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PROBLÈMES DU LANGAGE (cours de philosophie)

Publié le 27/01/2020

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langage

caractère non-naturel du langage est une simple conséquence du projet sophistique, elle ne correspond pas à la volonté de poser le problème de l’origine du langage qui n’est pas vraiment une question de la philosophie grecque classique.

Preuve a fortiori: en son Enquête (Historia II, 2), Hérodote rappelle les recherches du roi Psammétique pour savoir quel était le peuple le plus ancien. Il eut recours à l’expérience suivante : nous aussi ! Il fit élever dans le mutisme complet deux nouveau-nés en compagnie de chèvres. > Un gardien silencieux leur prodiguait des soins. Au bout de deux ans, les enfants lui adressèrent un mot : «bécos» qu’ils ne cessèrent de répéter y compris devant le Pharaon. Bécos signifie pain en phrygien; conclusion : les Phrygiens sont le peuple le plus ancien de la terre, puisque la vérité sort de la bouche des enfants... L’étrangeté pour nous de cette histoire est ailleurs: dans les questions que ne se posent ni Psammétique ni Hérodote. D’où les enfants tenaient-ils ce mot unique? Pourquoi ne se sont-ils pas parlé l’un à l’autre? Pourquoi n’ont-ils pas imité les sons émis par les chèvres ? etc. En un mot qui leur a appris à parler, les tirant de leur silence? Eux-mêmes ou un autre?

Eux-mêmes? C’est la situation imaginée par Condillac dans l’Essai sur l’origine des connaissances humaines (II, Partie § 1 : De l’origine et des progrès du langage, 1746). Renonçant par hypothèse à recourir à un enseignement de la langue par le moyen surnaturel de la révélation divine, il entreprend d’expliquer « comment cette chose aurait pu se faire par des moyens naturels». Mais tout en abandonnant l’explication par la révélation, Condillac n’en garde pas moins la problématique de celle-ci : expliquer le langage ce n’est pas comprendre son essence, mais comment il a commencé, tout comme dans la Genèse, expliquer le monde, c’est dire «Au commencement Dieu créa le monde». Le moment zéro, celui de l’origine est aussi celui de la cause : il suffira de remplacer Dieu par quelque principe plus naturel. (Le mot principe signifie aussi commencement : In principio erat verbum... Jean 1,1). Condillac « suppose que, quelque temps après le déluge, deux enfants de l’un et de l’autre sexe, aient été égarés dans des déserts avant qu’ils ne connussent l’usage d’aucun signe». D’abord séparés, donc totalement isolés, les deux enfants sont pratiquement limités dans leur développement mental par les circonstances : leur imagination était incapable de fonctionner librement c’est-à-dire sans s’appuyer sur l’urgence actuelle d’un besoin. Une fois rassemblés, apparaissent des signes naturels :

PROBLÈMES DU LANGAGE

1. Un animal éloquent, un animal politique

2. Qui lui a appris à parler ?

3. Parole et langage

se servirent ceux qui formèrent cette première convention ? Iis ne pouvaient être naturels, mais ne pouvaient davantage être conventionnels, puisque c’est cette première convention qui doit leur donner arbitrairement naissance... Le mythe condillacien se passe du secours extraordinaire de Dieu, mais le recours à l’arbitraire n'est qu’un deus ex machina ! Conclusion donc négative? Non, mais découverte d’une aporie6 ou d’un paradoxe : la genèse ne rend pas toujours compte de la structure, en tous cas pas la genèse mythique. Il n’y a pas de passage de la nature à la convention : y en aurait-il, Il n’expliquerait pas le caractère arbitraire du langage qu’il prétendait au contraire rendre intelligible.

