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Quel enseignement peut-on recevoir de l'expérience ?

Publié le 27/02/2005

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Puis sa découverte et son expérience sensible du monde extérieur lui permettront une ascension progressive vers la connaissance. En effet, comment un pur esprit, coupé de toutes données sensibles, pourrait-il apprendre quoi que ce soit de nouveau ? C'est seulement grâce à nos sens que nous avons un contact avec le monde qui nous entoure et en acquérons une certaine expérience. C'est donc l'expérience qui nous instruit de ce qui nous environne, et sans elle cet enseignement ne serait possible. De là vient le principe de l'empirisme, qui pose l'expérience sensible comme le fondement de toute connaissance. Le empiristes se fondent en effet sur la thèse d'ARISTOTE, qui prétendait qu' «il n'y a rien dans l'entendement qui ne soit d'abord passé par les sens « pour réfuter celle de DESCARTES, qui pensait lui, que l'homme possédait des idées innées, c'est-à-dire déposées en nous par Dieu. Selon la thèse empiriste, l'esprit à la naissance serait, selon une image à nouveau empruntée à ARISTOTE, comme une « tabula rasa «, c'est-à-dire une tablette de cire vierge ; et qui serait ensuite « imprimée « de connaissances grâce à l'expérience et par l'intermédiaire des sens. On peut donc arriver à la conclusion que c'est sur notre expérience sensible que repose tout enseignement.         Notre instruction proviendrait ainsi de tout ce que l'on appelle les « leçons de vie «. L'expérience entendue maintenant au sens pratique, de savoir-faire, serait également source de sagesse.

Quel enseignement recevons-nous de l'expérience? On peut s'étonner d'une telle question, car le fait même de se demander si l'expérience est susceptible de nous « enseigner « présuppose qu'elle entretient déjà avec l'enseignement un rapport problématique : l'expérience ne serait donc peut-être pas à même de nous enseigner un certain savoir.

 

Mais la réponse à la question dépend d'abord de la définition de ses termes : qu'es ce que l'expérience ? On peut d'ores et déjà répondre qu'il existe plusieurs formes d'expérience. En effet, dans l'acceptation scientifique et philosophique, l'expérience du latin experentia : éprouver, faire l'essai- est le fait de mettre une hypothèse ou une théorie à l'épreuve des faits. Dans son sens courant, ce terme intervient par exemple dans l'expression « homme d'expérience «, c'est-à-dire « homme ayant appris à l'expérience de la vie «. Dans le champ scientifique, son rôle est défini par la méthode expérimentale : l'expérience devient alors expérimentation. Elle vérifie la valeur d'une hypothèse en al confrontant aux faits. Mais on distingue classiquement en philosophie deux sens du concept d'expérience : soit les données ou impressions sensibles, que la raison élabore dans ses constructions théoriques et qui sont comme la matière première de notre connaissance ; soit l'expérience elle-même conçue comme résultat, c'est-à-dire d'après KANT comme « mise en forme du donné sensible par les principes à priori de l'esprit «. Pour répondre à notre question, il faudra donc nous interroger sur ce qui différencie ces diverses formes d'expérience. Nous nous demanderons alors ce qui est susceptible, dans ces différents degrés d'expérience, de nous apporter un quelconque enseignement. Nous devrons donc également nous interroger sur la notion d'enseignement, qui peut être entendue en plusieurs sens : d'abord, elle peut désigner l'action, l'art d'enseigner, de transmettre des connaissances, des informations sur le réel ; ensuite, ce qui nous fait acquérir certains savoir-faire, tel qu'apprendre à jouer d'un instrument de musique, apprendre à nager,... Enfin, elle peut renvoyer à l'acquisition de connaissances, de savoirs, mais cette fois-ci fondés « véritablement « sur le réel, comme la science. Il semble donc bien que les deux notions présentes, expérience et enseignement, soient liées et ne même temps s'opposent. L'expérience est en effet l'occasion de connaissance, mais elle est singulière et changeante. A l'opposé, l'enseignement est l'instruction de connaissances basées sur la science, et ayant pour but la vérité universelle. Alors, l'expérience est-elle réellement instructive, source de connaissance, ou bien est-elle au contraire source d'erreur ? Et si la réponse à la question se révèle être positive quel enseignement est susceptible de m'apporter chacun de ses différents niveaux ?

 

« exemple remplacer l'expérience quotidienne du médecin.

Ce n'est pas de manière théorique qu'il acquiert son savoir-faire : l'expérience ou la pratique, la répétition dont résulte l'habitude propre à celui qui est compétent estirremplaçable.

Seule la connaissance de cas concrets peut lui enseigner la capacité d'appliquer avec sagesse desprincipes généraux.

Contrairement au théoricien qui ignore la particularité des concrets, celui qui a de l'expériencesaura adapter les idées générales, théoriques, aux cas particuliers.

L'expérience nous enseigne donc notre métier,mais c'est aussi grâce à elle que l'on apprend à vivre.

Elle permet en effet d'éviter de répéter les erreurs du passé,elle nous donne des leçons.

Vivre une expérience, quelle qu'elle soit, est toujours enrichissante et nous permet denous « construire ».

Combien plus riches nous paraissent les voyageurs et les aventuriers,, ceux qui ont « beaucoupvécu », parce qu'ils ont une expérience plus vaste et plus diverse que la nôtre.

L'expérience est donc uneconnaissance concrète qui nous semble supérieure à la théorie, apprise dans les livres, parce qu'il s'agit d'un savoirdirect.

L'expérience entendue comme répétition de mêmes actes, est donc tout à fait susceptible de nous enseignerune certaine « connaissance de la vie ».

