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Peut-on apprendre à mourir ?

Publié le 08/12/2005

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-Se pose aussi la question de la préparation matérielle de la mort, au-delà de la simple sphère spirituelle. Apprendre à mourir, c'est aussi apprendre à aménager sa mort. Quelle est la place du testament dans cet apprentissage de la mort ? Ecrire un testament, n'est-ce pas déjà faire preuve de sagesse, ne pas mourir à regret comme le mourant de la fable de La Fontaine ?   Il apparaît ainsi qu'il ne puisse pas y avoir un réel apprentissage de la mort, mais plus une sagesse dans la conduite de vie telle que nous ne redoutons pas la mort, ni la vie au moment de la mort. Car, comme le rappelle Sénèque dans sa Lettre à Lucillius, mieux vaut vivre bien que vivre longtemps. Apprendre à mourir, n'est-ce pas avant tout apprendre à vivre, et pour cela, une fois débarrassé de la crainte de la mort, profiter de la vie dans toute sa complétude ? Sans nier l'existence de la mort, au contraire, cette position fait de la mort un atout qui nous aide à « cueillir le temps présent » : c'est le fameux carpe diem ante noctem horacien.   III)             L'art de mourir serait l'art de vivre : un apprentissage qui vise à l'idéal de « vivre bien » plutôt que de vivre longtemps (Sénèque, Lettre à Lucillius)   -Plus qu'apprendre à mourir, ce qu'il faudrait avant tout, c'est vivre bien,  dans une vie dénuée de la peur de mourir par la sagesse. Par l'apprentissage d'une conduite sage dans ce mouvement qui nous mène inéluctablement vers la mort, ainsi, on déplace l'idéal d'une vie longue - la recherche de l'éternité a nourri bien des rêves, et se retrouve dans bien des légendes - vers une vie « bien remplie » et vécue dans toutes ses possibilités de bonheur : il y aurait un art de vivre qui serait en même temps art de mourir, au sens d'un art de mourir en ayant le sentiment d'une vie accomplie, sans regrets, au contraire du « mourant » de la fable de la Fontaine (La mort et le mourant), qui est surpris par la mort, « Sans qu'il eût fait son testament ».

-Apprendre vient du latin apprehendere, signifiant d'abord prendre, saisir. Mais comment saisir un événement qui met fin à la vie, insaisissable parce qu'une fois arrivé, on ne peut plus en témoigner ?

-En effet, la mort, c'est ce qui met fin à la vie : la mort est absence de vie, et est, par là, ouverte à tous les mythes, parce qu'elle appartient avant tout au domaine de l'inconnu.

-Cette mort peut provoquer la fascination, mais le plus souvent, la crainte. Que l'on songe à cette représentation du personnage de la mort qui vient chercher le mourant avec sa faucille, ou aux transis du XVème siècle, représentant la mort comme une douleur. On parle souvent de la mort par euphémisme, par métaphore, par crainte de l'affronter. Ce fait, qui nous concerne tous, et dont la conscience nous confère notre humanité, est donc insaisissable : on en connaît les manifestations physiques, mais que se passe-t-il dans l'âme du mourant ? Dès lors, ce champ de l'inconnu fait émerger toutes sortes de crainte... Or, comme le rappelle La Fontaine dans La Mort et Le Mourant, « Le plus semblable au mort meurt le plus à regret «.

-Doit-on pour autant ignorer la mort, parce que sa crainte nous empêche de vivre une vie apaisée ? Mais n'est-ce pas là nier notre humanité – l'être humain se différenciant des animaux par la conscience de sa finitude ?

-Se pose alors la question de notre rapport à la mort : nous en avons conscience, mais que faire de cette conscience ? Quel est le rapport de la mort et de la sagesse ? Le sage ne se définit-il pas par un rapport particulier à la mort ? Y a-t-il un art de mourir, comme il y a un art de vivre, et d'ailleurs, apprendre à mourir, n'est-ce pas avant tout apprendre à vivre ? Sans cet apprentissage, quelles sont les conséquences suscitées par la crainte de la mort, pourquoi une approche sage de la mort s'avère-t-elle être nécessaire ?

-Il y a une double temporalité dans cette approche de la mort : s'il y a apprentissage de la mort, il y  a celui, à long terme, au cours de la vie, et celui de la mort imminente, du moment effectif où, par différents signes physiologiques, on sait que l'on va bientôt mourir.

« leur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.

Les chrétiens, par exemple, imagineront quequiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.

La peur de la mort apartie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.

De plus, si tout dansl'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps quise décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.

Dès lors, rien de notre être nesurvit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».

Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée,la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégatd'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il fautpenser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation,de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus detemps à commencer à se décomposer.

Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation :« Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, etque la mort est absence de sensation.

»En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source detoute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme unsensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition des sensations, il ne peuty avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la penséeindividuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mortn'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.

»Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie estune affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. Cependant, l'absence de crainte par rapport à la mort ne semble pas naturelle : au contraire, il y a une terreurspontanée face à un fait que nous ne pouvons vraiment comprendre, saisir dans sa totalité – d'où la difficulté d'unapprentissage de la mort –, d'autant plus si l'on considère l'étymologie du verbe apprendre, apprehendere signifiant avant tout, nous l'avons vu, prendre, saisir.

On ne peut dès lors pas apprendre à mourir comme l'on pourraitapprendre la géographie ou l'histoire : la mort n'est pas une matière saisissable, un domaine de connaissances précismais est justement avant tout une absence, un vide.

Cet apprentissage de la mort, cet art de mourir comme il y aun art de vivre résulte donc d'un acte semble-t-il volontaire qui va au contraire des passions naturelles de l'homme.Socrate, dans sa mort, fait donc avant tout figure de héros parce que sa mort, dans l'absence de crainte et dans lecourage, fait preuve d'une maîtrise exceptionnelle de l'âme : son cas est une exception et résulte bien d'unapprentissage de la mort par la voie de la philosophie.-En tout cas, la mort nous attend tous, car nous sommes caractérisés par notre finitude – et sommes humains parla conscience de cette finitude.

Comme ce fait est immuable, c'est notre rapport à la mort qui doit changer : plutôtqu'une crainte paralysante, il faut préparer notre esprit afin de mourir de la manière la plus sage possible...

Ainsi,apprendre à mourir, c'est avant tout apprendre à vivre.

Mais en quoi consiste l'art de mourir ? Quels rapports étroits entretiennent l'art de mourir et la sagesse, au sens dela philosophie ? II) Apprendre à mourir, c'est faire preuve de sagesse : la philosophie n'est-elle pas ce qui nous apprend à mourir ? -Apprendre à mourir n'est pas, semble-t-il, un mouvement naturel : il y a bien un apprentissage nécessaire pourréfréner ses mauvaise passions, la crainte suscitée par la mort.

C'est ce que relate Sénèque dans ses Lettres à Lucillius : c'est bien au quotidien qu'il faut apprendre à passer outre nos craintes et nos douleurs : « le sage pense toujours à ce que vaut la vie et non à ce qu'elle dure ».

Il est ainsi « stupide de se lamenter alors que si peu detemps s'écoule entre le disparu et celui qui pleure » ( Lettre XCIX ). -S'il y a apprentissage de la mort, c'est donc bien à long terme, à l'échelle d'une vie.-Cependant, il reste difficile d'apprendre à mourir : on peut certes atténuer notre crainte, mais cet apprentissage vaà l'encontre d'un mouvement naturel chez l'homme et, de plus, il apparaît bien difficile de saisir l'acte même demourir dans sa totalité pour l'analyser, pour mieux cerner notre crainte car il nous est difficile de déterminerprécisément ce qu'est mourir.

Ainsi, mourir sans douleur ne serait qu'un idéal que l'on ne pourrait atteindre que defaçon asymptotique : plus qu'apprendre à mourir, il s'agit avant tout d'apprendre à aller au-delà de l'angoisse de lamort qui semble avant tout une angoisse de l'inconnu.

Si on ne peut réellement apprendre à mourir, l'on peutcependant apprendre à vivre bien et à changer notre rapport à la mort : plutôt que faire semblant de l'ignorer, on nedoit plus la craindre.-La sagesse semble appropriée à cet apprentissage de la mort, ou plutôt de ce mouvement vers la mort.

Est ainsisage celui qui fait preuve de modération dans ses passions, y compris dans la crainte.

C'est alors ce qui fait dire àMontaigne que « philosopher, c'est apprendre à mourir », reprenant la réflexion de Cicéron dans les Tusculanes (Essais , Livre I, Chapitre XIX) : la nature nous enseigne que la mort est de l'ordre du monde, il faut s'y préparer .

La préparation à cette mort tend vers un autre but, qui est la « volupté » de la vie (« des principaux bienfaits de lavertu, c'est le mépris de la mort, moyen qui fournit notre vie d'une molle tranquillité, et nous en donne le goût pur etaimable : sans qui toute autre volupté est éteinte »).-Il convient également de s'interroger sur le rôle de la religion dans cet apprentissage de la mort.

Est-elle une. »

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