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Peut-on être heureux sans travailler ?

Publié le 15/12/2005

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En effet, le travail autrement entendu que nous ne le faisions au début de cette introduction n'est nullement antinomique avec le bonheur. Cependant, il faudra prendre garde à ne pas idéaliser le travail, c'est-à-dire à en faire une condition universellement nécessaire à l'expérience du bonheur. Car, nous le verrons, si l'on ne peut à proprement parler être heureux sans travailler, encore faut-il que le travail soit épanouissant pour que nous puissions être heureux en travaillant. I.   Travail et bonheur : une antinomie fondée ? a.   Une contradiction dans les termes A première vue, le travail semble intrinsèquement incompatible avec le bonheur. Il n'est besoin que de considérer l'étymologie du mot : « travail » vient en effet du latin tripalium, qui désigne d'abord un appareil formé de trois pieux servant à maintenir les chevaux difficiles pour les ferrer, puis un instrument de torture. Ceci nous amène donc à considérer le travail comme une activité intrinsèquement et nécessairement pénible, qui ne saurait contribuer au bonheur de personne - à moins qu'il ne prive de bonheur tous ceux qui travaillent. A la question « peut-on être heureux sans travailler ?
A première vue, la réponse à la question « peut-on être heureux sans travailler ? « peut nous apparaître relativement aisée à donner. En effet, les sèmes attachés à l’idée de travail (c'est-à-dire l’ensemble des activités accomplies par l’homme pour produire des biens et des services en contrepartie desquels il est rémunéré) sont généralement liés à la souffrance : le travail est effort, pénibilité, une contrainte nécessaire, un mal dont on se passerait bien. Par conséquent, la question qui nous occupe peut même nous apparaître dépourvue de fondement : on peut être heureux sans travailler, puisque travail et bonheur s’opposent radicalement. En effet, le bonheur peut être défini avec Albert Camus comme « l’accord d’un homme avec la vie qu’il mène «. Arrêtons-nous un instant sur l’extrême pertinence de cette définition : en effet, elle est compatible avec la pluralité des définitions subjectives que chaque homme peut donner à la félicité. Le bonheur d’un homme n’est pas celui d’un autre, le seul lien entre leurs bonheurs respectifs est que ni l’un ni l’autre ne serait disposé à échanger le sien contre celui d’autrui. Ainsi, pour reprendre et développer la définition du bonheur par Albert Camus, nous pouvons dire que le bonheur est l’état d’un homme en accord avec la vie qu’il mène, c'est-à-dire le sentiment que sa vie correspond à ses valeurs et aux attentes purement subjectives qui sont les siennes par rapport à l’existence. Poursuivant l’étude des rapports du travail et du bonheur, nous pouvons dire que malgré l’extrême pluralité des réquisits du bonheur, le travail est nécessairement exclu de ces réquisits. Il parait, en effet, comme nous l’avons dit au début de cette introduction, que le travail, étant associé à l’idée de contrainte et de souffrance, ne saurait être pour personne une condition suffisante ni nécessaire à son bonheur. Il est tout au plus un mal nécessaire, que chacun se doit d’éprouver pour persévérer dans l’existence. Mais c’est sans doute ce présupposé qu’il nous faut renverser : loin de n’être que l’expression d’une contrainte d’autrui sur moi-même, ou d’une nécessité impérieuse sur le cours de ma vie, le travail peut être considéré comme un moyen de réalisation de l’individu, par lequel il prête une signification à sa vie et trouve une place dans la société. Loin d’être une contradiction dans les termes, la question « peut-on être heureux sans travailler ? « est au contraire parfaitement pertinente. En effet, le travail autrement entendu que nous ne le faisions au début de cette introduction n’est nullement antinomique avec le bonheur. Cependant, il faudra prendre garde à ne pas idéaliser le travail, c'est-à-dire à en faire une condition universellement nécessaire à l’expérience du bonheur. Car, nous le verrons, si l’on ne peut à proprement parler être heureux sans travailler, encore faut-il que le travail soit épanouissant pour que nous puissions être heureux en travaillant.


« jamais les rendre sont sources de dépréciation intime et collective.

b.

Le travail, condition nécessaire du bonheur Mais par delà cette dimension sociale du problème, qui interdit au parasite d'être heureux puisqu'il est méprisé parceux à qui il est à charge, le travail est intrinsèquement source de bonheur.

