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Pourquoi le passé suscite-t-il encore des passions ?

Publié le 27/02/2005

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Formulation d'un problème1. La présence des temps passés se marque, aussi bien dans un peuple qu'un individu ou un groupe, par la résurgence de sentiments et de passions anciennes. Ceux-ci ne sont pas éteints, même si leur origine peut être méconnue ou ignorée, enfouie dans une façon d'être, de penser ou d'agir que la tradition transmet. Une culture, un langage, véhiculent ce patrimoine identitaire commun, cet héritage, liant ainsi le présent au passé par le biais de passions qui se perpétuent, se lèguent. Ceci est encore plus fort quand le danger se fait sentir de la perte de cette identité. Le fanatisme peut en être une forme extrême.Ainsi, si les temps passés suscitent encore les passions, c'est non seulement parce que le passé est toujours vivant, mais aussi parce que les passions anciennes peuvent nourrir des passions présentes. Celles-ci ne sont souvent que le signe des temps passés, l'expression de passions dont l'origine peut être inconsciente (cf. inconscient collectif). En pesant obscurément sur la conscience des hommes, les temps passés conditionnent leur comportement (Marrou).

« sont à l'origine de passions dont sont l'objet les temps passés. Les démagogues le savent bien, qui ravivent des passions anciennes pour susciter des passions présentes. 2.

Cependant, la prise de conscience de ce lien inconscient n'éteint pas pour autant les passions que peuventsusciter les temps passés.

En effet, même si la cause en est radicalement opposée (puisque la conscience, lalucidité exprime un regard porté sur le passé et non la soumission passive à son influence ou son poids déterminant),les temps passés demeurent passionnants par leur intérêt propre.

Ils peuvent nous en apprendre sur les hommes dupassé, mais aussi sur le temps présent, sur nous-mêmes.Les temps passés sont passionnants pour celui qui les interroge et s'interroge.

La sympathie, l'amour et la rencontreavec d'autres hommes manifestent cette passion pour les temps passés.Mais ici, la passion entretenue est une alliée essentielle de la raison et du savoir.Au fond, si les temps passés suscitent encore les passions, c'est parce que l'homme tente de s'en libérer en enprenant conscience.

Il y a un effet cathartique (Marrou). 3.

Alors, le fait que les temps passés suscitent encore les passions exprime aussi bien l'emprise inconsciente dupassé sur la conscience que la volonté pour l'homme du présent de s'en libérer en en prenant conscience.

Les tempspassés expriment un sens que la raison seule ne peut saisir.

Le présent est lié au passé par cette continuité dusens, lui-même moteur de la passion dans l'Histoire.

« Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passiondit Hegel. La passion a souvent été méprisée comme une chose qui est plus ou moins mauvaise.

Le romantisme allemand et, enparticulier, Hegel restituent à la passion toute sa grandeur.

Dans une Introduction fameuse (« La Raison dansl'histoire ») à ses « Leçons sur la philosophie de l'histoire » - publiées après sa mort à partir de manuscrits del'auteur et de notes prises par ses auditeurs -, on peut lire (trad.

Kostas Papaioannou, coll.

10118): « Rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont participé.Cet intérêt nous l'appelons passion lorsque, écartant tous les autres intérêtsou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes lesfibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tousses besoins.

En ce sens, nous devons dire que rien de grand ne s'est accomplidans le monde sans passion.

» L'histoire est en apparence chaos et désordre.

Tout semble voué à ladisparition, rien ne demeure : « Qui a contemplé les ruines de Carthage, dePalmyre, Persépolis, Rome, sans réfléchir sur la caducité des empires et deshommes, sans porter le deuil de cette vie passée puissante et riche ? Cen'est pas comme devant la tombe des êtres qui nous furent chers, un deuilqui s'attarde aux pertes personnelles et à la caducité des fins particulières:c'est le deuil désintéressé d'une vie humaine brillante et civilisée.

»L'histoire apparaît comme cette « vallée des ossements » où nous voyons lesréalisations «les plus grandes et les plus élevées rabougries et détruites parles passions humaines », «l'autel sur lequel ont été sacrifiés le bonheur despeuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus ».

Elle nous montre leshommes livrés à la frénésie des passions, poursuivant de manière opiniâtredes petits buts égoïstes, davantage mus par leurs intérêts personnels que parl'esprit du bien.

S'il y a de quoi être triste devant un tel spectacle, faut-il,pour autant, se résigner, y voir l'oeuvre du destin ? Non, car derrière l'apparence bariolée des événements se dévoile au philosophe une finalité rationnelle : l'histoire ne va pas au hasard,elle est la marche graduelle par laquelle l'Esprit parvient à sa vérité.

La Raison divine, l'Absolu doit s'aliéner dans lemonde que font et défont les passions, pour s'accomplir.

Telle est: « la tragédie que l'absolu joue éternellementavec lui-même: il s'engendre éternellement dans l'objectivité, se livre sous cette figure qui est la sienne propre, à lapassion et à la mort, et s'élève de ses cendres à la majesté».Ainsi, l'histoire du devenir des hommes coïncide avec l'histoire du devenir de Dieu.

Etats, peuples, héros ou grandshommes, formes politiques et organisations économiques, arts et religions, passions et intérêts, figurent la réalité del'Esprit et constituent la vie même de l'absolu . « L'Esprit se répand ainsi dans l'histoire en une inépuisable multiplicité de formes où il jouit de lui-même.

Mais sontravail intensifie son activité et de nouveau il se consume.

Chaque création dans laquelle il avait trouvé sajouissance s'oppose de nouveau à lui comme une nouvelle matière qui exige d'être oeuvrée.

Ce qu'était son oeuvredevient ainsi matériau que son travail doit transformer en une oeuvre nouvelle.

» Dans cette dialectique ou ce travail du négatif, l'Esprit, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, se dresse chaquefois plus fort et plus clair.

Il se dresse contre lui-même, consume la forme qu'il s'était donnée, pour s'élever à uneforme nouvelle, plus élevée.

De même que le Fils de Dieu fut jeté « dans le temps, soumis au jugement, mourantdans la douleur de la négativité », pour ressusciter comme « Esprit éternel, mais vivant et présent dans le monde »,de même l'Absolu doit se vouer à la finitude et à l'éphémère pour se réaliser dans sa vérité et dans sa certitude. Dès lors, ce n'est pas en vain que les individus et les peuples sont sacrifiés.

On comprend aussi que les passions. »

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