Devoir de Philosophie

Peut-on exercer sa liberté sans prendre de risque ?

Publié le 10/04/2004

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C'est pourquoi il nous semble important de souligner que la liberté ne se manifeste qu'à travers l'action et qu'elle consiste, à l'instar des sciences, à avoir prise sur le réel et à modifier l'ordre du réel. En ce sens la liberté se constitue toujours contre quelque chose ou quelqu'un et, à l'image du progrès, n'est possible qu'en déjouant des pièges et en abattant des obstacles.C'est pourquoi nous pouvons définir dans un premier temps la liberté comme la conscience d'un rapport vécu inadéquat à l'histoire et, par conséquent, la détermination à agir afin de modifier l'ordre du réel insatisfaisant. Voyons en quoi elle peut comporter certains risques.Il nous semble tout d'abord important de souligner que cette question s'est en premier lieu posée à Platon à travers La République. Il s'est interrogé sur la possibilité d'établir une cité idéale garantissant à chacun la liberté et l'ordre social.La première remarque que nous inspire sa conception est que Platon, comme plus tard Hobbes, Locke, Hume, Rousseau, insiste sur le fait que la liberté se contracte, qu'elle est établie par un contrat social accepté par les différentes parties en présence.D'autre part, de la république platonicienne, il nous semble important de retenir que la cité s'est établie afin d'assurer la protection d'un petit nombre d'individus, protection aussi bien militaire que sociale. La question de la liberté y est alors en plein coeur, en ce sens que chacun s'est résolu à renoncer à sa liberté individuelle pour se soumettre à celle imposée par le groupe.C'est pourquoi la cité idéale proposée par Platon inhibe toute initiative personnelle, toute liberté individuelle.

L'examen de la question de la liberté (et non des libertés, ce qui, nous le verrons, a son importance) et des risques éventuels qu'elle implique est l'une des plus importantes aux yeux de l'homme, car elle définit une ligne de conduite et un véritable choix. Savoir si l'on peut être libre sans risque c'est, du même coup, examiner les conditions déterminantes de la liberté et voir en quoi la philosophie peut nous aider à y accéder. D'autre part, cette question nous pousse à nous interroger pour savoir si la liberté au sein d'une société donnée peut constituer un danger non seulement pour l'homme mais aussi pour l'ordre social.    Nous pouvons, dans un premier temps, remarquer combien le fait de parler d'une liberté est important.

« Ainsi donc, après avoir vu combien il était important chez les classiques de distinguer entre liberté officiellecontractée et dans l'exercice de laquelle on ne s'exposait à aucun risque, et cette liberté individuelle qui impliquaitune remise en cause de l'ordre social et donc un risque important pour l'individu qui se déterminait à agir, nous allonsexaminer cette même question au sein, tout d'abord, de nos sociétés contemporaines, puis au sein des sociétésdites « primitives ».La question de la liberté hante littéralement nos sociétés modernes en tant, d'une part, qu'une certaine idéologietente d'instituer des libertés et non la liberté (car cette dernière lui est néfaste), en tant, d'autre part, que cesmêmes sociétés fonctionnent diachroniquement sur l'ordre et produisent du désordre.De la sorte et plus jamais, la question de l'action du sujet conscient, de son rapport vécu à l'histoire se pose.

Ilnous reste à déterminer si la liberté telle que nous l'avons définie comporte ou non un danger.A cette question, il nous semble que nous pouvons répondre de façon catégorique qu'exercer la liberté c'est prendredes risques, et ce pour plusieurs raisons.Dans un premier temps nous ferons remarquer que contrairement à de nombreux courants qui établirent une liberténégative, c'est-à-dire qui se contente de condamner tel ou tel aspect caractérisant une société, nous décrironsune liberté positive, c'est-à-dire proposant des solutions.Tout d'abord la question de la liberté se pose dès l'éducation d'un individu, dont nous pourrions nous demander si lasociété doit la prendre totalement en charge.Nous y répondrons par la négative, en ce sens que l'éducation alors dispensée oblitère de son sceau l'individu etl'insère d'office dans un groupe à l'ordre social déterminé, régi par un certain nombre de constantes.C'est pourquoi il nous semble important que l'homme prenne lui-même en charge son éducation et qu'il ne la confiepas à une idéologie dominante, de façon à pouvoir accéder à un certain niveau pré-réflexif, détenir la pensée et, dela même façon, la conscience qui le détermine à agir individuellement de façon réfléchie et choisie, et non à selancer à corpsperdu dans un combat qu'il ne maîtrise pas.

