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Peut-on parler de "travail intellectuel" ?

Publié le 09/03/2004

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De même que le jeu, la contemplation ne serait pas un travail. Le moine ne cherche pas à produire. Encore faut-il s'entendre sur ce que veut dire produire; pour pouvoir parler de travail, il faut produire quelque chose d'utile, qui serve par la suite à une cause particulière. Bien sûr, en introduisant la notion d'utilité, on suppose un jugement de valeur. Qui va juger telle ou telle chose utile? Dans un premier temps le travailleur lui-même, puis ceux qui l'entourent, à savoir la société. Le travail nécessite de toute façon un effort, une certaine fatigue; le terme de « travail «, primitivement, désignait un ustensile de maréchal-ferrant, il servait à maintenir l'animal destiné à être ferré dans une position immobile, ce qui demandait un effort, une résistance de la part de la bête. Distinguons de plus les idées d'activité libre, et d'activité exigée. En effet, le bricoleur qui, en fin de semaine, fabrique des meubles, ou autre chose, travaille-t-il? C'est un loisir, une simple distraction intellectuelle.

Travailler avec ses bras ou son cerveau exige une concentration et un investissement de tout l'individu.

MAIS...

travailler n'est-ce pas en premier lieu transformer la nature ? Aussi, le activités de l'esprit (art, philosophie, etc.) tiennent plutôt du loisir que d'un authentique labeur.

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« Ainsi, le travail, par opposition à l'oisiveté, se définirait comme une activité productive, utilitaire, exigeant un effort,et une certaine contrainte.

C'est pourquoi il serait bon de distinguer, afin de répondre à la question posée, travailintellectuel (si travail il y a) et consommation intellectuelle.

Entendons par là l'activité d'un étudiant, par exemple,qui tout au long de sa scolarité, emmagasine des données, des idées, des théories.

Est-ce qu'il travaille? Certes,cela lui demande un effort.

En termes de physique, le travail est une grandeur correspondant à de l'énergie fournie.Aussi l'étudiant est-il en droit de dire «je travaille », car il a fourni un travail cérébral, il a dépensé de l'énergiemécanique (musculaire) et électrique (cérébrale); mais est-ce vraiment un travail? Non, d'après la notion de travaildonnée ci-dessus, celui-ci ne se définit pas seulement en ces termes.

L'étudiant, ou l'homme s'instruisant,consomme, donc détruit; c'est une activité négative en ce sens qu'elle ne produit rien; elle est utile, mais seulementpour l'étudiant; de plus, elle n'est pas exigée, donc cette activité serait plus à rapprocher d'un loisir ou même d'unjeu, dans l'idée que c'est dans l'acte même de s'instruire que se trouve l'essentiel.Ce genre d'activité appelée « consommation intellectuelle » ne serait pas alors considérée comme un travail.Mais il est une autre façon d'exercer ses facultés intellectuelles, non plus passivement comme précédemment, maispeut-être plus activement; ainsi pourrons-nous en déduire l'existence d'un « travail intellectuel ».Réfléchir, penser, émettre des idées, analyser, étudier, ne sont-ils pas des moyens de production? Peut-être pas «production » au sens marxiste du terme, mais produire ne veut pas seulement dire produire des biens matériels deconsommation.

La pensée peut devenir très productrice dans ce sens qu'elle contribue au développement du monde,à sa transformation, non pas physique seulement, mais spirituelle.

Socrate, Platon et tous les « Maîtres penseurs »n'ont-ils pas travaillé à cette tâche? Socrate travaillait à ouvrir les esprits, à les éveiller, à les faire accoucher,grâce à sa méthode, la « maïeutique » (l'art de faire accoucher les esprits) fondée sur l'étonnement, le doute,l'ironie et l'humour.

Et si, dans l'antiquité, on avait tendance à séparer le travail de la pensée, la sagesse de Socratene consistait-elle pas à unir la Pensée et l'Action? C'est d'ailleurs ce qu'il a réalisé quand il a accepté de mourir, pourmontrer la cohérence entre sa vie et sa pensée.

Par là, on peut dire que la pensée est productrice, transformatrice(il ne faut pas oublier la révolution socratique qui a fait de l'objet de la connaissance un objet anthropocentrique etnon plus cosmocentrique).Réfléchir, penser, peuvent donc être production, mais aussi production utile.

Car avant l'action il y a la pensée.Comme dirait le scientifique et épistémologue Claude Bernard : « à la source de toute connaissance, il y a une idée,une pensée, puis l'expérience vient confirmer l'idée ».

Penser est utile et même nécessaire pour régler les actions.L'architecte avant de construire sa maison a besoin d'un plan, il lui faudra travailler ce plan, penser à toutes lespossibilités mises à sa disposition : c'est tout un travail intellectuel.Si l'on ne pouvait pas parler de travail intellectuel, l'ingénieur qui pense les plans d'action de son entreprise, lephilosophe, le professeur, le chercheur ne seraient pas des travailleurs? Or ils le sont, car leur activité est reconnueutile par autrui, et leur but est constructif. Peut-on ou ne peut-on pas parler de travail intellectuel? C'est bien sûr le grand débat entre les travailleurs manuelset intellectuels.

Même si l'un et l'autre travail n'ont pas les mêmes caractéristiques, ce sont des travaux qui visenttous deux à produire : l'un des biens de consommation, l'autre des idées, pour le développement du monde,l'épanouissement de l'homme, son bien-être.Le travail manuel peut être aliénant, tandis qu'on ne peut exiger de quelqu'un un travail intellectuel : son intellect luiappartient et il sera toujours lui-même quand il travaillera.

Le travail intellectuel ne peut être facilement divisécomme l'autre; aussi n'engendre-t-il pas, comme l'entendait Marx, une division entre individus.

Il n'y a pas de profità tirer du travail intellectuel d'un autre.Si le travail est synonyme de création, l'activité intellectuelle serait un travail, car c'est non seulement une activitécérébrale ou une production mais c'est aussi une création.

C'est l'individu lui-même qui crée son idée.

Tandis quel'ouvrier parfois n'aura à faire preuve d'aucune créativité, ce qui fera dire parfois que ce qu'il fait n'est pas unvéritable travail.Ce qui amène à penser qu'il existe un travail esthétique.

En effet, le peintre est créateur et il produit une oeuvre quile rendra intemporel.

Là, même s'il n'y a pas d'utilité explicite de l'oeuvre, on peut dire que l'artiste travaille car il afourni un travail intellectuel, d'imagination, de concentration, de rapport entre les couleurs, les formes.

Il n'est certes pas osé de parler de « travail intellectuel », car même si ce travail ne se traduit pas en termes deproduction, argent, profits, biens matériels, il est quand même synonyme de construction, création.

Dévaloriserl'activité intellectuelle en ne la considérant pas comme un travail, serait dévaloriser la dimension essentielle del'homme qui est de penser.

Car toute action doit être pensée avant.

D'ailleurs, de plus en plus, on nous demanderaun travail intellectuel d'analyse, d'observation, de rapidité d'esprit, par le truchement des mathématiques ou del'informatique; alors faire fonctionner son cerveau sera un véritable travail digne de l'homme.. »

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