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Penser à la première personne

Publié le 13/01/2004

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Dans la mesure même où nous nous préoccupons du monde public, nous subissons son emprise : alors même que nous souhaitons faire preuve de distance, ce souci manifeste notre dépendance non pas à l'égard de tel ou tel, d'un être déterminé, mais à l'égard du public, du « On ». « Dans l'utilisation de transports publics, dans l'emploi de l'information, tout ressemble à l'autre. Nous nous réjouissons comme on se réjouit, nous voyons, nous lisons et nous jugeons de la littérature et de l'art comme on voit et juge, plus encore nous nous indignons de ce dont on s'indigne. » Ce qui est bien sûr remarquable, c'est que ce « On » n'est littéralement personne, il n'est en aucune façon « quelqu'un », et là réside sa puissance. Il ne s'agit pas de quiconque nous imposant quelque chose, il s'agit de notre propre alignement sur un mode d'être commun et essentiellement médiocre, dans lequel notre véritable « qui » se perd et se dilue. « C'est dans cette non-imposition et cette imperceptibilité que le On déploie sa véritable dictature. » Vivre sous le règne du On, c'est d'abord se réfugier dans la médiocrité de l'anonymat, mais c'est par suite, bien plus, se refuser à toute responsabilité : « Comme le On prédonne tout jugement et  toute décision, il ôte à chaque fois au Dasein toute la responsabilité. Le On ne court pour ainsi dire aucun risque à ce qu'on l'évoque constamment [...]  C'était toujours le On et pourtant on peut dire que « nul » n'était là. » Ce nivellement, cette médiocrité et cette façon d'éviter toute originalité (« Tout ce qui est original est aussitôt aplati en passant pour du bien connu, tout ce qui a été conquis de haute lutte devient objet d'échange ») se révèlent au mieux dans les bavardages sur la mort.

« q On pense ainsi pour nous, et cette opinion commune sait dire d'avance quels sont les responsables de tout ce qui ne va pas, et déterminer ce qui se fait ou ne se fait pas.Heidegger montre la force de cette emprise du « on » qui fait que notre pensée n'est pas pensée, que notre vie est inauthentique – et selonSartre , souvent nous nous mentons à nous-mêmes, dans toute situation embarrassante, grâce à d'étonnantes capacités de « mauvaise foi ». C'est dans « Etre & Temps » qu' Heidegger est amené à analyser notre mode d'être quotidien et médiocre, qu'il caractérise par la « dictature du On », c'est-à-dire le fait que l'opinion publique, la façon commune de vivre ensemble, nous déchargent de toute responsabilité et nousempêchent d'être nous-mêmes. Heidegger entreprend de remettre en chantier une question, celle que l'histoire de la philosophie aurait « oubliée » et recouverte : la question du sens de l'Etre .

Pour ce faire, il juge nécessaire d'expliciter ce qu'est l' « étant » pour qui une telle question se pose.

C'est-à- dire, pour l'exprimer grossièrement, ce qu'est l'homme, ou plus précisément ce qu' Heidegger nomme le « Dasein ». Selon Heidegger , nous ne sommes pas d'abord des sujets isolés, comme le suggérait Descartes , mais nous sommes toujours présents au monde, et par là même avec autrui.

L'être en commun, l'appartenance au mondesont donc des données originaires.

Loin qu'un sujet isolé et assuré de lui- même vienne à la rencontre d'autrui : « Le monde est à chaque fois toujours déjà celui que je partage avec les autres.

Le monde du Dasein est un monde commun.

» En ce sens, la solitude et l'isolement sont des modes dérivés et secondaires de cette commune appartenance au monde. Mais, si l'on procède à l'analyse de ce qu'est le « Dasein » médiocre, immergé dans la quotidienneté , dans ses rapports les plus fréquents avec les autres, ce qui se révèle est précisément le fait que « chacun est l'autre et nul n'est lui-même », c'est-à-dire que « dans le quotidien ce qui se révèle c'est un mode d'être inauthentique, une perte de soi. » Les analyses de la façon commune et habituelle d'être ensemble montrent que nous avons à subir une sorte depression de la masse, du « on », qui manifeste en chacun de nous la possibilité de perdre ou de recouvrir ce que nous sommes, pour nous décharger de nos responsabilités et nos possibilités les plus propres, en nous réfugiantderrière l'opinion publique. « Dans la préoccupation pour ce qu'on a entrepris avec, pour, et contre les autres, se manifeste constamment lesouci d'une différence vis-à-vis des autres.

» En ce sens, consciemment ou pas se manifeste en nous une sorte d'amour-propre, ou, si l'on veut, de « distance » à l'égard de l'autre.

C'est précisément ce type de préoccupation qui nous place, là encore le plus souvent à notreinsu, « sous l'emprise d'autrui ».

Dans la mesure même où nous nous préoccupons du monde public, nous subissons son emprise : alors même que nous souhaitons faire preuve de distance, ce souci manifeste notre dépendance nonpas à l'égard de tel ou tel, d'un être déterminé, mais à l'égard du public, du « On ». « Dans l'utilisation de transports publics, dans l'emploi de l'information, tout ressemble à l'autre.

Nous nousréjouissons comme on se réjouit, nous voyons, nous lisons et nous jugeons de la littérature et de l'art comme onvoit et juge, plus encore nous nous indignons de ce dont on s'indigne. » Ce qui est bien sûr remarquable, c'est que ce « On » n'est littéralement personne, il n'est en aucune façon« quelqu'un », et là réside sa puissance.

Il ne s'agit pas de quiconque nous imposant quelque chose, il s'agit denotre propre alignement sur un mode d'être commun et essentiellement médiocre, dans lequel notre véritable « qui »se perd et se dilue.

« C'est dans cette non-imposition et cette imperceptibilité que le On déploie sa véritable dictature. » Vivre sous le règne du On, c'est d'abord se réfugier dans la médiocrité de l'anonymat, mais c'est par suite, bien plus,se refuser à toute responsabilité : « Comme le On prédonne tout jugement et toute décision, il ôte à chaque fois au Dasein toute la responsabilité.

LeOn ne court pour ainsi dire aucun risque à ce qu'on l'évoque constamment [...] C'était toujours le On et pourtanton peut dire que « nul » n'était là. » Ce nivellement, cette médiocrité et cette façon d'éviter toute originalité (« Tout ce qui est original est aussitôt aplati en passant pour du bien connu, tout ce qui a été conquis de haute lutte devient objet d'échange ») se révèlent au mieux dans les bavardages sur la mort. En effet, dans la mort, il en va du tout de mon existence : la mort est ce qui est absolument propre et mien.

Aussil'angoisse devant la mort est-elle en quelque sorte l'angoisse devant la liberté, devant notre être au monde.

Et s' « il est exclu de confondre l'angoisse de la mort avec la peur de décéder », c'est précisément que « l'angoisse de la. »

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