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Que nous conseille l'opinion quant à la conduite à tenir vis-à-vis du désir ?

Publié le 09/01/2012

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La postmodernité flatte la recherche du plaisir. "Vivre ses désirs" est une formule publicitaire assez banale. Nos mœurs n'ont pas une forme répressive, ils sont plutôt très largement laxistes. Nous partageons l'opinion selon laquelle le bonheur, c'est la satisfaction de tous les désirs. La libération sexuelle a enseigné qu'il ne fallait surtout pas réprimer le désir, exprimer ses désirs et se borner à les suivre. Celui qui voudrait réprimer ses désirs serait vu en notre monde comme une sorte d'exception étrange à une règle commune qui enseigne tout le contraire. Pourtant, de loin en loin nous faisons aussi l'expérience de ce que la multiplication des désirs engendre aussi l'insatisfaction, le dégoût et l'ennui. " Plus le désir avance, plus la possession véritable s'éloigne ". Fatigués de désirer en restant mécontents, nous serions presque en désespoir de cause tentés de dire avec Proust : " si le bonheur ou du moins l'absence de souffrance peut être trouvé, ce n'est pas dans la satisfaction, mais dans la réduction, l'extinction progressive finale du désir qu'il faut chercher ". L'ascétisme serait alors la véritable morale du désir. (texte) La question est donc : le bonheur est-il dans la réalisation ou dans la suppression des désirs ?

« est la même chose que la satisfaction des désirs ; c'est l'état béat de contentement de celui qui a enfin pu obtenir ce qu'il cherchait,l'objet de ses désirs.

L'homme heureux est celui qui après une lutte âpre pour parvenir à la satisfaction, gagne ce sommet où,entouré de tous les attributs du luxe, il peut enfin s'effondrer sur un canapé et dire ouf ! J'ai enfin réalisé tous mes désirs ! Queserions-nous en effet sans la poursuite incessante des désirs? Rousseau dit en ce sens : " l'homme qui n'a rien à désirer est à coupsûr plus malheureux que celui qui souffre ".1) Partons de là.

Si vivre, c'est seulement désirer, ne plus désirer, c'est ne plus vivre.

C'est là une expérience très humaine.

Ledésir est humain (texte).

Il est même l'essence de l'homme explique Spinoza.

La violence du désir peut inquiéter, mais une moralequi chercherait à supprimer le désir ressemble à une sorte de suicide.

Si vivre c'est désirer, cesser de désirer c'est en quelquesorte mourir.

Nier le désir, ce serait en même temps nier notre affirmation, notre volonté d'être.

Il est même impossible de vouloirsupprimer le désir.

Ce serait être confronté avec une contradiction insoluble : désirer ne pas avoir de désir ! (texte)Nous n'éprouvons pas de difficulté à justifier notre perpétuelle quête de satisfaction dans nos désirs.

Seulement, il y a ceux quiosent désirer et ceux qui n'y parviennent pas et n'ont d'autre solution que de se restreindre.

Pensé sous la forme d'une alternative,cela revient à distinguer les forts qui satisfont leurs désirs et les faibles qui sont incapables de les satisfaire.

La répression du désirparaît tellement contre-nature qu'elle ne peut-être que le fait d'un esprit faible.

Il faut être timoré, timide, contraint, inhibé pouravoir ainsi tellement peur de ses désirs qu'on ne trouve d'échappatoire que dans leur mortification.

Le faible renie ses désirs etadopte une conduite d'impuissance qui le voue au ressentiment et à l'insatisfaction.

Le fort libère ses désirs, leur donne libre courset les mène à la satisfaction.

C'est ainsi que Balzac présente dans La Comédie humaine l'homme de génie : " Il désirait comme unpoète imagine, comme un savant calcule, comme un peintre crayonne, comme un musicien formule des mélodies...

Il s'élançaitavec une violence inouïe, et par la pensée, vers la chose souhaitée, il dévorait le temps.

En rêvant l'accomplissement de ses ---------------projets, il supprimait toujours les moyens d'exécution".

Le cinéma et la littérature contemporaine célèbrent cette fébrilité,cette exaltation du désir.

Désirer, pour nous autres, hommes de la postmodernité, implique de vivre pleinement ses désirs, c'estêtre déjà là où on le désire, être ce que l'on a désiré et rien d‘autre.

