager tour à tour les périodes de stabilitéet les périodes de crise.

Comment rendre compte de la permanence d'un ordre social donné ? De sa remise enquestion ? De la coexistence, dans une configuration complexe, de deux types d'ordre social ? De la décompositionprogressive d'un ordre donné ? Comment expliquer le passage d'un ordre à un autre ? etc. Quelques références utilisables • Auguste Comte : Discours sur l'esprit positif (ouvrage dont le sous-titre est d'ailleurs « ordre et progrès »).Notamment, on pourra se reporter à la deuxième partie (chapitre premier, paragraphe 2, Vrin, p.

42).

« En un sujetquelconque, l'esprit positif fait de l'Ordre la condition du Progrès, et du Progrès le but nécessaire de l'Ordre.

»• Pascal : Pensées, 326 (Brunschvicg).

La préservation de l'ordre établi passe souvent par une mystificationidéologique, où l'ordre en place se présente comme « ordre en soi », indiscutable et indépassable.

La véritablehabileté va consister dès lors à obtenir une soumission inconditionnelle à l'ordre, sans justification de type éthique,qui pourrait être relativisée : « Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'y obéit qu'àcause qu'il les croit justes.

C'est pourquoi il faut lui dire en même temps qu'il y faut obéir parce qu'elles sont lois,comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu'ils sont justes, mais parce qu'ils sont supérieurs.

Par là, voilà toutesédition prévenue si on peut faire entendre cela, et ce que c'est proprement que la définition de la justice » (éditionBrunschvicg, Classiques Garnier, p.

159).• Guizot : Cours d'histoire moderne, cité par Palmade dans son ouvrage L'Histoire (Armand Colin, coll.

U, p.

212).

«Aucune des classes n'a pu vaincre ni assujettir les autres ; la lutte, au lieu de devenir un principe d'immobilité, a étéune cause de progrès » (le point de vue de Guizot reflète une configuration sociale qui requiert un compromis entreles classes ; ce compromis, après les affrontements, est vécu à la fois comme unité nationale et comme conditionde progrès, alors qu'il n'est en fin de compte qu'une nécessité stratégique.).

On saisit à travers cet exemplecomment deux notions à caractère entièrement idéologique (ordre, progrès) fonctionnent dans des représentationshistoriques déterminées.• Deux approches critiques des notions en question (approches nécessaires pour préciser le statut des notionsmises en rapport) : Spinoza et Cournot.— Spinoza réduit la notion d'ordre à un produit de l'imagination humaine, qui s'efforce de penser la nature de lafaçon la plus commode possible, et projette en elle ce qui lui est familier (finalisme anthropocentriste) : «...

commeceux qui ne connaissent pas la nature des choses, n'affirment rien qui s'applique à elles, mais les imaginentseulement et prennent l'imagination pour l'entendement, [les hommes] croient donc fermement qu'il y a en elles del'Ordre, dans l'ignorance où ils sont de la nature tant des choses que d'eux-mêmes.

» (Éthique, livre I, Appendice,Garnier-Flammarion).— Cournot dénonce le fonctionnement religieux de l'idée de progrès, qui recouvre souvent des mythologies trèssuspectes :« Aucune idée, parmi celles qui se réfèrent à l'ordre des faits naturels, ne tient de plus près à la famille des idéesreligieuses que l'idée de progrès, et n'est plus propre à devenir le principe d'une foi religieuse pour ceux qui n'en ontplus d'autre.

Elle a, comme la foi religieuse, la vertu de relever les âmes et les caractères.

L'idée de progrès indéfinic'est l'idée d'une perfection suprême, d'une loi qui domine toutes les lois particulières, d'un but éminent auquel tousles êtres doivent recourir dans leur existence passagère.

C'est donc au fond l'idée de divin ; et il ne faut pas êtresurpris si, chaque fois qu'elle est spécieusement évoquée en faveur d'une cause, les esprits les plus élevés, lesâmes les plus généreuses se sentent entraînés de ce côté.

Il ne faut pas non plus s'étonner que le fanatisme ytrouve un aliment et que la maxime qui tend à corrompre toutes les religions, celle que l'excellence de la fin justifieles moyens, corrompe aussi la religion du progrès.

». »

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