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Peut-on dire que le passé n'est jamais mort ?

Publié le 13/12/2005

Extrait du document

Pour guérir le présent d'un patient malade, il faut ainsi en retrouver le passé perdu car, comme l'affirme Freud, l'inconscient n'oublie rien. Dans ses Etudes sur l'hystérie, Freud écrit que le névrosé « souffre de réminiscences «. Cela signifie qu'un traumatisme oublié par le névrosé fait retour dans sa mémoire et, ne pouvant parvenir à sa conscience, s'exprime sous forme de symptôme. Pour guérir le névrosé, il faut donc parvenir à ce que ce passé arrive jusqu'à la mémoire du névrosé, qu'il passe outre la censure. Il faut que le névrosé réussisse à dire la réminiscence avec des mots au lieu de la refouler avec des actes. Dans La Généalogie de la morale, Nietzsche a montré que l'oubli n'est pas une faculté passive qui résulte de l'inertie du psychisme, de ses fatigues ou de sa faiblesse. L'oubli est un pouvoir actif d'enrayement. Il correspond à la phase de "digestion psychique" des événements, comparable à celle de la digestion organique des aliments auxquels nous ne pensons plus une fois absorbés. L'oubli est l'effet d'une assimilation. C'est un temps mort durant lequel se fait table rase ou place nette pour les choses nouvelles et plus nobles : "La faculté active d'oubli est une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l'ordre psychique, la tranquillité, l'étiquette.

  • Parties du programme abordées :

- La mémoire. - Le temps. - L'histoire.

  • Analyse du Sujet : Bien qu'ayant irréversiblement perdu son caractère d'actualité, le passé conserve-t-il cependant toujours une certaine force caractéristique de la vie ?
  • Conseils pratiques : Mettez bien en valeur les différentes fonctions de la mémoire, tant au niveau individuel qu'au niveau collectif et ses liens avec l'histoire.
  • Bibliographie :

Nietzsche, La Volonté de Puissance, Trident. Bergson, Matière et mémoire, PUF. Proust, Du côté de chez Swann, I, Combray, Gallimard, Folio.

  • Difficulté du sujet : **
  • Nature du sujet : classique

« le bonheur, lasérénité, l'espérance, la fierté ou la jouissance de l'instant présent ne pourraient exister sans la faculté d'oubli.Freud de son côté a souligné le caractère vital de l'oubli des événements pénibles et désagréables.

C'estspontanément que l'inconscient oppose une résistance aux souvenirs d'impressions ou à la représentation d'idéespénibles.

Pour l'inconscient, l'oubli est un instinct de défense comparable au réflexe de fuite face au danger.

S'il estsouvent difficile d'effacer de sa mémoire des sentiments de remords et de culpabilité, s'il est vrai que l'oubli n'estjamais volontaire, il faut supposer une "économie" dans l'organisation du psychisme humain, où l'oubli de certainsévénements sert l'intégrité de l'ensemble.

Parfois tenu en échec par des instances plus puissantes qui cherchent àréaliser leurs buts, l'oubli s'opère par un déplacement d'objet.

Si l'événement douloureux n'est pas oublié, l'oubli seratransféré sur les circonstances ou des objets qui y sont liés, montrant qu'il réalise par là un véritable "travail".

c) Ainsi, pour les psychanalystes, le passé de chaque individu est toujours présent en lui.

On peut alors dire que « lepassé n'est jamais mort », car il est toujours présent au sein du sujet et agit toujours sur lui.

Transition : Cependant, ce passé qui persiste dans l'individu est-il le passé réel ? Notre mémoire remodèle le passé.

3. a) On peut toutefois remarquer que le passé qui persiste dans l'individu et le passé réel n'est pas forcément lemême.

Ainsi l'on sait bien que l'orgueil nous pousse à remodeler notre mémoire du passé.

Un aphorisme de Nietzscheillustre bien cet état de fait : « “C'est moi qui ai fait cela”, dit ma mémoire.

“Il est impossible que je l'aie fait”, ditmon orgueil et il reste impitoyable.

