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Peut-on désirer sans souffrir ?

Publié le 20/03/2009

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Le désir renvoie à une expérience passée, il réclame la résurrection d'un bonheur éprouvé, puis perdu. Tout désir peut être interprété comme la quête d'un paradis devenu inaccessible. Mais d'autre part le désir (désirer vient du terme latin « sidus « qui signifie « étoile « : désirer, c'est regretter l'absence d'une étoile) postule l'existence d'un autre monde que le monde réel. Ce monde peut être celui des essences simples et éternelles (chez Platon) ou bien le royaume de l'imaginaire que décrit Freud, notamment dans « L'inquiétante étrangeté «. Dans ces deux composantes de la définition du désir, on voit qu'il est de l'essence du désir de ne pouvoir être complètement satisfait ici-bas. Le désir est cette nostalgie d'un idéal perdu irrémédiablement. C'est ainsi que Malebranche emploie une formule lumineuse pour définir la nature du désir : « Le désir est l'idée d'un bien que l'on ne possède pas mais que l'on espère posséder «. Une telle définition appelle un certain nombre de remarques, dont la première est que l'action de désirer est proprement humaine : en effet, seul l'homme peut en toute rigueur être dit désirant, dans la mesure où seul l'homme est capable d'avoir conscience d'un manque dans son existence, d'éprouver le besoin de le combler, et de se proposer des moyens concrets de parvenir à cette fin. Les autres êtres vivants ne désirent pas : nous pouvons uniquement dire, à la rigueur, qu'ils tendent instinctivement vers quelque chose de nécessaire à la perpétuation de leur existence. Souffrir est une expérience du sujet qui consiste à éprouver un sentiment désagréable associé à l'idée de privation de la vie. En effet, souffrir, c'est ressentir en nous même une émotion négative, néfaste, qui nous avertit d'un danger encouru par notre être. C'est ainsi que la souffrance que j'éprouve m'avertit de la nécessité de m'en garder, car sa permanence met en danger mon existence. Souffrir, c'est donc faire l'expérience d'une mise en danger de mon existence, dont les causes peuvent être variées : car la souffrance peut avoir une cause extérieure à mon être, mais également, dans le cas de la souffrance psychologique, peut également être causée par mes propres pensées et mon propre rapport au monde. On parlera donc d'une « expérience des limites « dans le cas de la souffrance, puisqu'elle se confond avec la fréquentation d'une cause intérieure ou extérieure à mon être qui en met l'existence en jeu. Si nous nous posons la question « peut-on désirer sans souffrir ? « nous cherchons à déterminer si cette activité projective qu'est le désir est nécessairement accompagnée de l'expérience de la souffrance. La question au centre de notre réflexion sera donc de savoir s'il appartient à l'essence même du désir d'être accompagné de l'expérience de la souffrance.

« « Cet homme, donc, comme tous ceux qui désirent, désire ce qui n'est pas actuel ni présent ; ce qu'on n'a pas,ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour ». Une telle compréhension du désir implique qu'il est lié à une souffrance présente, puisqu'on ne désire rien sansmanquer, sans ressentir une incomplétude douloureuse que seule la satisfaction du désir est capable de fairedisparaître. c.

Désir et souffrance de la crainte Mais si nous nous tournons vers la dernière des strates temporelles, l'avenir, il semble encore que nous ne pouvonsdésirer sans souffrir.

En effet, il n'y a pas de désir, nous l'avons vu en introduction, sans projection vers l'avenir,puisque le désir est selon le mot de Malebranche « l'idée d'un bien que l'on ne possède pas mais que l'on espère posséder ».

Cette nature projective du désir implique donc nécessairement une expérience de la crainte, elle-même associée à l'expérience de la souffrance : car désirer, c'est souhaiter l'avènement de la fin de mon désir par lasatisfaction, tout en étant pas certain que le désir sera satisfait.

On ne peut donc désirer sans souffrir, car on nepeut désirer sans attendre dans l'incertitude la satisfaction future d'un manque présent qui nait d'un impossibleretour du passé. II.

Pour une éducation du désir permettant l'éradication de la souffrance a.

La restriction du désir aux sphères du nécessaire et du raisonnable Cependant, malgré tout ce que nous venons de dire, il semble que le désir n'est pas nécessairement tourné vers desbiens dont la privation actuelle nous cause de la souffrance.

En effet, toute la philosophie Epicurienne qui sepropose d'aider les hommes à atteindre le bonheur, nous apprend à distinguer entre nos désirs et à choisir decultiver ceux qui ne sont pas l'occasion pour nous de souffrir, et ceux-là exclusivement.

C'est ainsi que dans safameuse « Lettre à Ménécée », Epicure distingue entre les besoins naturels et nécessaires (boire, manger, dormir)naturels et non nécessaires (manger des mets raffinés) non naturels et non nécessaires (l'opulence, l'estimeuniverselle).

A la lumière de cette distinction, nous dirons que les seuls objets désirables sont ceux quiappartiennent à la première catégorie, et, à la rigueur, à la deuxième ; mais que sont indésirables les objets de ladernière.

Par conséquent, nous évoluerons à partir de maintenant dans notre réponse à la question posée : il sembleque l'on peut désirer sans souffrir, à partir du moment où nous nous efforçons de cultiver des objets raisonnables etnécessaires pour notre désir.

b.

L'identification de l'objet du désir et de l'ordre du monde Si nous nous tournons à présent vers la pensée d'Epictète, telle qu'il la développe dans son Manuel , nous verrons qu'il existe une différence intrinsèque entre ce qui ne dépend pas de nous (la mort, la réputation, la fortune…) et cequi dépend entièrement de nous (le rapport moral que nous soutenons à ce qui nous arrive de nécessaire).

Dans lecadre de cette philosophie, le désir cesse d'être lié à la souffrance, puisque le désir cesse d'avoir des objetsinaccessibles.

Désirer, c'est uniquement vouloir que le monde soit tel qu'il est, c'est-à-dire coïncider par notrevolonté à l'ordre du monde.

Dans ce cas, nous dirons qu'il est parfaitement possible de désirer sans souffrir, àcondition de tourner notre puissance de désirer vers ce qui est, et non vers ce qui fut ou ce dont nous souhaitonsl'avènement. c.

La sagesse, ascèse pour dénouer le lien contingent du désir et de la souffrance Ce qui ressort de ce développement, c'est que la sagesse est le moyen de dénouer le lien entre désir et souffrance.Certes, le désir porte naturellement vers des objets dont la privation actuelle est un motif de souffrance.

Mais sinous nous livrons à une ascèse en réfléchissant au véritable moyen pour nous d'être heureux, nous limiterons lechamp de nos désirs à des objets accessibles dont le manque ne pourra être l'occasion d'une souffrance.

Il sembledonc que le lien entre le désir et l'expérience de la souffrance soit contingent et non pas nécessaire comme nousl'avons d'abord pensé. III. Le désir n'est pas nécessairement lié à l'expérience de la souffrance. »

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