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Qu'appelle-t-on la liberté d'indifférence ? L'influence des motifs sur la volonté est-elle une objection valable contre la liberté humaine ?

Publié le 03/06/2011

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Introduction. — Le fatalisme faisait le fond des religions de l'antiquité et s'imposait aux dieux comme aux hommes; Jupiter lui-même était soumis à ses décrets, et personne ne pouvait se dérober à ses arrêts; nous en avons le plus terrible exemple dans la légende du malheureux Oedipe. Dans les temps modernes, la prédestination, dont Luther et Calvin font une espèce de dogme et que Port-Royal semble accepter, éveille encore dans l'esprit l'idée de fatalité. Le fatalisme se retrouve aussi dans la religion de Mahomet et sert d'explication à cette immobilité à laquelle sont condamnées toutes les sociétés qui ont le Coran pour loi civile et religieuse. Certains systèmes aboutissent aussi directement ou indirectement à la négation de la liberté. Le matérialisme, qui n'admet pas d'autre réalité que la matière, conduit, qu'il le veuille ou non, au fatalisme, puisque dans la matière tout est soumis à des lois fatales.

« Qu'appelle-t-on la liberté d'indifférence ? L'influence des motifs sur la volonté est-elle une objection valable contre la liberté humaine ? Introduction.

— Le fatalisme faisait le fond des religions de l'antiquité et s'imposait aux dieux comme aux hommes; Jupiter lui-même était soumis à sesdécrets, et personne ne pouvait se dérober à ses arrêts; nous en avons le plus terrible exemple dans la légende du malheureux OEdipe.

Dans les tempsmodernes, la prédestination, dont Luther et Calvin font une espèce de dogme et que Port-Royal semble accepter, éveille encore dans l'esprit l'idée defatalité.

Le fatalisme se retrouve aussi dans la religion de Mahomet et sert d'explication à cette immobilité à laquelle sont condamnées toutes les sociétésqui ont le Coran pour loi civile et religieuse.

Certains systèmes aboutissent aussi directement ou indirectement à la négation de la liberté.

Le matérialisme,qui n'admet pas d'autre réalité que la matière, conduit, qu'il le veuille ou non, au fatalisme, puisque dans la matière tout est soumis à des lois fatales.

Lepanthéisme, qui dit que la divinité avec laquelle le monde se confond se développe d'après des lois nécessaires, aboutit également à la négation de laliberté, et Spinoza en a fait l'aveu.

On a dit encore que l'influence du tempérament sur notre activité est telle que quelquefois la liberté disparaît ; il en est de même pour l'influence du milieu dans lequel nous vivons.

Mais la forme la plus sérieuse du fatalisme est le déterminismeou fatalisme psychologique.

Suivant le déterminisme, nous n'agissons jamais sans motif; toutes les fois que nousagissons, nous constatons l'influence antérieure d'un motif ; or, en général, quand deux phénomènes se suiventinvariablement, l'un, l'antécédent, est regardé comme la cause, l'autre, le conséquent, est regardé comme l'effet; ledéterminisme en conclut que le principe de nos déterminations est, non dans la volonté, mais dans le motif; la volontéserait comme une balance obéissant au motif le plus fort.

Ainsi, de ce que les motifs agissent sur la détermination, ledéterminisme en tire cette conséquence qu'ils la produisent; par conséquent l'initiative de nos actes n'émanerait pas denotre énergie propre, ils seraient le produit d'une force qui s'imposerait à nous. Proposition.

— A ce système si dangereux pas ses conséquences on a opposé une doctrine appelée la libertéd'indifférence; quelle en est la valeur? et si le déterminisme n'est pas réfuté par cette doctrine, faut-il abdiquer devantlui et reconnaître que l'influence des motifs anéantit la liberté humaine? Première partie.

— Pendant que le déterminisme prétend que nous n'agissons jamais sans motif, la doctrine de la libertéd'indifférence soutient que nous avons le pouvoir de nous décider sans raison, sans motif; elle contesterait donc, audéterminisme son point de départ; mais cette réfutation est peu décisive.En effet, les actes que cette doctrine énumère pour prouver que nous agissons quelquefois en pleine indifférence ne sontque des actes insignifiants et qui la plupart du temps ne sont que le résultat d'un mouvement machinal ; c'est mouvoirsa main à droite ou à gauche, partir du pied droit plutôt que du pied gauche, etc.