Finalement - c'est la mémoire qui cède.

» ( Par-delà bien et mal , IV, 68) Nietzsche veut signifier par là que, dans certaines circonstances, notre orgueil refuse de reconnaître certains faitset qu'il réussit à transformer notre mémoire de manière à ce que celle-ci « oublie » ces faits.

Mais ce qui estintéressant est alors de prendre en compte le fait que notre mémoire est quelque chose de plastique et que celle-ciremodèle toujours le passé.b) Il peut donc exister une différence profonde entre le passé réel, entre ce qui s'est réellement passé, et ce quenotre mémoire nous rapporte du passé.

Le passé qui subsiste en nous est composé de ce que notre esprit acceptede retenir, il est le produit d'une mémoire sélective qui peut aller jusqu'à contrefaire les faits réels.

Le passé quihabite l'individu, nous devons plutôt le nommer « mémoire » que « passé », car ce que la mémoire retient, ce n'estpas forcément ce qui s'est passé, ce n'est pas nécessairement le passé.

Le passé réel, quant à lui, est donc bel etbien mort, car il n'est plus, et comme seule la mémoire peut nous en parler, nous ne pourrons jamais savoir commentil était véritablement, puisque la mémoire n'est pas fiable.c) Mais cette manière qu'à la mémoire de remodeler le passé est aussi une manière de rendre le passé vivant.

Eneffet, le passé de la mémoire n'est plus figé, il est quelque chose de mouvant, et qui dépend des velléités de lamémoire.

Le passé devient alors un moyen au service du présent et il renoue ainsi réellement avec la vie.« Féconder le passé et enfanter l'avenir : que tel soit mon présent », écrivait Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra. Le passé est ainsi quelque chose que l'homme doit rendre fécond.

Certes, il est mort, mais la mémoire humaine lui redonne de la vie. Si l'animal jouit d'un bonheur que l'homme jalouse, c'est parce qu'il n'a pas demémoire supérieure.

Seul l'homme dit « je me souviens » et pour cela il lui estimpossible de vivre heureux et pleinement.

En effet :1) C'est par la mémoire, conscience du passé, que l'homme acquiert laconscience du temps et donc celle de la fugitivité et de l'inconsistance detoutes choses, y compris de son être propre.

Il sait que ce qui a été n'estplus, et que ce qui est est destiné à avoir été, à n'être plus.

Cette présencedu passé l'empêche de goûter l'instant pur, et par conséquent le vraibonheur.2) Le passé apparaît à l'homme comme l'irréversible et l'irrémédiable.

Il marquela limite de sa volonté de puissance.

L'instant présent, ouvert sur l'avenir, estle lieu du possible où peut s'exercer sa volonté de puissance.

Le passé, aucontraire, change et fige la contingence du présent en la nécessité du « celaa été ».

Dès lors la volonté ne peut que se briser sur cette pétrification dupassé qui se donne comme le contre-vouloir de cette volonté.

C'est pourquoi« l'homme s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé quil'écrase ou le dévie, qui alourdit sa démarche comme un invisible fardeau deténèbres ».3) Sans l'oubli l'homme ne peut pleinement vouloir ni agir : il est un êtremalade, il est l'homme du ressentiment.

La « santé » psychique dépend de lafaculté de l'oubli, faculté active et positive dont le rôle est d'empêcherl'envahissement de la conscience par les traces mnésiques (les souvenirs). Car alors l'homme réagit à ces traces et cette réaction entrave l'action.

Par elles l'homme re-sent, et tant qu'ellessont présentes à la conscience, l'homme n'en finit pas de ressentir, « il n'en finit avec rien ».

Englué dans samémoire, l'homme s'en prend à l'objet de ces traces dont il subit l'effet avec un retard infini et veut en tirervengeance: « On n'arrive à se débarrasser de rien, on n'arrive à rien rejeter.

Tout blesse.

Les hommes et les chosess'approchent indiscrètement de trop près, tous les événements laissent des traces; le souvenir est une plaiepurulente.

». »

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