La question : « qui lui a appris à parler ? » continue donc de se poser, mais à présent, on sait que les réponses positives qui peuvent lui être faites relèvent ou de la foi en une révélation ou d’une mythologie archéologique, elle aussi génératrice de croyance. En un sens, c’est l'impasse : il n’y a pas de connaissance de l’origine du langage, en un autre, non, car cet échec signifie aussi bien qu’il faut orienter la réflexion dans une autre direction. Retour à l’affirmation du caractère naturel du langage de l’homme, animal politique éloquent et donc retour à la case départ en Aristote? pas nécessairement ! Il y a bien une genèse du langage, mais elle concerne seulement l’apprentissage de la langue maternelle par l'infans qui finit par parler parce qu’il est capable de parler. Ni « le cri de la nature » ni la convention première ou seconde ne peuvent expliquer ce fait du langage, qui apparaît désormais comme ni naturel ni conventionnel ! N’est-ce pas là une bonne raison de quitter un terrain piégé générateur d’apories inextricables pour aborder autrement le problème du langage ?

3. Parole et langage

Une exigence méthodologique d’abord : au lieu de prendre pour objet d’investigation « le » langage, pourquoi ne pas l’analyser, et le résoudre en ses éléments ou du moins en grosses unités faciles à manier (le facile c’est ce.qu’on peut faire)? Une première division est celle de la parole et de la langue, confondues dans la recherche de la généalogie du langage. Cette division est devenue banale depuis les travaux de Ferdinand de Saussure, et en particulier la publication de son Cours de linguistique générale (1915-16) : en opposant langue et parole, et en dévaluant celle-ci au profit de celle-là, le linguiste genevois déplaçait polémlquement l’objet ou l’objectif de la linguistique de la série diachronique (les événements) à la prise en charge du simultané (le synchronique). Il fallait, peut-on dire en simplifiant, considérer le tout de la langue sans s’inquiéter de l’initiative des sujets parlants tenue pour négligeable. La fécondité scientifique de cette méthode est incontestable et elle a fondé une linguistique. Mais ce serait une erreur philosophique de considérer la linguistique post-saussurienne comme maîtrisant la problématique du langage : la linguistique étudie la langue comme la physiologie fait apparaître les causes de l’aphasie : loin de fournir la solution scientifique d’un problème jusque là sans solution philosophique, elles permettent seulement à la philosophie de formuler autrement une problématique renouvelée par le progrès des disciplines scientifiques. Saussure ne «résoudra» pas la question de Condillac, il permettra de reprendre autrement, c’est-à-dire dans un autre dispositif, celui de la division langue/parole, l’interrogation toujours actuelle relative au langage.

La division langue/parole doit donc être reprise mais non comme résultat acquis, plutôt comme problème. Parler c’est toujours parler une langue et la langue précède donc tout usage de la parole qui se coule en elle comme dans un vêtement pré-trouvé sur les lèvres de la mère. La langue est un système de signes. Comme système, elle est une unité articulée comparable à celle d’un organisme, c’est-à-dire distincte de l’unité accidentelle d’un tas dont les éléments sont hétérogènes. Le système se manifeste par des structures contraignantes comme par exemple celles de la syntaxe (ordre des mots) ou de la morphologie (flexions, déclinaisons, conjugaisons, etc.). Le signe associe une image acoustique (un son) et une représentation mentale (Saussure l’appelle concept, mais ce terme est à prendre dans un sens très large). Le signe dont l’élément acoustique (= le signifiant) est par rapport à l’élément mental (= le signifié) comme le recto d’une feuille par rapport au verso, n’a pas de rapport de ressemblance avec la chose qu’il désigne: on peut appeler celle-ci le référent du signe. En quoi il se distingue et de l’indice et du symbole : le premier (des cendres de cigares pour Sherlock Holmes) signifie le tout du référent par l’une de ses parties ; avec le symbole intervient un élément conventionnel, le symbole signifiant son référent par une représentation stylisée, mais intelligible seulement pour ceux qui en connaissent le contexte (la croix chrétienne, l’étoile de David, le croissant musulman). En ce sens le signe n’est pas l’analogue de son référent, et doit cette différence à l’arbitraire du signifiant : arbitraire ne veut pas dire ici conventionnel, mais absence de rapport de similitude entre le signifiant et le signifié, voire entre le signe et le référent. En quelques définitions, voici éliminées les apories rencontrées lors de l’enquête sur l’origine du langage...

