Peut-on concevoir le temps ?
Publié le 10/07/2012
Extrait du document


«
2
saisir dans une représentation sensible.
Sans doute, quand on cherche à exprimer le
temps, on dit de lui qu'il passe.
Tout aussitôt on se forme une image réaliste de ce
passage en y voyant une chose qui passe, un fleuve qui s'écoule irrémédiablement et
emporte tout sur son passage.
On cherche une chose en mouvement et on voudrait
percevoir le temps comme on observe un phénomène extérieur objectif.
Ce mouvement
est, bien entendu, celui du ciel.
Ne parle-t- on pas en effet du temps en termes de jours,
de mois, de saisons, d'anné es? En parlant d'heures ou de jours, on assimile le temps et
le temps d'un mouvement, la durée d'une révolution du soleil, par exemple.
Ma is,
comme le faisait remarquer saint Au gustin, le temps n'est ni cette révolution ni sa
duré e : "Si c'était le mouvement, on aurait un jour même si le soleil avait accompli sa
course en l'espace d'une heure"; si c'était la durée de ce mouvement, "on n'aurait pas un
jour, si le soleil allait d'u n lever à un autre lever en un temps aussi bref qu'une heure,
mais le soleil tournerait vingt- quatre fois pour remplir un jour." Qu'arriverait -il si le
soleil suspendait sa course ? Faudrait -il en conclure que le temps s'arrête pendant un
certain temps? Mi eux vaut reconnaître que le temps ne consiste pas en un mouvement
aussi continuel et régulier soit- il, comme celui du soleil ou même comme celui des
aiguilles d'une montre.
Il faut se délivrer des images qui représentent le temps par un
mouvement et nous f ait croire qu'il s'agit d'un phénomène objectif empiriquement
observable.
Les choses sont dans le temps, et le temps lui -même n'est pas le temps que
dure une chose entre le moment où elle apparaît et le moment où elle disparaît, comme
la fleur qui ne dure qu'un printemps.
Les changements, les mouvements que nous
observons sont ceux de choses particulières qui ont leur duré e : une pierre qui tombe,
un bateau qui passe.
Mais derrière tous les mouvements, il y a le temps unique qui vaut
universellement : "Nous pensons un temps unique, commun à tous et à toute chose"
redit Alain après Kant.
Cette universalité exige qu'on considè re le temps en faisant
abstraction de ce qui s'y passe et de ce qui dure, de sor te que : "le temps dans lequel ne
se passent pas de chan gements identifiables est [...] le temps pur, que n'affecte aucun
apport étranger, donc, le temps vrai, le temps comme tel.
En effet, si nous voulons
saisir le concept de temps dans toute sa pureté, isolé de tout apport étranger et
incongru, sous sommes obligés d'en écarter comme hors de son ressort les événements
divers qui se passent simultanément ou successivement dans le temps, et de nous
représenter ainsi le temps dans lequel rien ne se passe.
Par là, nous n'avons donc pas
laissé se perdre le concept d e temps [...], mais nous sommes arrivés pour la première
fois au pur concept de temps." (Engels, Antidoping, I, v).
Il nous faut donc atteindre une certaine abstraction pour nous représenter le
temps.
Ce temps abstrait, qui ne peut être que conç u, est celui de la Mécanique.
Dans
les Principia , Newton en parle comme du "temps absolu, vrai et mathé matique, sans
relation à rien d'extérieur et qui coule uniformément".
Il le distingue du "temps relatif ,
apparent et vulgaire qui est mesure sensible et externe d'une partie quelconque (égale
ou inégale) de durée prise du mouvement : telles sont les mesures d'heures, de jours, de
moins, etc.
dont on se sert ordinairement à la place du temps vrai."
Le temps "apparent" correspond à des mouvements visibles dans lequel on voit,
en quelque sorte, et observe le temps qui passe.
C'est celui de notre représentation
ordinaire, quand on parle en termes de jours et d'heures.
Le temps représenté par des
mouvements n'est pas le temps vrai ; il n'est qu'une façon de le mesurer.
Il est une
mesure du temps, non le temps lui -même, le temps même, qui ne peut être envisagé
qu'abstraitement, "hors des choses temporelles" et distingué des mouvements
observables.
Aequabiliter fluit — il coule uniformément —, dira Newton pour le
caractériser.
Cela n'en fait pas un mouvement, au contraire.
Les mouvements
observables sont toujours susceptibles de variations, d'inégalités, de lenteur ou de
rapidité, et la lune, par exemple, va plus vite que le soleil.
Mais "la durée ou la.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Commenter ou discuter cette pensée de Paul Valéry : « J'estime philosophe tout homme de quelque degré de culture qu'il soit, qui essaie de temps à autre de se donner une vue d'ensemble, une vision ordonnée de tout ce qu'il sait, et surtout de ce qu'il sait par expérience directe, intérieure et extérieure. On peut concevoir un philosophe de très grand style qui n'aurait point de connaissance scientifique ». ?
- Peut-on concevoir une fin des temps ?
- Le temps est invention. Bergson
- Texte d’étude : Charles Baudelaire, « L’Ennemi », Les Fleurs du Mal (1857): Le temps mange-t-il la vie ? (HLP Philo)
- Penser le temps