C'est dans cette voie de l'acquisition de la liberté que la philosophiepeut aider l'individu.Dans un second temps, l'individu devra se dégager de la dictature du « on », exercée par le pouvoir, c'est-à-dired'une véritable coercition résultant de l'abandon de toute responsabilité, de toute forme d'initiative, pour s'enremettre à l'État et de ce fait se résigner à ce que le désert croisse, pour emprunter le mot de Nietzsche.Aussi nous semble-t-il de la plus haute importance que l'individu se détermine à agir, se refuse à déléguer la moindrepart de responsabilité et tente de la sorte de se constituer contre la dictature du « on », donc tente d'assumer laliberté.Assurément celle-ci comporte des risques, puisqu'elle va à l'encontre de l'ordre établi : c'est par là même s'exposer àla violence car, pour reprendre le mot de Max Weber, « l'État c'est la violence légitime » et ce quels que soient letemps, le lieu, l'idéologie. "Il faut concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine, qui dans les limites d'un territoire déterminérevendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence légitime." Weber, Le savant et lepolitique. L'État moderne est le garant de la vie politique.

Il se reconnaît comme le seul détenteur légitime de la force et à cetitre préserve la défense de l'intégrité du territoire où son autorité s'exerce.

En outre, aucune société n'est à l'abride désordres qui pourraient entraver son bon fonctionnement.

Il revient donc à l'État d'organiser sur un planjuridique les rapports humains afin d'assurer l'exercice du droit.

Sans cela, le risque que chacun puisse à sa guiseuser de la violence ne pourrait être sérieusement écarté. A vouloir agir donc, c'est-à-dire à vouloir exercer sa liberté en étant conscient de son rapport vécu à l'histoire, onprend inévitablement des risques.Est-ce à dire qu'il faille y renoncer? Assurément non car ce serait alors se soumettre inévitablement à une idéologiedominante, ce serait adopter le despotisme du pouvoir, ce serait nier l'homme en tant qu'être conscient et ce seraitsurtout effacer la philosophie en évacuant la pensée et en réduisant l'homme à un simple sujet, à moitié façonné parl'État, relativement docile, bref « universel » pour reprendre le terme de Illitch.Cette attitude de recherche de la liberté, de volonté de l'assumer, n'implique pas toutefois une attitude antisociale,certes non.

Car il faut conserver le groupe social en tant qu'il est « utile » à l'homme pour emprunter un vocabulairebergsonien.Est-ce une utopie? D'aucuns l'affirment en alléguant qu'une telle solution avait été peu ou prou proposée parThomas More.

A quoi nous répondrons qu'elle n'a jamais été mise en pratique et que nous ne pouvons donc en juger. Imaginez-vous donc en train d'écouter le récit de Raphaël Hythloday (étymologiquement : celui qui est habile àraconter des histoires), jeune voyageur portugais.

Vous voilà tout à coup touché par les moeurs et les institutionsdu peuple utopien.

Le dispositif rhétorique qui produit cet autre monde sous vos yeux consiste moins à vous fairecroire qu'un tel peuple existe qu'à susciter en vous le désir de vivre selon un tel mode de vie.

Il vous faut parconséquent suivre deux cheminements parallèles, celui de comprendre ce que peut être « la meilleure forme decommunauté politique » (sous-titre de l'ouvrage) et celui de laisser fonctionner une écriture qui vise à donner àvotre esprit un pli encore inconnu, l'amenant à se convertir d'une adhésion au présent à la possibilité d'un agir.Dans la fiction utopique de Thomas More, l'écriture elle-même devient incitative, exercant l'esprit à s'ouvrir à desdimensions insoupçonnables.

Au vrai, l'ouvrage comporte un agencement de deux livres sur le premier duquel on al'habitude de faire l'impasse.

Si le livre second, en effet, décrit particulièrment la ville d'Amaurote et, au travers d'unurbanisme géométrique, un ordre social transparent, la lecture du premier livre demeure indispensable puisque la. »

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