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Qu'admire-t-on dans une oeuvre d'art ?

Publié le 27/02/2005

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Il faudra du temps pour que ce jugement soit contesté en dehors même du champ culturel, et autrement que dans les disputes académiques auxquelles se complaisent les instances légitimantes. On restera donc pour le moment dans l'optique de la tradition : cette oeuvre, si le consensus la consacre et la porte à travers l'histoire, c'est qu'elle est exemplairement une oeuvre. On se demandera pourquoi une oeuvre est reconnue comme oeuvre d'art, et parfois même donnée en exemple. Sans doute parce qu'elle a subi victorieusement l'épreuve de la critique : elle satisfait aux normes qui prévalent, et qui constituent les critères de la beauté, car l'idée de beauté est encore une idée normative. Ces règles, ce sont les experts - académiciens, chefs d'école, princes - qui les instaurent du haut de leur fauteuil ou de leur trône. Mais pas arbitrairement : ces experts qui orientent l'opinion du public sont eux-mêmes orientés par elle ; plus exactement, ils sont sensibles au système des valeurs qui règne dans leur société et qui spécifie sa vision du monde, son épistèmè et son éthos, autrement dit son idéologie. Car les valeurs esthétiques s'inscrivent dans un système plus large auquel elles s'accordent, surtout dans les sociétés où l'art est spontanément le moyen d'initier et d'intégrer l'individu à la culture. Il se peut donc qu'on admire une oeuvre d'art car elle a été reconnue comme telle, sans qu'on sache réellement pourquoi on le fait. On admire parce que notre éducation culturelle nous dit d'admirer cette oeuvre en particulier, le reste du discours qu'on porte sur elle ne serait qu'une justification secondaire. Il est difficile de se forger sa propre opinion sur les oeuvres d'art et de savoir pourquoi on l'admire sans entrer dans un discours culturel renseigné.

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« Qui n'a jamais éprouvé au moins une fois dans sa vie, que ce soit dans un musée face à un tableau, lors d'un concert, de la projectiond'un film au cinéma, d'un défilé de haute couture ou de n'importe quelle manifestation culturelle, un sentiment profond de fascination,voire d'admiration ? Certainement personne. On peut alors se demander qu'est-ce qui, dans une œuvre d'art, peut être à l'origine de ce sentiment d'admiration.

Pour tenterd'apporter quelques éléments de réponse à ce problème, nous définirons dans un premier temps le sentiment d'admiration ainsi quel'œuvre d'art ; puis, dans un deuxième mouvement, nous étudierons les différents angles sous lesquels l'appréhension d'une œuvrepeut se faire afin de voir si la naissance du sentiment d'admiration est conditionnée par la réunion de tous ces aspects – autrement ditsi c'est l'intégralité d'une œuvre d'art que nous admirons – ou bien si, au contraire, elle peut être déclenchée par un seul d'entre eux. * * * L'admiration est, comme tous les sentiments, quelque chose de très subjectif : en effet, nous n'admirons pas tous les mêmes choses.C'est donc un sentiment qui fait appel au jugement de chacun ; et puisque lorsque nous admirons quelque chose c'est parce que nousl'apprécions, l'admiration est donc également un sentiment qui fait appel au goût de chacun. N'admire-t-on alors que les choses que nous trouvons belles ? Il semblerait que non : il est tout à fait possible d'admirer une œuvresans la trouver belle mais seulement parce que l'on est conscient de la difficulté qu'a dû causer sa réalisation à son auteur.

Prenonsl'exemple d'une œuvre architecturale : je peux tomber en admiration devant un bâtiment moderne construit de manière très habile àmes yeux, et pourtant d'un style qui ne me plaît absolument pas (à cause des couleurs par exemple).

La beauté peut donc être uncritère à la base du sentiment d'admiration, mais elle n'est pas le seul. L'originalité est un autre de ces critères.

On admire en effet souvent quelque chose qui nous surprend par sa différence avec ce quenous avons l'habitude de voir ou d'entendre.

