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Peut-on se consoler de mourir ?

Publié le 27/02/2008

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Il faut distinguer chez Heidegger ce qui est authentique (eigentlich) de ce qui ne l'est pas. Commençons par le quotidien l'inauthentique : c'est le Dasein dans son aliénation quand il fuit sa tâche d'être alors que l'authentique, lui par contre va à la rencontre de l'Etre en assumant sa finitude. Si l'existence inauthentique est marquée par la dictature du « Man », du « On », il faut tout de même voir que cette fuite en avant face à la mort tout en essayant de l'effacer montre le rôle primordial qu'elle joue. En fait dès qu' « un homme vient au monde, il est assez jeune pour mourir » autrement dit si l'homme a à être, cela signifie qu'il a aussi à mourir (zu sterben). Donc la mort est le mode d'être le plus propre étant donné qu'il est la prise en compte de la possibilité de l'impossibilité d'être là qui se manifeste par le sentiment d'angoisse qui est l'angoisse DE la mort POUR l'être pour la mort. Ainsi la mort permet de penser le Dasein comme un tout ! Dès lors, doit-on véritablement se consoler du fait de mourir alors qu'il apparaît comme la condition d'une totalité possible du Dasein ? La mort semble dégager le sens de l'antérieur et de la durée entière de la vie. La terminaison, parachevant l'arrondissement de la totalité, porte témoignage sur la signification de la vie. Pour comprendre cette idée revenons brièvement sur la vie de Priam. Jusqu'aux derniers moments de sa vie, on aurait pu le qualifier d'heureux si quelque temps avant sa mort on n'avait pas tué sa femme, ses enfants lors de la guerre de Troie.

« remarquée par l'emploi de détours quand il s'agit de la mort : on est ainsi devenu de grands artistes de la litote etde la métaphore à l'image de Luise dans Kabale und Liebe.

Elle parle de Dritter Ort, où l'on ira tous.

Mais qui secache derrière ce « on » ? Le man comme le dit Heidegger incarne la conversion de l'angoisse en une simplecrainte ; « Das man lässt nicht den Mut zu Angst vor dem Tode nicht aufkommen » (« Le on ne laisse pas lecourage se transformer en peur de la meurt ! ») De plus, l'homme est le seul à pouvoir convoquer ce qui est absentgrâce à des outils symboliques tels que l'art, le déguisement, le langage...

; il est le seul à s'occuper de ses morts.En effet les funérailles sont une façon de lutter contre les effets dissolvants de la mort.

Ainsi chez les Mossi auBurkina Faso, il arrive qu'une parente de la personne décédée revête les oripeaux du mort, imite ses gestes, samanière de parler, ses disgrâces physiques, porte sa lance ou sa canne et que cette dernière soit appelée par lesenfants du défunt « père » et par les épouses « mari ».

Ne faut-il pas voir derrière cette coutume et derrière lesfunérailles en général un mécanisme de dépassement de la mort, un moyen conçu par le groupe pour agir contre lechagrin autrement dit pour se consoler ? Ce n'est pas pour rien que Antigone se bat pour que son frère Polynice aitle droit à une sépulture ! (Il en est de même quant à nos veilles funéraires, nos chapelles ardentes, la crémation oul'enterrement dans notre civilisation biensûûûr...) Cependant l'on sait bien que tout le monde n'a pas le droit à unesépulture ? Est-il nécessaire de rappeler la situation des acteurs à l'époque de Molière et de ses funérailles nonconventionnelles ? Ou bien même penser à ceux dont on ne retrouve pas la dépouille ? Quelle solution pour seconsoler de leur mort ? Car si l'on n'arrive pas à se consoler de la mort d'autrui comment se consoler de sa propremort ? Précédemment nous faisions allusion à l'espérance bien fantaisiste certes mais espoir tout de même que lamort soit victime d'amnésie en ce qui me concerne ? Espoir qui est celui de Walter Faber dans Homo Faber de MaxFrisch qui pendant la moitié du roman pense que par la fuite dans le travail, dans la technique, il arrivera à échapperà la « fraternité de la mort », espoir vain étant donné qu'à la fin du récit il meurt d'un cancer.

Pour autant peut-ondire que tout espoir est pure folie ou bien est-il raisonnable de parler d'un espoir rationnel ? C'est-à-dire un espoirqui serait exigé par la raison, qui serait inhérent à la raison finie.

Dans la CRP2 (De la dialectique de la raison pure dsla Détermination du concept de souverain bien), Kant explique qu'il vient du caractère rationnel d'une vertus'accordant avec le bonheur.

Donc ni le bonheur d'un côté, ni la vertu de l'autre.

D'une part, la moralité n'est pas lesouverain bien, d'autre part le bonheur n'est acceptable que s'il est digne d'exister.

