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Parler de choses qui n'existent pas a-t-il un sens ?

Publié le 31/08/2004

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Peut-être, pour Platon, les noms ne seraient-ils cependant capables de manifester la nature des choses que dans la mesure où ils seraient à l'image, non pas de ces choses, mais des Idées, ou Formes intelligibles, qui sont les prototypes des objets sensibles. Pour autant, on peut douter que les mots auraient à eux seuls le pouvoir de faire apparaître ces réalités suprasensibles.Les mots montrent-ils les choses ?Peut-on imaginer que les choses elles-mêmes soient pour ainsi dire manifestées, mises à découvert par la parole ? Ce pouvoir de manifestation peut apparaître, à lire Aristote, comme la ressource la plus éminente du discours : « le logos, s'il ne manifeste pas, n'accomplira pas son oeuvre propre « (Rhétorique). Dans le traité De l'interprétation, Aristote précise qu'en fait seul le jugement déclaratif, la pro-position, par opposition au nom seul, à la prière ou à la question, peut être pour ainsi dire monstratif (apophantique). Si la proposition est vraie, ajoute Heidegger au $ 7 d'Être et Temps, elle fait voir la chose telle qu'en elle-même ; fausse, elle la donne quand même, mais en la faisant passer pour ce qu'elle n'est pas.Reste à préciser de quelle manière la chose peut être rendue présente par le discours. La présence qui se déploie à la mesure de la parole, Mallarmé la pense comme essentiellement différente de la perception d'une chose sensible singulière. L'hypothèse vaut, à tout le moins, pour la parole poétique.

La signification est la de voûte de tout langage. Parler de sens, que se soit du sens d’un cours d’eau ou le sens d’une phrase, c’est toujours parler de la conscience, du projet humain se dépassant vers ce qui n’est pas lui. Ainsi, ce qui a du sens, c’est ce qui est orienté dans une direction et c’est notamment ce que l’on percevoir avec Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception : « Le sens d’un cours d’eau, ce mot ne veut rien dire si je ne suppose pas un sujet qui regarde d’un certain lieu vers un autre. Dans le monde en soi, toutes les directions comme tous les mouvements sont relatifs, ce qui revient à dire qu’il n’y en a pas… De même encore, le sens d’une phrase, c’est son propos ou son intention, ce qui suppose encore un point de départ et un point d’arrivée, une visée, un point de vue. « Ce qui a du sens, c’est ce dont pour moi il y a un intérêt ou à travers lequel je peux saisir un projet, ce qui se donne à moi. Dans ce cas, il ne peut y avoir que ce qui existe qui est du sens. En effet, comment comprendre quelque chose si l’on sait que cela n’existe pas. Par exemple, si j’évoque le nom bouc-cerf, cela n’a pas de sens, il s’agit d’un non-sens, comme d’une absurdité.

            Ainsi, il n’y a réellement que ce qui existe qui est du sens (1ère partie) ; cependant, cela signifie réduit le langage à un instrument de signification (2nd partie). Mais bien plus, dire que ce que l’on peut évoquer n’existant pas n’a pas de sens, n’est-ce réduire à néant toute création du langage comme la poésie ? (3ème partie).

« langage et c'est ce qui nous conduire à parler pour ne rien dire : « cet abus de mots consiste ou à n'y pointattacher des idées du tout, ou à en attacher une imparfaite dont une partie est vide et demeure pour ainsi dire enblanc ; et en ces deux cas il y a quelque chose de vide et de sourd dans la pensée, qui n'est rempli que par le nom ».

De même, les idées complexes ou les mots auxquels on attache différentes significations contradictoirespeuvent bien être la source de cette rupture entre le langage et sa signification en tant qu'ils ne rendent intelligibleà l'auditeur la pensée ainsi manifestée.

Ces idées sont alors chimériques : « celles-là sont chimériques qui sontcomposées de telles collections d'idées simples qui n'ont jamais été réellement unies et qu'on a jamais trouvéesensemble dans aucune substance ».

Cependant, cet abus de langage peut être aussi volontaire comme il le note enIII, 10 notamment à propos de des sophistes qui « prétendant parler de tout, couvraient leur ignorance sous le voilede l'obscurité des paroles ». Transition : Ainsi parler des choses qui n'existent pas n'a pas de sens.

Le langage a pour vocation de nous permettre decommuniquer.

Or nous ne pouvons parler que ce qui est existe.

En ce sens, ce serait dire que la fonctionréférentielle du langage en constitue son essence. II – Le référentiel et l'instrumental a) Toutefois, il se faut sortir de l'idée selon laquelle la fonction référentielle serait essentielle ou première.