S'il était bien démontré que pour cesmouvements aucun motif n'agit sur nous, cette indifférence porterait seulement sur des actions insignifiantes, elle s'appliquerait au plus bas degré de laliberté, à une vie pour ainsi dire instinctive; or, la vie morale est tout entière au-dessus de cette activité spontanée et presque aveugle. En outre, beaucoup d'actes que nous paraissons produire sans motif sont le résultat de résolutions antérieures arrêtes une fois pour toutes, et qui ont étéprécédées de délibérations où il est toujours facile de constater la présence et l'influence d'un motif; c'est le résultat d'une habitude, et l'habitude estengendrée par la volonté ainsi que par l'intelligence qui a tenu compte de certains motifs pour nous faire contracter cette habitude.Le déterminisme n'est donc pas réfuté par cette doctrine. Seconde partie.

— Il faut admettre avec le déterminisme que la volonté ne se détermine pas sans motif, car agir sans motif serait agir sans raison, ce neserait pas la liberté.

Mais en accordant au déterminisme son point de départ, à savoir que nous ne nous déterminons jamais sans motif, nous lui contestonsla conséquence qu'il veut tirer de ce principe, à savoir que la force qui nous détermine est, non pas en nous-mêmes, mais dans le motif.En effet, les motifs sollicitent la volonté, mais ne la contraignent pas.

Nous n'avons ici qu'à faire appel à la conscience de chacun de nous; nous n'avonsqu'à nous demander si nous nous sentons contraints malgré nous à prendre -telle résolution quand des motifs agissent sur nous ; la conscience répondsans hésiter que, tout puissants que soient ces motifs, nous pouvons leur résister, et la preuve en est que tantôt nous nous reprochons nos résolutions, quetantôt nous nous en applaudissons, ce qui suppose que la détermination est en nous et non hors de nous.En outre, si la cause des déterminations était dans les motifs, ceux-ci auraient une valeur propre, intrinsèque, et par conséquent invariable.

Or, les motifsvarient d'homme à homme : Harpagon n'est guidé dans sa vie que par le soin de ses intérêts, Louis XIV songe avant tout à sa gloire, saint Vincent de Paulse demande toujours avec inquiétude s'il a bien rempli tous ses devoirs; chacun de ces personnages obéit à l'un ou à l'autre de ces trois motifs.

Les motifsvarient encore dans le même homme : tel négociant qui semble n'avoir pas d'autre préoccupation que d'augmenter sa fortune est capable, à certainsmoments, de sacrifier une partie de cette fortune, quelquefois cette fortune entière, à la famille, à la patrie.

Les motifs n'ont donc pas une valeur propre,puisque leur force est essentiellement variable; c'est notre adhésion libre qui fait leur force.Quand le déterminisme dit que, si plusieurs motifs agissent sur nous, c'est le motif le plus fort qui l'emporte, cette expression, motif le plus fort, n'a pas desens.

En effet, on peut bien comparer entre eux deux plaisirs, deux choses utiles, deux devoirs; mais on ne peut pas comparer un plaisir et un devoir, unplaisir et un intérêt, parce que ces motifs étant d'ordre différent, on ne peut trouver entre eux une commune mesure qui permette de les comparer et dedéclarer l'un d'eux plus fort que les autres.Enfin, le déterminisme dit encore que les motifs agissent sur l'âme comme des poids sur les bassins d'une balance.

On peut répondre d'abord que, s'il enétait ainsi, l'âme courrait parfois le risque de rester en suspens entre deux forces égales, comme l'âne de Buridan entre deux mesures d'avoine égalementdistantes.

En outre, les poids d'une balance ont entre eux un rapport constant et déterminé, si bien que, les poids étant connus, on peut, sans le secoursd'une balance, dire avec certitude et d'avance quel est celui qui l'emportera.

Il n'en est pas de même pour le rapport des motifs entre eux; leur force varieselon les dispositions morales de l'agent.

On peut bien présumer que tel ou tel individu, se trouvant dans telle ou telle situation, écoutera tel motif plutôtque tel autre; mais les présomptions peuvent être et sont à chaque instant démenties par des déterminations imprévues, l'homme restant toujours libred'agir d'une façon conforme ou contraire à ses intérêts, à son honneur, à son devoir. Conclusion.

— A insi, bien que la doctrine de la liberté d'indifférence soit impuissante contre le déterminisme, celui-ci n'a pas pour cela cause gagnée, etl'influence des motifs sur la volonté n'est pas une objection valable contre la liberté humaine; cette liberté et la responsabilité qui l'accompagne n'ont rien àredouter de ce système.. »

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