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Peut-on être libre sans prendre de risques ?

Publié le 07/04/2004

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Que serait la liberté si elle n'impliquait aucun risque ? Que perd-on ou que gagne-t-on par la liberté ? N'est-on pas libre justement par ce que cela représente d'incertain, d'imprévu ? Dans un monde où mon action s'intégrerait parfaitement, serait quasi prévisible, plus besoin de liberté, juste d'un automatisme. Un contre-exemple intéressant pourrait être fourni par le texte de La Boétie, Discours de la servitude volontaire. La servitude volontaire ÉTIENNE DE LA BOËTIE (1549) La soumission de la multitude à l'autorité d'un seul est une véritable énigme que La Boëtie tente d'éclairer. Comment les hommes, alors que la liberté est inhérente à leur nature, supportent-ils la servitude ? C'est en effet la servitude volontaire qui distingue avant tout l'homme de l'animal :« Les bêtes, si les hommes ne font trop les sourds, leur crient : vive la liberté ! «Le phénomène est d'autant plus étrange que cette soumission est nécessairement volontaire. Il serait effectivement aisé de l'abandonner, le nombre est toujours du côté des opprimés : que peuvent les autocrates contre la volonté de la foule ? Force est donc de constater un état contre nature :« La seule liberté les hommes ne la désirent point ; non point pour autre raison (ce me semble) sinon pour ce que s'ils la désiraient, ils l'auraient.

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L'examen de la question de la liberté (et non des libertés, ce qui, nous le verrons, a son importance) et des risques éventuels qu'elle implique est l'une des plus importantes aux yeux de l'homme, car elle définit une ligne de conduite et un véritable choix. Savoir si l'on peut être libre sans risque c'est, du même coup, examiner les conditions déterminantes de la liberté et voir en quoi la philosophie peut nous aider à y accéder. D'autre part, cette question nous pousse à nous interroger pour savoir si la liberté au sein d'une société donnée peut constituer un danger non seulement pour l'homme mais aussi pour l'ordre social.  

« note-t-il, parce qu'il peut toujours choisir d'accepter son sort avec résignation ou de se révolter contre lui.

»Ainsi la liberté s'accompagne-t-elle d'un véritable sentiment d'angoisse.

Que ferai-je? Je n'en sais rien précisémentparce que je suis libre.

Si j'étais bête, machine ou chose, je ne redouterais rien parce que la nature ou quelqueautre concepteur aurait prévu les choses à l'avance pour moi.

Mais je suis libre et de cette liberté naissentl'angoisse, le risque de la liberté.Les hommes aimeraient très souvent feindre de ne pas être libres, faire comme s'ils étaient déterminés à la manièredes choses.

Sartre nomme cette attitude « la mauvaise foi ».

La liberté est implacable, c'est pour cela qu'elle esteffrayante et risquée. [Il.

Si l'on définit la liberté comme l'ensemble des droits dont l'homme peut bénéficier et qu'il peutrevendiquer au sein de la cité, quels risques l'homme peut-il encourir dans l'exercice de cette liberté?] La liberté au sein de la cité n'est pas le pouvoir de satisfaire tous nos caprices.

Elle est un ensemble de droitsdéfinis et garantis par la loi.

C'est le contrat social qui garantit cette liberté civile: « Une forme d'association quidéfend et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacuns'unissant à tous n'obéit pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant » (Rousseau, Du contrat social).La question posée par le sujet et appliquée à la liberté civile peut paraître déroutante.

Il semble qu'il n'y ait rien depérilleux ni de risqué dans l'exercice de la liberté civile.

Quoi? L'homme préférerait-il la soumission àl'affranchissement, la servitude à la liberté? Vaudrait-il mieux être le sujet obéissant d'un pouvoir tyrannique que lecitoyen éclairé d'une nation libre?Emmanuel Kant, dans Qu'est-ce que les Lumières?, se demande si une certaine paresse ou lâcheté ne pousseraitpas naturellement les hommes à préférer rester sous tutelle alors même que la liberté leur est offerte : " La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si grandnombre d'hommes, après que la nature les a depuis longtempsaffranchis d'une direction étrangère (naturaliter maiorennes) (1),demeurent pourtant leur vie durant volontiers mineurs ; et qu'il soit sifacile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs.

Il est si confortabled'être mineur.

Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, unpasteur qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à maplace de mon régime alimentaire, etc., je n'ai alors bien sûr nul besoinde m'en donner moi-même la peine.

Il ne m'est pas nécessaire depenser, du moment que je peux payer; d'autres se chargeront bienpour moi de ce travail fastidieux.

Que de loin la plus grande part deshommes (et parmi elle, la totalité du beau sexe) tienne, outre le faitqu'il est pénible à franchir, pour également très dangereux le dernierpas vers la majorité, c'est ce dont s'avisent ces tuteurs qui, trèsaimablement, ont pris sur eux d'exercer leur haute bienveillance surces hommes.

Après avoir, d'abord, rendu stupide leur bétaildomestique, et avoir soigneusement pris garde que ces paisiblescréatures ne puissent oser faire un seul pas hors du parc (2) où ils lesont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace sielles essaient de marcher seules.

Or ce danger n'est pas si grand qu'ilparaît, car, moyennant quelques chutes, elles finiraient bien parapprendre à marcher ; mais le moindre exemple d'une telle chute lesrend cependant timides et les dissuade de faire une nouvelle tentative.

" (1) naturellement majeurs. (2) chariot où l'on installe les enfants qui ne savent pas encore marcher. POURQUOI LA MINORITE ? Au cours de ce second aliéna, la pensée de Kant se fait à la fois plus précise et surtout plus cynique et plus polémique.

En effet, si dans le premier mouvement du texte, le philosophe allemand définissait de façon générale les" Lumières " et incriminait la " lâcheté " des hommes abdiquant leur conscience à des directeurs de conscience, dans ce passage, il met au jour l'affairement de ces derniers à abêtir leurs ouailles et dénonce les mécanismespervers d'un tel processus à travers l'image d'un jeune enfant apprenant la marche. Pour tenter de comprendre les mécanismes de l'aliénation, de la sclérose intellectuelles du " grand nombre ", du peuple, Kant commence cet extrait par en repérer la double structure, la bipolarité. D'abord, nous l'avons brièvement souligné déjà, c'est la " paresse " c'est-à-dire la propension au repos sans travail préalable et la " lâcheté " c'est-à-dire la pusillanimité sans honneur qui sont causes efficientes de l'obscurantisme dans lequel se complaît et duquel se repaît la majorité voire la quasi-totalité des hommes.

État de fait d'autant plusscandaleux et en un sens désespérant que les hommes sont depuis longtemps en capacité d'utiliser leur propreentendement à leur " propre compte ".

Effectivement, ces hommes ne sont ni affligés des tares de l'idiotie pas plus qu'ils ne souffrent de débilité congénitale.

Ils sont capables en droit de faire usage de leur raison propre.

Mais, enfait, se laissent asservir par quelqu'uns qui n'ont sur eux nulle supériorité naturelle sinon un ascendant social etfactuel qu'ils consentent bien de quelque manière à leur accorder.. »

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