Penser est-ce nier l'irrationnel ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
de douter.
Ce moment négatif de déconstruction prélude le moment positif de la méthode par laquelle la raison sedonne à elle-même la voie à suivre.
Si la pensée peut ne pas nier l'irrationnel, elle le doit comme une exigencegarante de sa scientificité.
Par conséquent, penser selon la méthode c'est tenter de contenir sa pensée dans unedémarche rationnelle._ De plus, si la démarche de la raison se fonde sur l'exigence idéale d'opérer au moyen de la raison, c'est qu'elletend à éradiquer l'irrationnel.
En effet poser quelque chose comme irrationnel, c'est supposer qu'il ne peut êtrecompris et expliquer par la raison car il échapperait par sa nature même à la raison.
Or la pensée scientifique refusede reconnaître que certaines choses puissent être irrationnelles par nature.
Au contraire, le désir d'intelligibilité qui laconduit l'amène à supposer qu'il n'y a rien d'irrationnel en soi, c'est-à-dire que ce qui nous semble à nous irrationnelse réduit à du rationnel encore mal connu.
On pourrait dire qu'un principe de raison suffisante fonde toute recherchepar la raison : ce principe de raison suppose que rien dans le monde n'existe sans raison.
Il est formulé par Leibnizau § 32 de la Monadologie : « nous considérons qu'aucun fait ne saurait se trouver vrai ou existant, aucune énonciation véritable sans quoi il y ait une raison suffisante pour qu'il en soit ainsi et non pas autrement quoique leplus souvent les raisons ne puissent point nous être connues ».
Ainsi , même lorsque nous ignorons la raison d'unechose, nous pouvons supposer son existence afin de la chercher : l'irrationnel n'est que de l'inexpliqué explicable endroit, mais pas un inexplicable en soi._ Pourtant il nous semble parfois que l'irrationnel ne se réduise pas à du rationnel encore inconnu; L'exemple duhasard suppose ainsi une défaillance dans le déterminisme universel supposé par la science.
Le déterminismesuppose que les mêmes effets s'ensuivront des mêmes causes dans la même situation.
Or le hasard a dans notreesprit la même origine que les miracles, son existence prétendue existerait dans la possibilité de se soustraire à lachaîne logique des antécédents et des conséquents.
Cependant si notre pensée ordinaire accueille aveccomplaisance l'irrationalité du hasard, la pensée scientifique a pour vocation de la nier.
Ainsi selon Laplace dan sonEssai philosophique sur les probabilités , le hasard ne résulte que de notre ignorance subjective de la multiplicité des causes qui détermine la multiplicité des effets.
Mais si nous supposions une intelligence capable de remonter toutesles relations de causalité, alors nous serions absolument certains du déterminisme universel et l'illusion du hasardirrationnel disparaîtrait de notre esprit.
Le calcul des probabilités est l'outil humain approchant de cette exigenceidéale; par conséquent, nous voyons que l'activité de la pensée travaille à réduire à la portion congrue l'irrationnelet son idéal pourrait être défini comme l'éradication radicale de l'irrationnel à titre d'illusion résultant de l'ignorancedes hommes.
Si la pensée scientifique a pour idéal la négation de l'irrationnel, elle n'est pas la seule forme de pensée.
Or leprésupposé de sa démarche est l'inexistence de l'irrationnel en soi qu'elle réduit du rationnel mal compris ou encoreinaperçu.
On peut cependant faire l'hypothèse d'un irrationnel qui ne se réduit pas au simple contraire de la raison.En ce sens, on peut concevoir d'autres modes de pensée non scientifiques qui seraient capable de ne pas nierl'irrationnel.
III L'irrationnel peut constituer un au-delà positif de la raison que la raison doit reconnaître et non nier _ Ce qui échappe à la raison ne se réduit pas au contraire du rationnel, il est radicalement autre que la raison.
Dufait même que la raison ne parvienne pas toujours à inscrire ses propres catégories dans le réel, elle ne peutlégitimement déduire que le réel se réduit à ce qu'elle en pense.
En effet il existe des portions du réel que la penséerationnelle ne peut appréhender.
Lorsque Leibniz se demande au § 7 des Principes de la nature et de la grâce : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien et pourquoi ainsi et pas autrement ? », il ne peut que invoquer latendance de Dieu à faire exister le meilleur des mondes possibles.
Si la raison ne peut répondre à cette questionsans se fonder sur l'hypothèse de l'existence de Dieu, c'est que le fait du monde n'est pas lui-même rationnel.
Lefait de l'existence ne peut être pensée par la raison.
Car il n'y a en effet aucune raison pour que le monde existeplutôt qu'il n'existe pas, ni pour qu'il soit ainsi et pas autrement.
La science pense la rationalité du monde déjàconstitué, mais le pourquoi de son existence lui échappe car elle ne s'occupe que du nécessaire, c'est dire que cequi doit être alors que le fait de l'existence est contingent, c'est dire qu'il aurait pu ne pas être.
Ainsi la contingenceradicale inhérent au fait de l'existence démontre l'insuffisance de la pensée rationnelle à se saisir de certainesportions du réel._ Si la raison s'avère incapable d'appréhender certaines portions du réel, cela ne signifie pas qu'elles n'existent pas.Il faut dénoncer l'illégitimité d'une raison qui prendrait prétexte de son impossibilité à saisir une chose, pour endéduire son inexistence.
Ainsi si Dieu est inconcevable à la raison, cela signifie seulement que la raison est incapable.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Faut-il toujours nier l'opinion pour penser ?
- Penser le temps
- En quoi peut on dire que Gargantua de Rabelais prête autant a rire qu’il donne à penser ?
- PEUT ON PENSER PAR SOI MÊME ?
- Instruire, c'est apprendre à penser d'Alain