Pourquoi respecter la nature ?
Publié le 18/06/2012
Extrait du document
Réintégrer l'homme dans la nature, triompher des nombreuses interprétations vaines et fumeuses qui ont été griffonnées ou barbouillées sur le texte primitif éternel [ ... ], [que l'homme] soit sourd aux appeaux [pièges] des vieux oiseleurs métaphysiques qui trop longtemps lui ont seriné : "Tu es mieux que cela, tu es plus grand, tu as une autre origine" - c'est une tâche qui peut sembler étrange et folle, mais c'est une tâche ... «
«
ou plutôt il doit commencer au même point, mais ne
s'arrêter qu'où s'arrête notre nature elle-même : or elle
s'arrête à la contemplation, à l'intelligence, à l'accord de
notre conduite avec la nature générale» (Entretiens, 1, VI,
18-21, in J.
Moreau, Epictète, Seghers, p.
1 05).
• Par conséquent, on doit dire que pour les Stoïciens, le
respect de la Nature est l'attitude sage par excellence.
Il
convient de reconnaître qu'elle est la valeur suprême et
de s'incliner devant elle, c'est-à-dire de comprendre sa
nécessité rationnelle et de se déterminer à suivre l'ordre
qu'elle impose fatalement.
Il est insensé de chercher à
dominer ce qui domine.
Notre raison, qui est une partie de
la Raison du monde, notre intelligence, partie de l'Intelli
gence divine, nous conduisent à prendre conscience que
la Nature tout entière est en quelque sorte sacrée.
A Remarque On trouverait des thèmes analogues
:~:-.,.: .....
: ........
, .......
, ....
: dans plusieurs philosophies de l'Anti-
quité.
Ainsi, chez Platon :
-
La Nature est fondamentalement Cosmos, Tout
ordonné, hiérarchisé, à l'intérieur duquel chaque être a
une place déterminée qui convient à sa nature.
- Dire, comme le sophiste Protagoras, que «l'homme
est la mesure de toutes choses», c'est, selon Platon,
SUJET 3
tout mettre sens dessus dessous, attribuer à l'homme
une place démesurée, exorbitante, injuste.
- La véritable justice consiste à reconnaître que c'est
le Cosmos qui doit mesurer l'homme.
Inviter l'homme
à s'intégrer dans l'Ordre général du Cosmos qui le
dépasse, c'est encore poser qu'il doit respecter la Nature
comme l'harmonie suprême du Tout.
• La pensée judéo-chrétienne, à la différence des philo
sophies platonicienne ou stoïcienne, pose une séparation
essentielle entre Dieu et la nature.
Celle-ci est alors consi
dérée comme une création.
Dieu, lui-même incréé, l'a
produite à partir de rien (ex nihilo).
Elle dépend d'un être
sur-naturel.
Ce qu'il faut par conséquent respecter, c'est
d'abord l'Être transcendant, Dieu, qui dépasse les autres
êtres, plutôt que la nature ou les êtres qui appartiennent
à la nature.
• Dans la mesure où le sacré est ainsi considéré comme
radicalement extérieur à la nature, cette dernière n'a plus
à être respectée ..
n devient possible de l'étudier pour
mieux l'utiliser, de la connaître pour la mettre au service
de nos fins.
C'est ce qui paraît s'accomplir à partir du
début du xvue siècle, avec l'apparition des sciences expé
rimentales.
2.
La nature, objet de la connaissance scientifique __ _
La pensée scientifique de l'univers
• Le développement de la pensée scientifique au début
du xvne siècle a très vite ruiné l'idée antique d'une
Nature- modèle, aux proportions harmonieuses, que
l'homme devait respecter en trouvant sa place en elle.
• L'esprit scientifique réduit en effet l'univers à un
ensemble de forces indifférentes, une sorte de machine
rie sans valeur intrinsèque, dont on peut simplement
connaître les lois et prévoir les mouvements.
Pascal,
témoin de l'essor de cette pensée, perçoit clairement ses
conséquences sur l'idée qu'on se fait de la nature.
Pascal : « Le silence éternel des espaces
infinis m'effraie»
• Pascal ne conçoit plus l'univers que les sciences
donnent à penser, comme une Nature où l'on pour
rait habiter sans crainte, mais comme «une île déserte
et effroyable» (Pensée, éd.
Brunschvicg, no 693), un
«cachot» ou encore une sorte d'océan sans rivage au
sein duquel «nous voguons [ ...
] toujours incertains et flot
tants» (n° 72).
• Que pourrait bien signifier l'idée d'un respect de la
nature, dès lors que celle-ci, en elle-même, est étrangère
au monde des valeurs, puisqu'avec la pensée scientifique
s'opère, comme l'observait A.
Koyré, un «divorce» total
entre le monde des valeurs et le monde des faits?
• Mais la substitution d'une nature-univers, imperson
nelle, indifférente, à la Nature-Cosmos, mystérieuse et
divine, conduit à privilégier la pensée humaine qui, dans
la nature, occupe une position exceptionnelle.
«Par
l'espace, écrit Pascal, l'univers me comprend et m'englou
tit comme un point; par la pensée, je le comprends» (ibid.
no 348).
N'est-ce pas la pensée consciente, condition des
sciences, qu'il faut désormais admirer? «Quand l'univers
l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui
le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers
a sur lui, l'univers n'en sait rien».
:1 Remarque Pascal cherche finalement dans la reli-
::: ..
,.: .....
: ........
, ....
: ........
: gion chrétienne l'équivalent spirituel du
Cosmos disparu: Dieu est ce centre que n'est plus l'uni
vers.
La philosophie de Descartes tire d'autres consé-
quences de la disparition du Cosmos.
1 9.
»
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