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Peut-on vaincre la peur de l'autre ?

Publié le 26/12/2005

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• Est-il possible – et même légitime, si l'on tient compte du double sens de l'expression « peut-on « – de dominer et de réduire, au terme d'une lutte – car l'idée de « vaincre « implique celle de combat – le phénomène affectif marqué par la prise de conscience du danger lié à l'altérité, à ce qui n'est pas moi, à ce qui diffère de moi ? L'identité doit-elle s'imposer à la conscience, privilégiant uniquement le même, ce qui est constitutif d'elle-même et de sa propre essence ?

 • L'autre s'oppose-t-il irréductiblement au moi ? Désigne-t-il quelque enfer en ce monde et symbolise-t-il le mal ou l'échec existentiel ? Le problème est, en définitive, de savoir si la « guerre des consciences « est un irréductible, si nous sommes voués à l'entre-déchirement. D'où l'enjeu de la question, son poids existentiel, son importance décisive, car cette question nous interroge sur notre situation dans le monde et enveloppe l'idée de modes d'être fort différents, selon la réponse apportée.

Introduction

  • I. Les raisons de la peur de l'autre
  • II. L'autre, cet alter-ego
  • III. L'amour et l'amitié, au-delà de la peur

Conclusion

« B.

Il est possible de vaincre la peur de l'autre : la « reconnaissance » (au sens hégélien) Puisque le couple du Même et de l'Autre organise une bonne partie de monexpérience, il faut maîtriser la peur inhérente à l'altérité.

Comment rendrepossible cette opération ? La première solution sera radicale : vaincrela peur, c'est poursuivre la mort de l'autre, c'est s'en rendre maître.

En faisantreconnaître par l'autre ma supériorité, en luttant à mort pour cette «reconnaissance », je vais vaincre la peur de l'autre et affirmer mon autonomie; du même coup, je rends possible l'anéantissement de ma peur.

Pourquoicraindrais-je celui qui est devenu « esclave », qui a reconnu ma prééminenceet mon « excellence » ? C'est à l'issue d'un duel (symbolique) où je risque mavie que je réussis à vaincre ma peur.

L'autre entre ainsi dans un rapport deservitude, tandis que j'émerge dans mon autonomie.

Telle cettereconnaissance où je me fais admettre et accepter comme « maître ».L'Occidental va ainsi vaincre sa peur du « barbare » en en faisant un « sous-homme ».

Autre exemple : dans la vie quotidienne, je vais dominer ma peur enme faisant le maître, voire le « chef ».

Ainsi les exemples pourraient-ils êtremultipliés.

Pourquoi craindre une altérité vaincue ? Comme l'a montré Hegeldans des analyses célèbres, chaque conscience n'existe qu'en tant qu'elle estreconnue.

Les relations humaines sont fréquemment des relations de purprestige, une lutte à mort pour la reconnaissance de l'un par l'autre.

La réalitéhumaine ne peut s'engendrer qu'en tant que réalité reconnue ; alors la peurde l'autre peut s'effacer car la rencontre d'autrui est un cruel combat où jeme forge en détruisant ce qui incarne pour moi une menace.

Songeons au film célèbre de Losey, The Servant, cruelduel du maître et de son valet, ou à Ridicule, où, sans cesse, des consciences s'affrontent dans le combat de laparole et du discours. « Pour se faire valoir et être reconnue comme libre, il faut que la conscience de soi se représente pour une autre comme libérée de la réalité naturelle présente.

Ce moment n'est pas moins nécessaire que celui qui correspond à la liberté de la conscience de soi en elle-même.

L'égalitéabsolue du Je par rapport à lui-même n'est pas une égalité essentiellement immédiate, mais une égalité qui se constitue en supprimant l'immédiatetésensible et qui, de la sorte, s'impose aussi à un autre Je comme libre et indépendante du sensible.

