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Pascal Bruckner, L 'Euphorie perpétuelle, p. 16 - 17.

Publié le 03/10/2013

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pascal

Le projet d'être heureux rencontre trois paradoxes.

Il porte sur un objet tellement flou qu'il en devient intimidant

à force d'imprécision. Il débouche sur l'ennui ou

l'apathie dès qu'il se réalise (en ce sens le bonheur idéal

serait un bonheur toujours assouvi, toujours renaissant

qui éviterait le double piège de la frustration et de la

satiété). Enfin il élude la souffrance au point de se retrouver

désarmé face à elle dès qu'elle ressurgit.

Dans le premier cas l'abstraction même du bonheur

explique sa séduction et l'angoisse qu'il génère. Non

seulement nous nous méfions des paradis préfabriqués

mais nous ne sommes jamais sûrs d'être vraiment heureux.

Se le demander, c'est déjà ne plus l'être. De là que

l'engouement pour cet état soit lié aussi à deux attitudes,

le conformisme et l'envie, les maladies conjointes

de la culture démocratique : l'alignement sur les plaisirs

majoritaires, l'attraction pour les élus que la chance

semble avoir favorisés.

Dans le second le souci du bonheur est contemporain

en Europe, dans sa forme laïque, de l'avènement de

la banalité, ce nouveau régime temporel qui se met en

place à l'aube des temps modernes et voit triompher la

vie profane, réduite à son prosaïsme, après le retrait de

Dieu. La banalité ou la victoire de l'ordre bourgeois :

médiocrité, platitude, vulgarité.

Enfin un tel objectif, en visant à éliminer la douleur,

la replace malgré lui au coeur du système. Si bien que

l'homme d'aujourd'hui souffre aussi de ne plus vouloir

souffrir exactement comme on peut se rendre malade à

force de chercher la santé parfaite. Notre temps raconte

d'ailleurs une étrange fable : celle d'une société tout entière

vouée à ! 'hédonisme et à qui tout devient irritation,

supplice. Le malheur n'est pas seulement le malheur : il

est, pire encore, l'échec du bonheur.

Par devoir de bonheur, j'entends donc cette idéologie

propre à la deuxième moitié du xxe siècle et qui

pousse à tout évaluer sous l'angle du plaisir et du désagrément,

cette assignation à l'euphorie qui rejette dans

la honte ou le malaise ceux qui n'y souscrivent pas.

Double postulat : d'un côté tirer le meilleur parti de sa

vie; de l'autre s'affliger, se pénaliser si l'on n'y parvient

pas. Perversion de la plus belle idée qui soit : la possibilité

accordée à chacun de maîtriser son destin et d'améliorer

son existence. Comment un mot d'ordre émancipateur

des Lumières, le droit au bonheur, a-t-il pu se

transformer en dogme, en catéchisme collectif?

Le texte propose une analyse qui souligne la difficulté de définir  bonheur, son inévitable dégradation dans la durée et la relation paradoxale qu'il entretient avec la souffrance. Ces caractéristiques ont toujours existé et fait de la recherche du bonheur une entreprise difficile à réussir. L'étymologie même du mot l'apparente à la chance, c'est-à-dire au hasard, que l'on attribue celui-ci à une volonté supérieure ou non. Ainsi conçu, le bonheur ou le malheur ne relèvent pas du choix de l'individu, mais lui échoient sans qu'il s'y attende, et même sans qu'il mérite plus l'un que l'autre.

pascal

« 1 Analyse du sujet 1 Analyse des termes du sujet Le texte propose une analyse qui souligne la difficulté de définir le bonheur, son inévitable dégradation dans la durée et la relation para­ doxale qu'il entretient avec la souffrance.

Ces caractéristiques ont tou­ jours existé et fait de la recherche du bonheur une entreprise difficile à réussir.

L'étymologie même du mot l'apparente à la chance, c'est-à-dire au hasard, que l'on attribue celui-ci à une volonté supérieure ou non.

Ainsi conçu, le bonheur ou le malheur ne relèvent pas du choix de l'individu, mais lui échoient sans qu'il s'y attende, et même sans qu'il mérite plus l'un que l'autre.

Or, selon l'auteur, l'époque contemporaine a fait de cette réussite un «devoir», au sens précis que l'auteur donne à ce mot au dernier paragraphe du texte, c'est-à-dire ici une nécessité sociale qui s'impose­ rait, qu'on le veuille ou non, une loi à laquelle l'individu est invité à se soumettre sous peine d'exclusion.

Dire, en ce sens, que le bonheur est un devoir, c'est donc dire que celui qui ne se conforme pas à la prescription commune « Il faut être heureux» exerce sa liberté et son action d'une mauvaise façon, se situe par choix dans une sorte de déviance, de marginalité en désobéissant à une forme d'injonction.

D'une possibilité heureuse, on est passé à une contrainte, ce qui apparaît à l'auteur comme une «perversion».

Dans cette perspective, l'absence de réussite est désormais synonyme d'échec culpabilisant, voire de maladie relevant d'une thérapie.

L'indi­ vidu devient responsable de son bonheur ou de son malheur.

2 Confrontation aux œuvres Sénèque, en tant que philosophe stoïcien, montre clairement que le bonheur est le devoir par excellence, et un devoir au sens moral.

Il résulte d'un choix, celui de la vertu au détriment des plaisirs vulgaires ou de la réussite matérielle.

En ce sens, il appartient à chacun d'être heureux, quelles que soient les circonstances précises de son existence.

Ceux qui sont malheureux ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes.

La Brièveté de la vie condamne sans ambiguïté les mauvais choix qui conduisent à gaspiller le temps qui nous est imparti pour des bonheurs illusoires (le. »

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