C'est souvent, également, que l'on ressent de l'admiration pour l'intelligence, l'inventivité,le talent dont l'auteur d'une œuvre a fait preuve lors de sa réalisation, à travers celle-ci.

Nous admirons alors les choses que,techniquement parlant, nous aurions les moyens de faire, et que pourtant nous ne savons pas faire. Le dernier critère important pour la naissance du sentiment d'admiration est, selon moi, l'audace dont l'auteur a fait preuve lors de saréalisation, notamment face aux coutumes, traditions et techniques de son époque.

C'est ainsi que les œuvres de Picasso suscitentaujourd'hui l'admiration chez un certain nombre de personnes : si ses œuvres n'avaient pas été inscrites dans le même contexte, s'iln'avait pas fait preuve de courage et d'audace pour s'éloigner du style de ses contemporains, son nom ne serait peut être pas affichédans tous les musées aujourd'hui !Ce que nous admirons donc souvent à travers une œuvre d'art, ce sont les qualités et le talent de son auteur.

Mais derrière tout celane se cache-t-il pas quelque chose, en l'œuvre d'art elle-même et non en son auteur, que nous admirerions ? * * * Avant même de parler de l'admiration d'une œuvre d'art se pose une question à laquelle il est difficile de répondre : que peut-onqualifier d'œuvre d'art ? Bien que le mot « art » renvoie à certains domaines spécifiques comme la peinture, la musique, le cinéma, lapoésie…, il est difficile de juger du caractère artistique ou non d'une œuvre.Outre ce problème, il importe d'appréhender l'œuvre d'art sous deux, voire trois angles différents pour s'apercevoir que ce n'est pasforcément l'œuvre d'art dans son intégralité que nous admirons. En effet, on pourrait, au premier abord, penser que l'admiration d'une œuvre est possible uniquement grâce à son unicité : lespectateur qui se trouverait dans un musée par exemple, face à un tableau qu'il apprécierait, serait encore plus touché à l'idée desavoir qu'il est face à l'unique version de cette œuvre au monde, ce qui décuplerait son plaisir et ferait même sûrement naître unsentiment d'admiration.

Cependant, il est difficile de croire encore à l'unicité à proprement parler d'une œuvre, vue l'ère de l'industrieculturelle à laquelle nous vivons.

En effet, nombre de reproductions des œuvres les plus célèbres circulent dans le monde entieraujourd'hui.

Et pourtant, l'admiration est toujours un sentiment existant.

L'unicité d'une œuvre d'art n'est donc pas une conditionnécessaire à la naissance de l'admiration chez son spectateur. On peut alors se demander si l'œuvre d'art, envisagée comme simple reproduction ou copie du réel, pourrait susciter l'admiration.Autrement dit, admirerions-nous une œuvre (un tableau par exemple) uniquement parce qu'elle serait une parfaite copie du réel ? Celaparaît peu probable : comment pourrions-nous alors nous émerveiller face au portrait de quelqu'un que nous n'avons jamais connu ? Tout ceci nous pousse donc à croire que c'est le dernier aspect d'une œuvre d'art que l'on admire : la capacité qu'elle a à nous toucher,à nous émouvoir.

Une œuvre d'art n'est en effet pas uniquement une copie du réel : l'auteur, lors de sa réalisation, y transpose sesétats d'âme.

C'est ainsi qu'une œuvre vit et parvient à transporter le spectateur dans un autre monde.

Le peintre, par exemple,utilisera des teintes sombres pour exprimer la souffrance, des teintes vives pour la gaieté.

Le compositeur, lui, jouera sur les tempi enétablissant des contrastes entre les mouvements « adagi », plutôt mélancoliques, et les « allegretti », joyeux. * * * Ce que l'on admire dans une œuvre d'art, c'est donc autant le talent et les qualités de son auteur, que l'évasion hors du monde réel quinous est possible à son contact grâce à la transposition que l'auteur a faite, consciemment ou inconsciemment, des sentiments qu'iléprouvait lors de sa réalisation.. »

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