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Peut-on dire d'une coutume qu'elle est barbare ?

Publié le 12/12/2005

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  -Diderot, Supplément au voyage de Bougainville : non seulement les cultures exotiques (en son sens étymologique de culture recélant une extériorité, une étrangeté radicale par rapport à la nôtre) ne sont pas barbares, mais à travers leur examen on peut même prendre conscience de la barbarie que peut recéler notre propre culture, dans son non-respect du droit naturel. -L'idée de tolérance permet de relativiser les cultures : notre culture diffère d'une autre, mais cette différence ne doit pas être l'occasion d'une hiérarchisation par rapport à un hypothétique degré d'humanité. Car ce sur quoi doit se fonder une culture ou une coutume proprement humaine, c'est le respect du droit naturel, qui se fonde notamment sur le respect de la liberté naturelle. C'est ce respect fondamental de la liberté naturelle qui doit constituer le critère de tout jugement accusant une coutume donnée de "barbare". Ce n'est donc pas une culture en son ensemble qui peut être qualifiée de "barbare", mais une pratique, une coutume donnée à l'intérieur même de cette culture.     III. Le jugement de barbarie révèle davantage la barbarie de celui qui l'énonce.   -Lévi-Strauss : toute civilisation, toute culture particulière est naturellement portée à juger une culture étrangère à la sienne comme barbare, en tant précisément qu'étrangère. Un village peut considérer les habitants d'un village étranger mais situé à proximité comme des non-hommes, en raison de leur caractère d'extériorité. -Tout jugement de barbarie révèle une vision extrêmement ségrégative et exclusive, en ce qu'elle rejette comme nulle toute perspective étrangère à la sienne ; en ce sens, le vrai barbare, c'est celui qui accuse l'étranger de barbarie.

- Juger un homme ou une culture quand à son degré plus ou moins élevé d' "humanité", c'est porter un jugement d'appréciation qui prend pour critère objectif notre propre évaluation sur ce qui doit constituer l'humanité. - Ainsi, dire qu'une coutume est barbare, cela revient tout aussi bien à affirmer par contraste le haut degré d'humanité de la nôtre ; c'est donc tout aussi bien révéler la teneur de notre propre culture particulière. - Or, affirmer le caractère barbare d'une coutume particulière, n'est-ce pas, par là même, caractériser notre propre culture comme une culture négatrice et incapable de tolérance, donc précisément comme une culture "barbare" ? La barbarie n'est-elle pas tout autant dans celui qui juge que celui qui est jugé comme barbare ?

« rapport à la culture.

Lorsque nous traitons tel ou tel peuple de « sauvage », lorsque nous qualifions ses coutumes etses rites d'« habitudes de sauvages », nous faisons certes comme si nous le rejetions hors de la culture, dans un «pur état de nature ».Mais, en réalité, le sauvage « pur » n'existe pas, car tout homme est toujours d'emblée inscrit dans une culturedéterminée.

Par ces expressions, nous voulons signifier en réalité que nous rejetons la culture de l'autre, comme sielle n'était pas digne d'être une manifestation culturelle de l'homme, et devait être abaissée au rang de grossièrenature.Ainsi, c'est comme si on refusait d'admettre le fait même de la diversité culturelle, affirmant implicitement ououvertement que seule la culture à laquelle nous appartenons est vraie, « normale », modèle et expression de lanorme, donc supérieure.Lévi-Strauss précise, à la suite de cet extrait, que le véritable «barbare» est celui qui applique à l'autre cequalificatif, et se montre ainsi incapable d'accepter la diversité culturelle et la relativité de sa propre culture. Ce à quoi s'oppose cet extrait: L'expression « c'est un sauvage » cache donc en réalité, selon Lévi-Strauss, une forme plus ou moins déguisée deracisme, de peur et de refus de la différence culturelle.C'est dans son texte Race et histoire que Lévi-Strauss développera ces analyses pour montrer que ce refus a habitéle mouvement du colonialisme européen depuis le XVe siècle et lui a même apporté ses plus puissants alibis.C'est, en effet, en raison même de ce rejet que l'on proclamait la nécessité, par la colonisation, de « civiliser lessauvages ».

C'était en réalité un prétexte, nous dit-il, pour détruire les formes de civilisation qui ne correspondaientpas aux normes et aux idéaux de celle de l'Occident.Mais le texte de Lévi-Strauss s'oppose aussi à une certaine manière de concevoir le travail de l'ethnologue,manièrequi prédominait au début du siècle.

Il s'agissait alors de traiter les « cultures primitives », celles par exemple destribus d'Amazonie, comme des sous-cultures ayant manqué leur phase de développement.En montrant qu'il existe une « pensée sauvage » aussi riche et complexe que celles qui animent la culture del'Occident, Lévi-Strauss a tenté de renouveler le travail de l'ethnologue en le débarrassant de tout ce que sous-entendait de péjoratif l'idée même de « sauvage ».C'est pourquoi il écrit, à propos de l'idée occidentale selon laquelle les cultures «primitives» sont inertes etstationnaires : «Chaque fois que nous sommes portés à qualifier une culture humaine d'inerte [...] nous devons doncnous demander si cet immobilisme apparent ne résulte pas de [notre] ignorance.

» -Tout jugement de barbarie révèle une vision extrêmement ségrégative et exclusive, en ce qu'elle rejette commenulle toute perspective étrangère à la sienne ; en ce sens, le vrai barbare, c'est celui qui accuse l'étranger debarbarie.

La tolérance constitue la médiation par laquelle on peut faire le deuil de notre tendance naturelle à labarbarie.

Conclusion -Une coutume peut être dite barbare si elle ne respecte pas les droits naturels fondamentaux de l'homme.Néanmoins, ce jugement ne doit pas être porté au-delà de pratiques particulières, il ne peut en aucun cascaractériser une culture dans son ensemble, sous le seul prétexte qu'elle nous est radicalement étrangère.-La barbarie peut donc toucher n'importe quelle culture, la nôtre même, lorsqu'elle se ferme à l'extériorité et qu'ellese constitue comme norme de tout jugement d'appréciation possible.-Reconnaître l'extériorité, faire de l'Autre un Même, c'est là le processus même de la civilisation, par lequel chacundoit faire le deuil du barbare qu'il recèle en lui.. »

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