Peut-on mal user de la raison ?
Publié le 25/01/2004
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Pour démarrer:
Voici un sujet particulièrement ambigu. La raison peut être comprise dans son sens cartésien (faculté de juger du
vrai et du faux) ou kantien (ensemble de tout ce qui est a priori et ne vient pas de l'expérience ; faculté humaine
visant la plus haute unité et s'élevant aux idées). Ceci nous dirige dans des voies bien différentes.
Conseils pratiques
Il est capital ici de bien définir tous les termes du sujet et de choisir clairement les définitions retenues. Faute de
quoi, votre devoir va s'égarer dans le hors sujet.
Bibliographie
BACHELARD, La philosophie du non, PUF.
DESCARTES, Discours de la méthode, Diverses éditions de poche.
HEGEL, La raison dans l'histoire, 10/18-UGE.
KANT, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, PUF.
Problématique:
La raison à elle seule ne fournit pas tous les critères de l'action juste. Dans certaines circonstances, elle peut servir
les pires actions humaines. Mais il s'agit d'un refus d'utiliser la raison pour penser les valeurs. Et la raison ne peut
être responsable de ce refus de penser.
«
à se soumettre à ses principes, à ses catégories, à ses concepts, au risque de le déformer, de le mutiler ; certainsdiront même que quand un phénomène refuse de se plier à sa loi, elle le nie ou du moins l'ignore.
Bergson a ainsi pu critiquer le concept et la logique du concept pur, tous deux constitutifs de la raison qui sedéfinit comme la faculté de combiner logiquement des concepts et des propositions.
Selon lui, en effet, les conceptsmorcellent le réel en rompant l'unité concrète des objets qui le composent ; en outre, ils déforment ce réel enrendant communes à une infinité de choses des propriétés singulières, et en réunissant dans leur extension et leurcompréhension des objets et des éléments incompatibles entre eux ; enfin, ils figent l'écoulement continu de laréalité qui est essentiellement fluide et mouvante.
Dans ces conditions, explique W.
James, « rendre la vie intelligible au moyen des concepts, c'est arrêter sonmouvement pour la découper comme avec des ciseaux, et pour en immobiliser les morceaux dans notre herbierlogique où, les comparant entre eux comme des spécimens desséchés, nous pouvons établir lesquels, au point devue statique, en impliquent ou en excluent d'autres, et lesquels, au même point de vue, sont impliqués dans lespremiers ou exclus par eux ».
Aussi, « au lieu d'être l'interprétation de la réalité, les concepts sont la négationabsolue de tout ce qu'elle a d'intime » (Philosophie de l'Expérience, tr.
Le Brun, 1910, p.
233 et 236). Nietzsche va encore plus loin que Bergson en voyant dans la raisonl'expression d'une crainte et d'une démission devant la vie.
« La logique,observe-t-il, ne s'applique qu'à des entités fictives, créées par nous.
Lalogique est une tentative de comprendre le monde réel d'après le schéma del'Être que nous avons construit.
» La raison, en effet, est une affirmation del'Être contre le Devenir, de la supériorité du Même sur l'Autre, puisque êtrec'est rester le même, et devenir c'est être autre que ce qu'on était ; or lepremier principe de la raison est le principe d'identité (« Ce qui est, est » ou «A est A »), et pour elle expliquer c'est identifier, c'est-à-dire ramener aumême, l'inconnu au connu.
Cependant, selon Nietzsche, ce n'est pas l'Être quiconstitue la réalité, mais le Devenir, Abîme où s'abolissent toutes choses, etqui exclut l'existence de vérités stables.
C'est la terreur de l'homme devant ceDevenir que tente d'apaiser la raison en construisant un monde fictif decertitudes, celui de la science : « A quoi sert, et, ce qui est pire, où vienttoute science ? demande Nietzsche.
Hé quoi ! le goût de la science ne serait-il que la peur du pessimisme et une feinte pour s'y dérober ? Une défensesubtile contre la vérité ? Et, en termes de morale, quelque chose comme de lalâcheté et de la fourbe ? En termes d'amoralisme, une ruse ? (...) Ne sepourrait-il pas que la prédominance du rationnel, l'utilitarisme théorique etpratiques ne soient...
un symptôme de force déclinante, de vieillesseapprochante, de lassitude physiologique ?» (Textes cités par J.
Granier, Leproblème de la Vérité dans la philosophie de Nietzsche, p.
66 et 81).
B.
Une raison totalitaire et dangereuse
Parce qu'elle es normative, la raison est aussi exclusive : elle rejette tout ce qui n'est pas elle comme faux,mauvais, sans valeur.
Prenons quelques exemples :Le désir et les passsionsm La raison proclame qu'il convient de réprimer, d'annihiler les passions, ou du moins de les soumettre à son contrôle: elle pose que les passions ne sont que «maladies de l'âme», désordres et déchéance.
De même, elle appelle à lasuppression du désir, lequel précisément ne se satisfait jamais de l'être, de ce qui est, mais est continuellementrongé par l'appel de l'Autrement, de ce qui n'est pas.L'enfant, le fou Surtout tant qu'il ne parle pas, et donc qu'il ne raisonne pas, l'enfant est rejeté dans un monde inférieur,intermédiaire entre l'animalité et l'humanité, que la raison a longtemps considéré comme peu digne d'intérêt.Semblablement la raison repousse le fou et le met à l'écart de la société : M.
Foucault dans son Histoire de la Folie,a montré que le « grand renfermement » des malades mentaux dans des asiles est contemporain du rationalismecartésien.L'imagination, le mythe La raison voit dans l'imagination, selon le mot de Malebranche, « la folle du logis » ; elle condamne également lapensée mythique comme primitive et prélogique.
Ainsi, en refusant de prendre en considération tout ce qui lui est étranger, la raison se fait totalitaire, et construitdes mondes où elle règne seule.
Mais ces mondes sont des univers clos, plaqués sur le réel qu'ils veulent masquer,mondes sans vie ou allant contre la vie : tel est un des reproches majeurs qu'on a pu faire aux utopies politiques entant qu'hyperrationalisations du monde humain, destructrices de toute déviance, originalité, spontanéité, liberté.Par ailleurs, exclure ne signifie pas supprimer : ce que condamne la raison demeure, et souvent se retourne contreelle.
Dans sa critique du rationalisme classique, Freud a montré que ses désirs et passions sont essentiels à l'homme,mais qu'ils s'opposent au principe de nécessité (au travail) qui gouverne le progrès de la civilisation.
C'est pourquoila raison, comme intériorisation du principe de nécessité, doit refouler les désirs inadéquats à la vie sociale,notamment les pulsions d'agressivité.
La raison est ainsi instance de refoulement.
Or le refoulement n'est nullementla suppression des désirs, et la conscience est toujours menacée par un retour du refoulé, menant à la névrose ou àla psychose.
La raison, comme agent de refoulement, peut donc provoquer par son exercice même des désordresaux manifestations plus violentes encore que celles qu'elle se proposait initialement de maîtriser.
3.
RÉHABILITATION DE LA RAISON..
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