Peut-on parler d'un pouvoir des faibles ?

« après avoir vécu une vie de justice et de piété, qu'il se rende aux Iles des Bienheureux et qu'il vive là-bas la plusgrande félicité à l'abri de tout malheur ; mais s'il a vécu sans justice ni respect des dieux, qu'il se dirige vers laprison où l'on paye sa faute, où l'on est puni »Or plus on est puissant plus la faute commise peut être grande.

On voit bien cela dans la fable Les animaux maladesde la peste, que le roi lion à commis des péchés bien plus graves que l'âne (manger des moutons, tuer unberger…) car il en a la capacité, en tant que fort, en tant que puissant qui possède le pouvoir : la situationva donc s'inverser proportionnellement. L a puissance du faible peut en outre s'exprimer par la ruse.

Dans la fable Le corbeau et le renard de Jean de LaFontaine, c'est par sa ruse, c\'est-à-dire en flattant le corbeau, que le renard arrive à lui dérober son fromage.

Lerenard qui était ici en position de faiblesse a inversé la situationLa ruse du faible peut surpasser la puissance du fort.

Par exemple Pour Nietzsche, dans ‘'Le Gai Savoir'', lesfemmes qui feignent une apparence fragile pour se défendre contre ‘'le droit du plus fort'' sont rusées.Roxelane illustre bien cette idée.

Esclave, elle fut offerte à Soliman Le Magnifique, qui l'intégra dans son harem,l'antichambre du pouvoir.

Belle, intelligente et courageuse, elle parvint par la ruse à se hisser au sommet de lahiérarchie en tant que sultane mère.

Un autre exemple que l'on pourrait prendre son les arrivistes, et le Rastignac deBalzac en est une parfaite illustration.

Parti de rien, de faible, il va - par son calcul, son flair, sa ruse, le jeu desconnaissances… - réussir à se faire intégrer aux milieux nobles et au final occupé une place de fort, a cotédes puissants de Paris. Dans cette fable le langage apparait comme un réel pouvoir en cela qu'il a permis au renard de faire adopter uncomportement au corbeau qu'il n'aurait pas adopté spontanément.

Le langage apparait comme un réel pouvoir dontles plus faibles peuvent user : prendre la parole, c'est bien souvent prendre le pouvoir.

La Fontaine illustreparfaitement cela dans sa fable Le pouvoir des fables.

Ainsi une argumentation bien conçue, que l'objet en soitvérifié, ou non, peut tout faire, persuader ou obliger tout un chacun.

C'était là l'art des sophistes.

Et l'½uvre deSchopenhauer , La dialectique éristique nous explique les méandres de cet art.

Lorsque le faible sait manier lelangage, le rapport de force peut se renverser.C'est la thèse que défend les personnages de Gorgias, Polos et Calliclès dans Gorgias de Platon, la rhétorique commeconquête du pouvoir. Mais cette idée reste à nuancer en cela que la puissance des faibles réside aussi dans la poursuite de finsconformes à la raison et à la justice.Platon, dans Gorgias détruit par son argumentation la puissance de la rhétorique, immorale car elle viseessentiellement le plaisir, l'obtention du pouvoir politique, le succès et la réussite dans la cité, au profit de laphilosophie qui nous conduit vers la sagesse, la justice et le Bien.

Il s'avère être un moyen de domination a sonprofit personnel.

La rhétorique, qui fait partie avec la cuisine, le maquillage et la sophistique des arts de la flatterieet qui ne vise qu'au plaisir et non au bien véritable n'est pas un art réel.

La puissance, montre Socrate, réside dansla poursuite de fins conformes à la raison et à la justice.

Et agir contre la justice est la pire impuissance ; il vautmieux même subir une injustice que la commettre. Enfin le pouvoir des faibles naît de leur puissance intellectuelle.

Dans Henon ou la Vertu Platon expose sa théorie dela réminiscence : Socrate interroge un petit esclave qui n'a jamais étudié les sciences et qui trouve par lui-même, lamanière de construire un carré double d'un carré donné.

Il découvre ainsi une connaissance qu'on ne lui a jamaisenseignée.

L'âme peut en effet se ressouvenir de ce qu'elle a vu ou contemplé ailleurs : elle conserve desréminiscences de connaissances acquises avant la naissance.Dans le Léviathan de Thomas Moore, l'auteur note que tout homme est capable de science.

Nous sommes à peuprès égaux en esprit.

Et donc dans un système de récompense basé sur le mérite, le faible à la capacité par sonesprit d'acquérir plus de pouvoir. Il serait pour finir intéressant de remarquer qu'il existe aussi un pouvoir des faibles sur les faibles.

Le rapport deforce ne s'inverse pas toujours.

Dans le Lion le Loup et le Renard, La Fontaine met en scène des animaux-courtisans, donc au même niveau de pouvoir, qui se ‘tirent dans les pattes'.

Pour Le Renard élimine le Loupen conseillant au Lion de le dépecé pour soigner son mal.

C'est la guerre des faibles contre les faibles.

L'exemplepeut aussi être celui des guerres civiles, telle qu'en Irlande, on le peuple affronte le peuple, sans qu'au départ l'unne soit vraiment plus fort que l'autre, et pourtant il y aura un vainqueur.Car après tout comme on trouve toujours plus fort que soi, on est toujours le faible de quelqu'un. Comment ce pouvoir des faibles, vérifié dans tant de domaines, s'exprime dans la société ? Tout d'abord, force des faibles s'établit au niveau politique dans le pacte social que développe Jean-JacquesRousseau dans Du Contrat Social ou Principes du Droit Politique.En effet, à l'état de nature, les hommes ne vivent pas en groupe, ils ne sont pas mus par un lien social, ce sontnotamment les catastrophes naturelles qui vont les forcer à se regrouper.

De plus Les hommes sont égaux par leursfacultés de corps et d'esprit, il n'y a pas de forts pas de faibles, il règne une certaine égalité.

Mais de cette égalitéd'aptitude découle la volonté d'atteindre les mêmes fins.

D'où la rivalité et la défiance de chacun qui entraînent laguerre.

Thomas Hobbes parle dans Le Léviathan ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir d\'une républiqueecclésiastique et civile de la « loi de la jungle ».

Tous les hommes à l'état de nature sont en état de faiblessefondamentale.

Personne ne possède vraiment de pouvoir.. »