Ainsi la conscience de soi se révèle conforme àson concept et, puisqu'elle donne réalité au Je, il est impossible qu'elle ne soit pas reconnue. Mais l'autonomie est moins la liberté qui sort de la présence sensible immédiate et qui se détache d'elle que, bien plutôt, la liberté au sein de cette présence.

Ce moment est aussi nécessaire que l'autre, mais ils ne sont pas d'égale valeur.

Par suite de l'inégalité qui tient à ce que, pourl'une des deux consciences de soi, la liberté a plus de valeur que la réalité sensible présente, tandis que, pour l'autre, cette présence assume, auregard de la liberté, valeur de réalité essentielle, c'est alors que s'établit entre elles, avec l'obligation réciproque d'être reconnues dans la réalitéeffective et déterminée, la relation maîtrise-servitude, ou, absolument parlant, servitude-obéissance dans la mesure où cette différence d'autonomieest donnée par le rapport naturel immédiat. Puisqu'il est nécessaire que chacune des deux consciences de soi, qui s'opposent l'une à l'autre, s'efforce de se manifester et de s'affirmer, devant l'autre et pour l'autre, comme un être-pour-soi absolu, par là même celle qui a préféré la vie à la liberté, et qui se révèle impuissante à faire,par elle-même et pour assurer son indépendance, abstraction de sa réalité sensible présente, entre ainsi dans le rapport de servitude.

» Hegel , « Propédeutique philosophique ». C'est dans l'un des plus fameux passages de la « Phénoménologie de l'esprit », qui décrit la lutte à mort pour la reconnaissance avant que d'aborder la dialectique du maître et de l'esclave, que Hegel déclare : « C'est seulement par le risque de sa vie que l'on conserve la liberté. » Hegel entend montrer que la rencontre avec autrui prend logiquement la forme d'un conflit, d'une lutte, dont le risque est la mort et l'enjeu la reconnaissance par l'autre de mon humanité. Pour ne pas méconnaître l'enjeu de la « lutte à mort pour la reconnaissance », il faut savoir que la « Phénoménologie » envisage de décrire le mouvement logique du développement de la conscience, cad les expériences, le mouvement par lequel la conscience s'éduque. Il est donc toujours dangereux d'isoler un chapitre du texte, puisque « le vrai est le tout », que chaque étape n'est qu'un moment dont la compréhension exigerait la connaissance de l'ensemble du processus.

Il faut d'autre part prévenir un autre contresens possible.

Hegel n'entend pas décrire un épisode réel de l'histoire humaine, et il ne faut pas s'imaginer deux individus surgissant face à face et engageant une lutte.

Il s'agit bienplutôt d'une genèse logique de la rencontre avec autrui. Hegel souhaite montrer que, dans la mesure où l'homme accepte de risquer sa vie pour quelque chose, il pose qu'il n'est pas seulement un simple être vivant, sensible, fini.

Il pose que l'homme ne se réduit pas à la simple animalité et au souci de la conservation de soi.

En quelque sortele risque de la mort est la pierre de touche de nos valeurs, car en risquant sa vie, l'homme montre que ce pourquoi il la risque a plus de valeurqu'elle, et qu'il se définit et s'éprouve comme autre chose qu'un simple vivant. Plus précisément, l'idée maîtresse de Hegel dans ce passage est la suivante : l'homme n'accède à la véritable consciente de son humanité que lorsqu'elle est reconnue par un autre.

L'homme doit faire la preuve de son humanité, et il ne peut la faire qu'en engageant une lutte à mort avecun autre homme.

C'est en acceptant le risque de sa mort qu'il prouve que sa reconnaissance comme conscience, comme autre chose qu'un simpleanimal, vaut plus que par sa simple survie.

Etre homme, c'est donc pouvoir mettre en jeu sa propre vie pour prouver la valeur même de sonexistence, c'est pourquoi cette lutte est à la fois nécessaire et absurde.

L'essentiel est que la conscience de soi véritable requière la médiation d'un. »

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