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Peut-on considérer l'homme comme une machine ?

Publié le 01/04/2005

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  Pourtant, un problème nouveau se dessine. Car cette conception ne permet pas de différencier essentiellement l'homme du simple objet. Il ne s'agit ici que d'une différence spécifique. Dès lors ; il semble difficile de concilier le déterminisme mécaniste que la science modélise et l'idée que l'homme est un sujet responsable de ses propres choix, c'est-à-dire une personne. Il semble que la seule voie nous permettant de sortir de la conception mécaniste appliquée à l'humain soit dès lors, paradoxalement, notre seul sentiment de ne pas être des machines, cette impression forte d'être différents de celles que nous construisons. Dire que l'homme n'est pas une machine relève donc d'un acte où se révèle justement notre capacité à nous déterminer, Le sujet offre ainsi une piste puisqu'il nous demande non pas si l'homme est une machine mais si nous pouvons considérer l'homme comme tel.  Le verbe considérer désigne ici le choix d' un angle de vue qui n'est pas neutre. C'est le choix de cette position qui me permet d'accéder à une vision éthique de l'humanité, qui respecte l'homme sur le principe qu'il n'est pas un simple objet. Si nous ne pouvons pas, au sens scientifique, prouver que l'homme n'est pas seulement un être qui réagit a des impulsions sans aucune marge d'autodétermination, du moins pouvons-nous, au sens éthique, refuser une telle conception. L'expérience de la considération de l'autre, de sa reconnaissance en tant que sujet vient apporter ici un exemple essentiel.

 Le terme de machine renvoie à la forme développée de l’outil, c’est-à-dire a un ensemble de mécanismes combinés, destinés à produire un effet approprié à partir d’une impulsion initiale. La machine est donc un ensemble uni et entièrement déterminé. Or, à partir du XVIIe siècle, la machine a servi de modèle à la science physique pour penser la nature. L’animal mais aussi le corps humain ont été également englobés dans cette conception, qui refuse de prendre en compte ce qui dans l’homme peut relever de l’expression d’une cause finale, ou de l’exercice de forces immatérielles telles que l’âme.

 Si la nature est donc devenue rationnelle pour l’homme grâce à une conception modélisée sous la forme de la machine, nous constatons pourtant que l’homme risque à travers cette conception de nier ce qui fait sa particularité au sein des étants.

 Car considérer l’homme comme une machine, uniquement déterminée par des phénomènes physiques et chimiques, n’est-ce pas risquer de nier sa spécificité, c’est-à-dire son pouvoir de se déterminer, que nous nommons liberté? Que cette machine soit l’œuvre aveugle de rouages qui la déterminent ou qu’elle soit subordonnée à une idée prédéfinie, qui pourrait être celle d’un Dieu créateur, d’un Dieu horloger, comme le pense Descartes, l’homme se voit ici refuser une autonomie qui semblait le différencier.

« 1) La conception mécaniste de la nature interprète les phénomènes d'après le modèle de la machinecomme ensemble entièrement déterminé par des relations nécessaires causées par une impulsioninitiale.

L'homme, considère comme un corps en mouvement, peut être réduit scientifiquement àune telle conception, qui refuse l'idée d'une opération en l'homme de forces immatérielles et d'uneliberté le caractérisant. S'il fallait définir la vie d'un seul mot, qui, en exprimant bien ma pensée, mit en relief le seul caractère qui,suivant moi, distingue nettement la science biologique, je dirais: la vie, c'est la création.

En effet, l'organismecréé est une machine qui fonctionne nécessairement en vertu des propriétés physico-chimiques de ses élémentsconstituants.

Nous distinguons aujourd'hui trois ordres de propriétés manifestées dans les phénomènes des êtresvivants: propriétés physiques, propriétés chimiques et propriétés vitales.

Cette dernière dénomination de propriétévitale n'est, elle-même, que provisoire; car nous appelons vitales les propriétés organiques que nous n'avonsencore pu réduire à des considérations physico-chimiques; mais il n'est pas douteux qu'on y arrivera un jour.