Elle nous apporte un enseignement que l'on ne peut savoir d'avance, maisseulement par l'usage.

Elle est donc indispensable et doit nécessairement compléter l'éducation qui, sans elle,resterait abstraite.

Pourtant, il est remarquable que le sens commun attribue une grande valeur à cette acquisitionpassive, souvent répétitive et routinière.

Nous avons donc vu que l'expérience instruit, mais encore qu'il est nécessaire, voire indispensable de passer parelle, que ce soit simplement pour acquérir un savoir-faire, mais aussi pour actualiser, appliquer un savoir théorique.Pourtant, avoir de l'expérience, cela suffit-il pour être instruit ? Certes, l'expérience, ici entendue comme contactimmédiat avec le réel, est à l'origine de nos connaissances, mais suffit-elle à rendre compte entièrement de celles-ci? Elle nous instruit, assurément, mais à quelles conditions ? En effet, d'après la thèse que nous enseignent lesempiristes, l'expérience sensible est à l'origine de toutes nos connaissances.

Mais, si leur thèse était cohérente, ilfaudrait qu'il soit possible de reconstituer tout notre savoir à partir de l'expérience seule.

Cependant, la sensibiliténous donne les notions les plus importantes des objets, mais elle ne nous dit jamais le « pourquoi » de la chose.Ainsi, la sensation ne nous explique jamais pourquoi le feu est chaud, elle nous informe simplement qu'il nous brûle.On peut se demander également si dans la constatation sensible d'un fait, l'expérience que l'on croît avoir n'est-ellepas en réalité construite par le sujet qui observe ce fait ? En effet l'expérience sensible, immédiate, est construitepar la langue, le passé du sujet, car tous ces éléments impliquant une certaine conception du monde ne reflètentpas forcément la réalité de celui-ci, la Vérité.

L'expérience n'apparaît donc pas à elle-même comme une activité, elleest spontanéité du sujet.

L'image ou la forme sensible d'un objet ne renvoie qu'à elle-même c'est-à-dire à une visiondonnée par l'affectivité, les croyances, les habitudes, les connotations des mots, qui produisent un monde tel que jesuis et non tel qu'il est.

L'expérience sensible varie donc en fonction du sujet ; en ce sens elle ne nous enseigne pasla réalité, mais que l'illusion et le préjugé.

Il faudrait donc toujours corriger nos impressions immédiates, ce quisignifie que l'expérience immédiate ne nous instruit pas, et peut même se révéler être une source d'erreur.

On peut également douter que l'expérience, cette fois-ci en tant qu'expérience morale, puisse être un véritablesavoir et par conséquent qu'elle soit si instructive que le croit l'opinion commune quand elle loue l'hommed'expérience.

En effet, plusieurs objections peuvent discréditer l'expérience morale en tant qu'enseignementvéritable de la vie : tout d'abord, l'homme d'expérience ne connaît pas le « pourquoi », la cause des choses qu'il aacquises avec l'expérience.

De plus, son savoir concerne uniquement des situations, des circonstances particulières,individuelles.

Or, de sa connaissance de cas particuliers, il ne peut déduire d'énoncés universels.

La premièreobjection consiste en effet à dire que l'expérience, loin d'être une véritable connaissance, n'est en fait qu'unehabitude : elle ne nous apprend qu'à reproduire machinalement ce que nous avons déjà fait plusieurs fois.

Enconséquence, elle peut, loin de nous instruire, nous tromper, nous induire en erreur.

Reprenons par exemplel'expérience du médecin : il peut croire que tel patient est atteint du même mal que le précédent parce qu'ilprésente les mêmes symptômes ; pourtant le mal dont il souffre peut être différent.

Ici l'habitude l'induit en erreurcar il ne cherche pas la cause véritable des choses mais se fie uniquement à tort à ses acquis.

La secondeobjection remet en question tout enseignement qui prétendait être fondé sur l'expérience : elle critique icil'induction.

Ce qui ne fait pas de l'expérience un réel savoir est le fait qu'elle ne soit qu'une connaissance de chosesparticulières.

On ne peut donc tirer d'enseignement réel de l'expérience elle-même, puisque rien ne prouve que cequi est valable pour un cas individuel l'est pour tous, malgré leur possible ressemblance.

HEGEL lui-même affirmequ'on ne peut tirer de leçons de l'Histoire, les événements ne se répétant jamais, n'étant jamais exactement lesmêmes.

L'expérience, loin de nous instruire un quelconque enseignement, semble donc être source d'erreur.

Rien neparaît permettre à l'expérience de nous enseigner quoi que ce soit : elle nous dit bien que quelque chose est, maiselle ne nous en donne pas la raison.

Il ne suffit donc pas d'avoir de l'expérience pour être instruit.

L'expérience en elle-même n'est donc pas susceptible de nous instruire réellement.

Et si nos connaissancesnous sont certes enseignées par l'expérience, elles n'en dérivent pas toutes : pour KANT, il faudra quel'entendement intervienne pour exploiter cette expérience « brute » afin qu'elle devienne réellement un savoir.

C'estdonc en quelque sorte l'esprit lui-même, qui, avec un savoir antérieur à l'expérience, pourra « instruire » cetteexpérience.

Finalement, loin d'être l'origine de tout savoir, peut-être est-ce plutôt à l'égard de notre savoir quel'expérience est instructive ? Dans le début de la « Première introduction » à la Critique de la Raison Pure, KANTmontre tout d'abord que l'expérience est bien « le premier produit que notre entendement obtient en élaborant lamatière brute des sensations » et que c'est ce qui fait d'elle l'enseignement premier et inépuisable en instructions. »

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