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Peut-on nier l'évidence ?

Publié le 22/02/2012

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• Situation et implications générales de la question. L'approche de la notion de jugement requiert, entre autres, une étude des représentations qui s'exercent sur le «sujet» humain, de l'ascendant psychologique qui, sous la forme d'un préjugé inconscient ou, au contraire, d'un savoir maîtrisé, détermine le jugement. Ce n'est pas un hasard si la question du libre arbitre, dans le domaine moral comme dans celui de la connaissance, s'est longtemps située au niveau du jugement, et plus précisément du pouvoir que l'homme aurait de résister aux représentations qui l'assaillent comme à la tentation du mal. De ce point de vue, la tradition judéo-chrétienne semble avoir inauguré la conception du libre arbitre moral (cf. saint Augustin), et Descartes la conception du libre arbitre intellectuel : de même que l'homme doit s'affirmer en résistant à la tentation génératrice de faute, il doit déjouer l'illusion et la précipitation génératrices d'erreur. Mais une telle formulation n'implique-t-elle pas des conceptions contestables de l'activité mentale? Y a-t-il une distance possible entre la volonté et les représentations? Tel est l'horizon philosophique sur le fond duquel on peut envisager le rapport entre jugement et évidence.

« — C'est donc toute une conception de l'activité mentale et de la connaissance qui est ici en jeu.

On ne peutvéritablement évaluer le pouvoir qu'a l'homme de nier ce qui s'impose à lui qu'en définissant préalablement cetteconception, dans le contexte de philosophies déterminées.

Nous retiendrons, de ce point de vue. une opposition exemplaire entre la problématique cartésienne et la problématique spinoziste. • Deuxième partie: la négation de l'évidence comme pouvoir de la volonté.

Les paradoxes du jugement vrai. — Descartes distingue rigoureusement l'évidence sensible et l'évidence rationnelle.

Les sens sont trompeurs, ettoute connaissance passe par une critique serrée des apparences sensibles.

Il ne s'agit pas de «changerl'apparence», mais de lui retirer son pouvoir d'illusion, la volonté restant pleinement libre d'affirmer ou de nier, c'est-à-dire d'énoncer un jugement pour qualifier les perceptions qui se présentent à elles (vraies ou fausses).

Ainsi, lelibre arbitre rend-il possible le doute par lequel l'« ascendant psychologique » des apparences se trouve neutralisé.Le corollaire du doute, c'est l'absence de précipitation, qui maintient les représentations empiriques à distance.

Ainsila volonté peut-elle suspendre indéfiniment le jugement, sous bénéfice d'inventaire. — Les critères d'une véritable évidence rationnelle s'opposent radicalement à l'évidence sensible.

Clarté, distinctionsont des marques indubitables d'une telle évidence.

Rappelons les principaux aspects de la pensée cartésienne surce point, en les rattachant aux différents thèmes évoqués: a) la distinction des deux types d'évidence. Discours de ta méthode, quatrième partie: « Car enfin, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous ne nous devons jamais laisser persuader qu'àl'évidence de notre raison.

Et il est à remarquer que je dis de notre raison, et non point de notre imagination ni denos sens: comme encore que nous voyons le soleil très clairement, nous ne devons pas juger pour cela qu'il ne soitque de la grandeur que nous le voyons...

» Règles pour la direction de l'esprit, douzième règle. «J'entends par intuition, non la croyance au témoignage variable des sens ou les jugements trompeurs del'imagination, mauvaise régulatrice, mais la conception d'un esprit sain et attentif, si facile et si distincte qu'aucundoute ne reste sur ce que nous comprenons.

» b) la règle de l'évidence. Discours de la méthode, deuxième partie: « ...

Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle, c'est-à-dire (...)éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et (...) ne comprendre rien de plus en mes jugements que cequi se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de le mettre endoute.

» c) la garantie de l'évidence (thème de la véracité divine). Discours de la méthode, quatrième partie : « Nos idées ou notions étant des choses réelles et qui viennent de Dieu en tout ce en quoi elles sont claires etdistinctes, ne peuvent en cela être que vraies.

» — La théorie cartésienne du jugement vrai offre cependant ce paradoxe que la volonté, tout en étant « déterminée» par l'étendue plus ou moins grande des connaissances contenues dans l'entendement, reste théoriquement libred'y adhérer ou non.

Et le refus de l'évidence rationnelle, dans le cas limite, atteste ce libre arbitre absolu, tout enmanifestant son caractère paradoxal.

Il est difficile en effet d'imaginer que je refuse mon assentiment à ce que jeconnais pleinement.

L'hésitation n'est-elle pas, dès lors, la preuve d'un défaut de connaissance plutôt qu'un signe dela puissance de mon libre arbitre? Descartes semble autoriser une telle interprétation lorsqu'il écrit : « Si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérerquel jugement et quel choix je devrais faire, et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent »(Méditations métaphysiques, quatrième méditation, paragraphe 9). • Troisième partie: problématisation des termes de la question. — Caractère peu satisfaisant du compromis cartésien, qui fait dépendre l'évidence d'une « caution externe » etassimile le libre arbitre à un hypothétique pouvoir de nier l'évidence.

La vérité n'est-elle pas à elle-même son propre. »

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