Peut-il exister des désirs naturels ?
Publié le 23/10/2012
Extrait du document
«
D’autres auteurs nuancent en effet cette hiérarchisation et prouvent que le désir peut aussi être un besoin
non -naturel, subjectif.
Un besoin qui ne viendrait plus de la nature même de l’Homme mais de s on esprit et qui,
pourtant , serai t aussi légitime que certains besoins naturels.
Arthur Schopenhauer explique par exemple qu’ « entre les désirs et leurs réalisation s s'écoule toute la vie
humaine ».
Ce qu’a voulu dire l’auteur du Monde comme Volonté et comme Représentation est qu’il est de
l’essence même de l’homme de désirer.
De sa naissance à sa mort, celui -ci espère, rêve, attend l’objet de ses
désirs.
Comme le dit aussi Spinoza dans Conatus , l’homme est un être de désir dont il ne proviendrait pas d’ un
manque mais de notre capacité à prendre conscience de ce qui nous attire : « chaque chose s’efforce de
persévérer dans son être. » De plus selon lui, aucun désir ne peut subir de jugement moral extérieur car « nous ne
désirons aucune chose parce que nous la trouvons bonne mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est
bonne parce que nous la désirons. » Contrairement aux humains, les animaux, eux, n’ont aucune idée de cela, ils
se contentent d’être attirés.
Les désirs différeraient en fonction de la natu re de chaque personne.
Partant de cela,
Spinoza affirme qu’il ne serait pas logique de chercher à rompre avec nos désirs car ils sont ce que nous sommes.
Le désir amoureux peut souvent devenir un besoin réel et profond de l’autre.
Cette caractéristique pr opre à
l’être humain a été reprise de nombreuses fois dans la littérature classique. Notamment dans la pièce de W.
Shakespeare , Roméo et Juliette , ou les héros éponymes se suicident d’une manière tragique au nom du manque
insupportable de l’autre.
D’autres désirs humains peuvent aussi relever d’un désir naturel comme celui de la
reconnaissance en tant que personne à part entière.
Afin de s’épanouir et d’être pleinement heureux, l’homme a
besoin de reconnaissance provenant d’autres hommes, comme l’explique Jean Hyppolite dans Genèse et structure
de la Phénoménologie de l'esprit de Hegel .
Cette spécificité légitime et propre à l’être humain le distin gue une
nouvelle fois des animaux qui n’aspirent qu’à être, sans pour autant se faire reconnaître comme l’étant .
Pourtant,
on peut penser que la reconnaissance d’autrui n’est que simple désir qui ne serait qu’accessoire à la vie.
Cependant, cette reconnais sance est un besoin nécessaire à l’épanouissement ; et l’épanouissement est
nécessaire à la vie de l’homme puisqu’il est conscient.
Par exemple, l’enfant a besoin de la reconnaissance de ses
parents pour prendre ensuite conscience de lui -même.
On lui appre nd ce qu’est le corps humain, son
fonctionnement, etc.
En effet, un enfant qui ne bénéficie pas de cette reconnaissance dès son plus jeune âge
présen te des troubles du comportement. Ce désir à prio ri superflu chez l’être vivant se révèle naturellement
prés ent et essentiel pour l’être humain.
En outre, Ce n’est pas tellement l’objet du désir en lui -même qui est séduisant pour l’homme, mais plutôt le
fait de désirer, de poursuivre inlassablement un idéal. Rousseau l’illustre par cette phrase tirée de Julie ou la
nouvelle Héloïse : « Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! [l’homme] perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède ».
L’auteur montre ici la valeur du désir tel qu’il est.
En ce sens, l’être humain serait plus comblé en imaginant son
bonheur plutôt q u’en le satisfaisant réellement. Et peu importe l’objet du désir, l’homme le poursuivra tant que le
manque ne sera pas comblé.
Il rêvera continuellement de l’instant où il atteint son but et c’est cette espérance qui
le fera vivre car le désir est en lui.
Il ne pourra se soustraire à son emprise. Mais si l’on considère la vision de
Rous seau, l’Homme n’est -il pas condamné à poursuivre vainement un idéal durant toute sa vie en oubliant
justement de profiter de l’instant présent ? N’y voit -on pas là une forme d’emprisonnement spirituel, où, accaparé
par le désir, l’esprit tout entier de la personne ne parviendrait plus à refaire surface ?
Cette idée d’emprisonnement a été abordée avec l’existentialisme, dont Jean -Paul Sartre est le chef de file.
Cependant, cet auteur prend la même position que Rousseau puisque le mouvement exprime que l’homme
dépourvu de ses désirs naturels est condamné à mener une vie dénuée de sens.
Pour Sartre, Lhomme est un être
fondamentalement contingent.
Il est donc le seul et unique act eur de sa vie par ses propres actions et ses désirs,
qui ne sont pas prédéterminés.
Chaque personne définit elle -même sa vie par la satisfaction de désirs qui lui sont
propre.
Les actions qui en découlent vont donc lui permettre d’écrire sa propre histoire librement mais cela implique
qu’ elle est aussi totalement responsable de son sort.
Le désir peut aussi être démesuré car il est le fruit de l’esprit, il ne connais pas de frontières .
Il peut alors
aussi bien devenir une force ambitieuse et cr éatrice, qu’une force destructrice.
La quête sans fin de la satisfaction
ne risque -t-elle pas d’amener des sentiments néfastes tels que la frustration permanente ou encore la jalousie, la
rivalité.
L’exemple de Héra dans la mythologie grec incarne parfaite ment cette idée.
La déesse est l’archétype de
la jalousie et ne cessera de souffrir des infidélités de son mari, Zeus..
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