En effet, par le travail, l'individuacquiert le sentiment de son utilité sociale, de son utilité au sein des relations d'interdépendance qui caractérisentles sociétés modernes (celles-ci sont le règne de la spécialisation, et comme le précise Emile Durkheim dans sonouvrage intitulé « De la division du travail social » (1893), le temps des « hommes universels » capables de maîtrisertouts les champs du savoir –comme Pic de la Mirandole à la Renaissance- est bel et bien révolu).

Mais le travail estégalement un moyen de réaliser les potentialités de l'individu, qui par la confrontation avec une matière (que ce soitla volonté d'autrui, des chiffres, ou des matériaux bruts) apprend à reconnaître ce dont il est capable, à accroîtreses propres capacités.

A la question « peut-on être heureux sans travailler ? » nous répondrons donc : non, car letravail est une condition nécessaire à la réalisation de soi, et à l'accroissement de ses capacités propres, sanslaquelle il ne saurait être en accord avec sa propre vie (donc, être heureux, conformément à notre définitioninitiale).

III.

A quelles conditions peut-on être heureux en travaillant ? a.

Les dangers de l'idéalisation du travail Cependant, il nous faut prendre garde à ne pas idéaliser le travail en en faisant une condition de la réalisation desoi.

En effet, ce n'est qu'idéalement, et dans certains cas, malheureusement bien précis, que le travail correspond àcette définition.

La plupart du temps, le travail n'est que le moyen de reproduire la force du travailleur, le moyen depersévérer dans l'existence, et non la source d'un épanouissement de soi indispensable au bonheur.

Nombre detravaux réels sont ingrats, sont de pures « poiesis » (des activités dont les buts sont extrinsèques : enl'occurrence, la rémunération) plutôt que des « praxis » (des activités qui sont des fins en soi).

Par conséquent,nous devons nuancer la réponse que nous avons donnée précédemment à la question « peut-on être heureux sanstravailler ? ».

On ne peut être heureux sans travailler, mais on n'est pas nécessairement heureux en travaillant.

Pourcela, il faut que le travail réponde à certains critères que nous tenterons d'énoncer à présent.

b.

Les critères pour faire du travail la condition nécessaire du bonheur Pour être une condition nécessaire au bonheur, le travail doit répondre à un critère principal, qui est de permettre laréalisation de soi.

Or, trop souvent, le travailleur n'est qu'une pièce dans un mécanisme dont il n'embrasse pas latotalité du fonctionnement.

Ainsi, pour que le travail soit source d'épanouissement personnel, le travailleur doit avoirconscience de son utilité dans le processus global de production, doit pouvoir se reconnaître dans l'objet fini, etprendre conscience de sa propre utilité.

Mais il s'agit d'un idéal difficile à réaliser : peut-être pouvons nous souteniravec Dominique Méda (« Le travail, une valeur en voie de disparition ») que le travail restera le plus souvent unmoyen, non une fin en soi, et que l'individu devra chercher à se réaliser dans d'autres activités, c'est-à-dire, sedonner les moyens d'être heureux hors de son travail.

A la question « peut-on être heureux sans travailler ? » nousfinirons donc par donner cette réponse nuancée : non, car le travail est réalisation de l'individu sans laquelle il nepeut être heureux (c'est-à-dire, en accord avec la vie qu'il mène) ; mais dans le cas où son travail ne peut être lelieu de son épanouissement personnel, épanouissement qu'il réalise ailleurs (activités associatives, sportives,artistiques…) alors oui, on peut-être heureux sans faire du travail la source de son bonheur.

Conclusion : A première vue, travail et bonheur sont incompatibles : le travail est intrinsèquement pénible, alors que le bonheurest l'état d'accord de l'individu avec sa propre vie.

Mais si on envisage le cas d'un individu qui ne travaille pas, il estaisé de comprendre qu'il ne saurait être heureux : il est un parasite déprécié par la société à qui il est à charge ; ilne se réalise pas lui-même dans le travail.

Cependant, si l'on peut affirmer que l'on ne peut être heureux sanstravailler, la conséquence nécessaire n'est pas que l'on est forcément heureux en travaillant :encore faut-il que le travail soit capable d'être épanouissant pour le travailleur.

Dans le cas contraire, il restera une« poiesis », et ce seront d'autres activités qui seront susceptibles de rendre l'individu heureux.. »

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