Desorte que ce qui caractérise la machine vivante, ce n'est pas la nature de ses propriétés physico-chimiques, sicomplexes qu'elles soient, mais bien la création d'une machine qui se développe sous nos yeux dans les conditionsqui lui sont propres et d'après une idée définie qui exprime la nature de l'être vivant et l'essence même de la vie.Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale. 2) Cependant, la conception mécaniste appliquée à l'homme peine à penser la différence de ce dernier parmi les étants, qui est d'avoir conscience de ses propres réactions.

La pensée, si elle estpeut être réductible à des réactions physico-chimiques est ainsi ce qui caractérise l'homme parmitous les étants, à travers notamment sa capacité constante à s'adapter a son environnement. Et je m'étais ici particulièrement arrêté à faire voir que, s'il y avait de telles machines, qui eussent les organes et lefigure d'un singe, ou de quelque autre animal sans raison, nous n'aurions aucun moyen pour reconnaître qu'elles neseraient pas en tout de même nature que ces animaux ; au lieu que, s'il y en avait qui eussent la ressemblance denos corps et imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux moyenstrès certains pour reconnaître qu'elles ne seraient point pour cela de vrais hommes.

Dont le premier est que jamaiselles ne pourraient user de paroles, ni d'autres signes en les composant, comme nous faisons pour déclarer auxautres nos pensées.

Car on peut bien concevoir qu'une machine soit tellement faite qu'elle profère des paroles, etmême qu'elle en profère quelques unes à propos des actions corporelles qui causeront quelque changement en sesorganes : comme, si on la touche ne quelque endroit, qu'elle demande ce qu'on lui veut dire ; si en un autre, qu'ellecrie qu'on lui fait mal, et choses semblables ; mais non pas qu'elle les arrange diversement, pour répondre au sensde tout ce qui se dira en sa présence, ainsi que les hommes les plus hébétés peuvent faire.

Et le second est que,bien qu'elles fissent plusieurs choses aussi bien, ou peut-être mieux qu'aucun de nous, elles manqueraientinfailliblement en quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu'elles n'agiraient pas par connaissance, maisseulement par la disposition de leurs organes.

Car, au lieu que la raison est un instrument universel, qui peut serviren toutes sortes de rencontres, ces organes ont besoin de quelque particulière disposition pour chaque actionparticulière ; d'où vient qu'il est moralement impossible qu'il y en ait assez de divers en une machine pour la faireagir en toutes les occurrences de la vie, de même façon que notre raison nous fait agir.

Descartes Au contraire, dans une société humaine, la fabrication et l'action sont de forme variable, et, de plus, chaque individudoit apprendre son rôle, n'y étant pas prédestiné par sa structure.

Il faut donc un langage qui permette, à toutinstant, de passer de ce qu'on sait à ce qu'on ignore.

Il faut un langage dont les signes - qui ne peuvent pas êtreen nombre infini - soient extensibles à une infinité de choses.

Cette tendance du signe à se transporter d'un objet àun autre est caractéristique du langage humain.

On l'observe chez le petit enfant, du jour où il commence à parler.Tout de suite, et naturellement, il étend le sens des mots qu'il apprend, profitant du rapprochement le plusaccidentel ou de la plus lointaine analogie pour détacher et transporter ailleurs le signe qu'on avait attaché devantlui à un objet.

" N'importe quoi peut désigner n'importe quoi ", tel est le principe latent du langage enfantin.

On a eutort de confondre cette tendance avec la faculté de généraliser.

Les animaux eux-mêmes généralisent, et d'ailleursun signe, fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un genre.

Ce qui caractérise les signes du langagehumain, ce n'est pas tant leur généralité que leur mobilité.

Le signe instinctif est un signe adhérent, le signeintelligent est un signe mobile.

Bergson 3) Le refus du mécanisme appliqué à l'homme se base peut-être moins sur une conception rationnellement fondée que sur le choix d'une considération, qui repose sur le sentiment de ne pasêtre réductibles à des machines.

L'expérience de l'autre est ainsi un exemple de l'adoption d'un tel. »

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