Chez Balzac, c'est faire coïncider la volonté, le désir etle monde : une foudroyante possession de l'univers : la volonté de puissance à l'œuvre.

Le désir est l'ardeur de l'âme forte,c'est la substance même du héros.

De ce héros du désir, Balzac écrit :" Dès son enfance, il avait manifesté la plus grande ardeur en toutes choses.

Chez lui, le désir devient une force supérieure et lemodèle de tout l'être ".

Celui là qui manque d'ardeur à coup sûr est encore faible.

Celui qui jouit avec volupté de sa proprepuissance est fort et conquérant.S'il faut formuler une morale du désir, celle-ci ne peut pas nier la nature du désir, mais doit s'accorder avec lui.

Si sur la pente dudésir se dresse l'obstacle d'une morale répressive avec l'ensemble de ses règles, il faut avoir assez de force, d'audace et d'orgueilpour être capable de la renverser.

Rejeter toute morale et désirer sans frein, sans limite, voilà ce qui fera une nouvelle morale !Lisons Gide à ce propos : " Il fallait pour un temps, accepter le rejet de toute morale et ne résister plus aux désirs.

Eux seulsétaient capables de m'instruire.

J'y cédais ".

Quelle est la meilleure règle à suivre? Celle qui vous conseille d'aller contre la morale,de placer l'épanouissement du vital au-dessus des règles morales !2) Dans le Gorgias de Platon, Calliclès, (texte) l'homme-vital par excellence, n'a pas d'hésitation : " Voici ce qui est beau et justesuivant la nature je te le dis en toute franchise, c'est que, pour bien vivre, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissementpossible, au lieu de les réprimer, et, quand elles ont atteint toute leur force, être capable de leur donner satisfaction par soncourage et son intelligence et de remplir tous les désirs à mesure qu'ils éclosent ".

Qu'aimons-nous dans le cinéma si ce n'est cettereprésentation d'êtres humains qui osent vivre leurs fantasmes sans les limiter ? Pouvoir aimer (contre la morale sociale), pouvoirgagner de l'argent (contre les convention sociales habituelles), pouvoir tuer (contre l'interdit moral), dans une sorte d'apothéosedes images et de force nous fascine.

Les feuilletons télévisés mettent en image cette extase multiforme du désir.

On y voit cettelibération virtuelle frénétique des désirs que nous autres, en tant qu'individus réels, nous ne pourrons jamais réaliser : une star quilibère sa sexualité contre la morale sociale, le héros qui libère le désir de vengeance contre une pléiade de " méchants " liquidésavec force grenades et mitrailleuses, façon Rambo ou Terminator, des filles qui flirtent pour être objets de désirs etc.

Commentne pas penser que notre fascination devant l'écran n'est pas en même temps une connivence tacite avec la doctrine affichée parCalliclès ?Où serait Calliclès s'il venait à s'incarner dans notre monde ? Dans la politique ? La finance ? Les affaires ? Le show business ? Ilserait à coup sûr très à l'aise dans notre époque.

Elle est taillée à sa mesure.

Il retrouverait dans les tendances postmodernesl'écho de son propre cynisme de la force.

Comment pourrions-nous reconnaître " cette prétendue beauté de la justice et de latempérance ", quand, dans notre for intérieur nous pensons : " je veux faire ce que je veux, et surtout ne rendre de comptes àpersonne.

Tempérer mes désirs ? Ce serait les frustrer ! Que l'on ne me parle pas de morale, ce sont encore des restrictions quel'on voudrait m'imposer !".

Que dit Calliclès à ce propos ? " La vérité que tu prétends chercher Socrate la voici : le luxe,l'incontinence et la liberté, quand ils sont soutenus par la force constituent la vertu et le bonheur ; le reste, toutes ces belles idées,ces conventions contraires à la nature, ne sont que niaiseries et néant ".

Traduisons : quand on en a les moyens, (le pouvoir etl'argent), on satisfait ses désirs, et on se moque de la morale et de la justice.

La morale et la justice ? Inventions des faibles pourse protéger des forts pense Calliclès.

Dans la nature, il n'y a ni justice ni morale humaine, ce qui règne, c'est la vraie loi, c'est la loi. »

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