Élimination normale si l’on peut dire, puisque la considération de la langue et d’elle seule évacue le sujet parlant du champ d’investigation, ou tout au moins dégrade son existence et ses manifestations au rang de l’accident, c’est à dire de l’inessentiel. Or c’est du sujet que provenaient

6. Situation où le manque d'expédient (poros) semble acculer la pensée dans une Impasse : « Il y a encore l’aporie que tu soulèves à propos des hommes de valeur : pourquoi apprennent-ils à leurs propres fils ce que des maîtres peuvent enseigner, et les y rendent habiles, alors qu’ils ne les rendent point meilleurs que quiconque en matière de vertu là où eux mêmes ont de la valeur ? » Platon, Protagoras 324 d.

langage

« 1.

Un animal éloquent, un animal politique L'homme est un animal éloquent (homo loquens) et cette remarque le définit aussi bien que la célèbre citation : « L'_horrnne est un a11lroa.L12.9JJti­ que », puisqu'au reste, à s'en rapporter à Aristote, langage et activité dans îâ-ëité (polis) s'impliquent réciproquement pour séparer l'homme des ani­ maux.

Certains de ces derniers ressemblent par leur organisation collec­ tive aux hommes: aussi les appelle-t-on parfois des «animaux sociaux», aussi parle-t-on de «sociétés animales».

Animaux grégaires et abeilles étaient déjà reconnus par Aristote pour avoir cela de commun avec l'homme, c'est pourquoi: «l'homme est plus politique que n'importe quelle abeille ou tout autre animal grégaire».

(Politique L.I, ch.

2.

1253 a) Il faut souligner ce comparatif: il intègre l'homme dans le genre animal jusques et y compris dans l'activité politique, c'est-à-dire, ici au sens res­ treint: l'activité sociale.

Le social n'est donc pas la différence spécifique de l'homme.

Cette dernière apparaît seulement avec le langage (le «logos» qui signifie aussi « raison »f Cën'èsf pas en-:ë_ffëH'expression vocalisée de la peine et de la douleur qui distingue l'homme de l'ariimal : c_elle-ci est seulerrienf la voix, è'est à dire" üne ufilisation du choc de l'air inspiré èontre la trachée-artère, accompagnée de représentation, faute de quoi il n'y a pas voix mais simple bruit (claquer la langue ou tousser).

Lorsque l'animal souffre, il communique sa souffrance par la voix qui est le signe du plaisir et de la douleur.

Social, vocal, parfois, l'animal ne s'élève pas jusqu'au langage proprement dit.

Humain, le langage est aussi une voix signifiante dont la fonction est autre: fi morifre OU manifèStEf l'utile ·er le nuisible, le juste et l'injuste.

Il y a évidemment un parallèle avec l'expression vocale du plaisir et de la douleur, mais il s'agit seulement d'une analogie (une égalité de rapports): le plaisir n'est pas nécessairement utile ou juste, pas plus que la douleur n'est nuisible ou injuste.

L'animal exprime la douleur _et le plaisir, mais .l'homme signifie pa_L§On logos l'utile et le nuisibie, -l!?JUste ~t l'Jnjuste.

L'homme et l'animal ont en commun la voix, mais seul l'homme a le pri\ii1ège du Îogôs.

· · · ·· · - -- --· ·· -- - · Ç~_-pr_ivil{:ig~ qUi 13~t u_ne singularité (avec la station droite par exemple) n'a de sens que par son· insë-rtion dans la cité ou polis.

L'homme __ n'est pas en effet capabl~_Q~_yiyr_e_sol[taireJ ~é!_ns cité 1 (apQjis),-·ca.Tënce_ças il sëraiCp!Lis-qii'l.ïnhomme (un dieu) ou moins que lui (un-ànir'iial): Pour 1.

Ainsi les Cyclopes auxquels se réfère Aristote: «Ils n'ont ni assemblées où délibérer ni lois religieuses, mais habitent sur les montagnes, au creux des grottes, chacun décrétant sa loi entre ses enfants et ses épouses sans avoir cure des autres».

Odyssée XI-112/115; commentaire d'Aristote, Politique 1., c.

2 1252 b.

40. »

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