Ainsi, pour que « le bien soitparfait, il faut que celui qui ne s'est pas conduit de façon à être indigne d'être heureux puisse espérer participer aubonheur ».

D'ailleurs cet espoir de concorde n'est possible que par un dieu dans l'au-delà et une âme immortelleétant donné qu'autrement on ne pourrait accéder à la moralité dans la vie qui nous est impartie.

Finalement, onpourrait voir dans cet espoir rationnel une ébauche de consolation d'autant plus qu'elle se trouve sous le seau de laraison ! Nous voyons arriver en filigranes l'espérance dans un autre monde, dans un au-delà comme dans le mythed'Er Le Phamphylien du livre 10 de la République.

Er a été tué sur le champ de bataille mais alors qu'il était sur lepoint d'être enseveli, il raconte ce que son âme sortie de son corps a pu vivre dans l'au-delà.

Après la mort lesjuges dirigent les âmes des justes vers une route sui conduit vers le ciel, et les âmes des criminels vers une routequi descend.

Dès lors elles sont confrontées au choix de leur prochaine existence.

Après avoir assumé leurresponsabilité, elles sont conduites vers le Léthé où elles doivent boire l'eau du fleuve : elles oublient leur vie passéeet renaissent à une vie nouvelle.

Ces mythes orphiques peuvent être certes avec beaucoup de précautionsrapprochés de la croyance des catholiques dans un paradis et dans un Dieu, dieu qui nous permet de nous consolerde l'arrachement que signifie la mort pour nous par rapport au monde d'ici-bas ; en effet, on retrouvera ceux qu'on alaissé plus tard au paradis.

En fait, il faudrait imaginer la mort de l'homme comme un naufrage et dieu comme unesorte de bouée de sauvetage car créant l'être et posant l'essence, il nie le non-être et le non-sens de la nihilisationtotale.

De plus, il nous garantit principalement la continuation de l'être et aussi la félicité ultérieure, les récompensescélestes...

Autrement dit, il compense le néant d'une part et nous permet finalement d'établir une liaison rassuranteentre l'en deçà et l'au-delà.

Donc Dieu est un pari rassurant : quand on cesse d'y croire, l'anéantissement absoluredevient omnipotent, mur infranchissable : la perspective d'un avenir qui se dirige vers un néant total ravive ledésespoir de l'homme...

et inversement la croyance en un être surnaturel et infini fait renaître en nous un panelillimité de possibilités.

Mais comment cette croyance peut-elle lutter contre la tristesse ? Pour comprendre cela, jevous propose de partager avec Saint Augustin 2 expériences : l'une avant son engagement dans la voie chrétienne,l'autre après.

Premièrement, lors de son adhésion provisoire au manichéisme, Saint Augustin nous fait part dans lesConfessions, livre 4, de la mort d'un de ses amis d'enfance qui a eu une importance capitale pour lui.

« Quelledouleur, écrit-il, enténébrait mon coeur ; et tout ce que je regardais était devenu la mort.

» Et quand à cetteépoque il disait : « Espère en Dieu ! », avec raison, elle n'obéissait pas ! La seconde expérience elle se situe peuaprès la mort de sa propre mère « médiatrice et figure de grâce » et sa conversion.

Sa réaction primaire est certesdu même type que pour son ami d'enfance : nous retrouvons le désarroi humain cependant comme il est engagédans la voie chrétienne, l'espérance en Dieu sera plus forte que la tristesse : la désespérance est vaincue.

Maisquant est-il des athées.

N'ont-ils pas droit à une consolation ? Pour ces derniers, la peine engendrée par la mort, est certes liée au fait qu'ils devront quitter leurs proches mais surtout par le fait de laisser une oeuvre inachevée, la peur de ne pas avoir vécu.

Ainsi à ce moment précis il sepeut que l'angoisse liée à la mort me prenne car la mort pourrait m'enlever avant d'avoir conclu sur notre sujet !Dans das Prinzip Hoffnung, E.

Bloch nous fait part d'un espoir possible, l'espoir de la vraie habitation, l'espoir dequelques moments où « une place est laissée à la conscience de la gloire, de l'utopie en l'homme » Cet instant, ill'appelle l'étonnement.

Mais qu'y a-t-il à comprendre sous ce terme ? Premièrement, il ne faut pas confondrel'étonnement « qu'il y est de l'étant » (La Nausée) et cet étonnement que Lévinas décrit comme le moment « où lalumière de l'utopie pénètre dans l'obscurité de la subjectivité ».

Pour illustrer cet étonnement, on peut se référer àun passage de Guerre et Paix, où le prince André blessé sur le champ de Bataille d'Austerlitz, contemple le cielhaut : « Regardant Napoléon ds les yeux, le prince André songeait à la vanité de la grandeur, a la vanité de la viedont personne ne pouvait cprendre le sens, et à la vanité encore plus grande de la mort dont nul vivant ne pouvait. »

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