Et dèslors s'explique pourquoi le langage n'est pas spécifiquement rigoureux comme on peut le voir à travers l'exemple desmétaphores vives et mortes dans l'ouvrage de Ricœur : la Métaphore vive .

La métaphore morte est l'exemple même de la virtuosité du langage qui est devenue monnaie courante dans toutes nos langues.

Prenons un exemple : « lespieds d'une chaise ».

Nous avons à faire ici clairement avec un trope, c'est-à-dire à une figure d'expression.

Or lelangage est essentiellement une tropologie, et la vivacité d'une langue se mesure alors à sa capacité à produire denouvelles figures, de nouvelles métaphores.

Et c'est bien ce qui distingue une langue vivante d'une langue morte.

Lafonction référentielle n'est donc ni essentielle, ni première. b) En effet, même à travers la question du bavardage qui peut sembler le type même de l'absence de significationou qui nous permet de parler des choses qui sont ou ne sont pas, force est de constater qu'il y a toujours unesignification certes superficielle mais toujours présente.

Et c'est bien ce que l'on peut voir avec Heidegger dans l'Etre et Temps puisque que le bavardage fait partie des trois cas exemplaires du nivellement quotidien au même titre que la curiosité et la duplicité.

Le bavardage est un mode d'être positif de la quotidienneté.

Il est certes uneperte de sens mais il a surtout une valeur de forme que de fond.

L'exprimé ne prime plus ce qui explique que l'onpuisse penser que le bavardage c'est « parler pour ne rien dire ».

Cependant, il faut alors bien faire la distinctionentre une perte de sens et une perte de valeur.

Cette confusion, caractéristique de la société post-moderne, nouspermet de faire la différence entre une perte de signification et une signification partielle.

Le bavardage est typiquede ce « on » inauthentique, il nous permet d'avoir accès à tous les contenus significatifs et de tout comprendre.

Iln'en reste pas moins qu'il est une fermeture au monde.

Mais l'essentiel est bien de voir que même l'inessentiel dulangage, c'est-à-dire sa forme la moins pure et la moins élaborée est encore et toujours signifiante, certes à unmoindre degré, mais la liaison entre langage et signification n'est donc jamais rompu. c) Si le langage est toujours censé signifier quelque chose comment comprendre alors cette sentence de Breton dans son Manifeste du Surréalisme puisqu'il nous dit : « tout est bon pour obtenir de certaines associations (de sonorités) la soudaineté désirable […] il est même permis d'intituler poème ce que l'on obtient par l'assemblage aussigratuit que possible [...] de titres ou de fragments de titres découpés dans les journaux ».

Dès lors ce mélange nemanifeste-t-il pas l'absence de sens c'est-à-dire l'absence de raison qui sont pourtant nécessaire en tantqu'organisation afin de développer une signification.

En effet, si le langage a pour but de produire du sens, ce sensdoit-il être ordonné suivant des règles telles que la syntaxe, la sémantique et la sémiologie.

Faire fi de cescontraintes n'est-ce pas construire ce lien entre langage et signification ? Transition : Ainsi nous pouvons parler des choses qui n'existent pas, il ne s'agit pas d'un non-sens, mais bien d'un au-delà dusens premier.

Le langage est création, et c'est bien ce que nous montre l'art et la poésie qui s'ils ne parlent pastoujours de ce qui est n'en restent pas moins signifiant. III – L'au-delà du sens a) Si l'on ne peut réduire le langage à sa valeur proprement instrument servant toujours à dire ce qui est c'est que le sens propre dans l'histoire de la formation des langues n'a pas été premier.

En effet, comme le dit Rousseau dans son Essai sur l'origine des langues « le sens propre fut trouvé le dernier […] D'abord on parla en poésie ».

Le langage n'est donc absolument pas en premier lieu instrumental.

Ce n'est que par fixation qu'il est devenu ainsi cequi explique par ailleurs l'emploi de métaphore morte comme on vient de le voir.

Si le langage est au-delà des étantsc'est parce qu'il a rapport aux affections de l'âme donc à la vie de l'esprit et non à l'usage de la raison : « On necommença pas par raisonner, mais par sentir.

On prétend que les hommes inventèrent la parole pour exprimer leursbesoins ; cette opinion me paraît insoutenable.

[…] De cela seul suit que l'origine des langues n'est point due auxpremiers besoins des hommes […] Des besoins moraux, des passions.

Toutes les passions rapprochent les hommesque la nécessité de chercher à vivre force à se fuir.

[…] des accents, des cris, des plaintes.

Voilà les plus anciensmots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et. »

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