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Peut-on vaincre la peur de l'autre ?

Publié le 31/01/2004

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• L'expression « la peur de l'autre « est ambiguë : elle peut désigner soit la peur que l'autre ressent à cause de ma présence, soit celle que je ressens à cause de sa présence. Y a-t-il lieu de privilégier un seul sens ? • La « peur de l'autre « est ici postulée comme un fait premier, résultant immédiatement de sa présence : que peut-on objecter à un tel postulat ? • Quelle peut être l'origine d'un tel postulat ? • S'il s'agit de vaincre la peur de l'autre, cela semble supposer qu'elle constitue une réaction négative : que s'agirait-il de lui substituer ? L'amitié ? L'amour ?

« est riche alors que je suis pauvre (ou l'inverse), il est chef ou patron alors que j'obéis ou travaille à son service, ilappartient à une culture qui m'égare parce que ses normes ou ses signes extérieurs ne sont pas ceux de la mienne,etc.

Ces différences sociales ou culturelles sont même en général si frappantes qu'elles recouvrent et dissimulentl'altérité fondamentale : ce que je perçois et qui m'inquiète dans l'autre, ce n'est plus « son » monde, mais c'est lemonde collectif (classe sociale ou culture) auquel il appartient, et qui me semble lui conférer un impact particulier,comme si, au-delà de sa silhouette, j'avais affaire, au moins implicitement, à toute une collectivité ou un ensemblede valeurs qui me sont étrangers.• L'autre vaut dès lors moins comme singulier que comme représentant anonyme d'un groupe : à travers lui, c'est dece groupe que j'ai peur.

La puissance que je lui accorde est moins la sienne que celle qui me paraît transparaître àtravers lui. III.

La possibilité d'autres relations • En considérant l'autre de la sorte, je ne l'affronte pas directement ou immédiatement.

Entre lui et moi viennents'interposer ou faire écran nos cultures, nos classes sociales, nos rapports différents à l'argent, au pouvoir, etc.Pour rencontrer l'autre lui-même, je dois faire abstraction de ce dont il fait partie, afin de ne croiser que son être.• Aussi n'est-il pas surprenant que, dans sa description hypothétique d'un homme de la nature, Rousseau affirmel'existence, comme sentiment premier, non de la peur, mais de la pitié.

Une fois dégagé de tout environnement socialet de ce que celui-ci détermine comme propriété, pouvoir, inégalité, l'autre m'apparaîtrait comme radicalementsemblable à moi, parce qu'il a en partage la même situation et les mêmes besoins élémentaires.

La ressemblancel'emporterait alors sur la perception des différences, et n'écoutant que mon « sentiment naturel », je serais porté àme dévouer pour l'autre.

Une telle thèse suppose l'impossibilité initiale de quelque concurrence que ce soit, mais seheurte à l'objection qui souligne que l'homme de la nature n'a sans doute jamais existé, qu'il n'est qu'un conceptthéorique dont l'utilité est de désigner un état « premier » de l'humanité dont il s'agit de retrouver artificiellement lesqualités supposées au terme de l'histoire humaine.• C'est par contre sans se laisser aller à aucune rêverie historique que Levinas indique comment la perception del'autre se débarrasse de la peur dès que sa présence prend le sens de la présence d'autrui.

Le passage de l'autre àautrui implique, ne serait-ce que dans le vocabulaire, une sorte de conversion morale, que confirme la découverte,dans l'autre, de ce que Levinas nomme son « visage ».

L'expérience première de l'altérité doit en effet s'effectuerindépendamment des différenciations sociales.

Mais cela ne signifie pas qu'il serait nécessaire de céder à latentation du mythe rousseauiste ; c'est au contraire très quotidiennement que le visage peut être découvert, pourpeu que, entre l'autre et moi, s'installe une relation directe de face-à-face, indépendamment de l'interventionhabituelle des signes d'appartenance à un groupe, un parti, une communauté.

Dans le visage de l'autre, et dans ceque ce visage a de déroutant puisqu'il est simultanément autre et le même que le mien, s'affirme pour Levinas leprincipe fondateur de toute éthique : « Tu ne tueras pas ».

À la peur se substitue alors l'ouverture à autrui, devinécomme autre version de l'humain, aussi nécessaire que la mienne à la constitution d'un monde commun. Conclusion • S'interroger sur la possibilité de vaincre la peur de l'autre, c'est supposer que cette peur est première.

Peut-êtren'est-ce pas obligatoire, si l'on veut bien être attentif au fait que le visage humain, lorsque je le perçois sansmédiation, offre une signification immédiatement éthique.

Celle-ci ne s'affirme que lorsque l'autre est perçu « horscontexte », et sans doute cette mise à nu est-elle rare, puisque nous évoluons nécessairement dans des cadressociaux.

Faire effort pour éprouver cette signification, c'est pourtant un pari sur la constitution d'une relation sansviolence avec l'autre, insensiblement devenu autrui.. »

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