Quel ensemble de qualités constituent à vos yeux le bon sens ?

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Le bon sens est fait essentiellement de qualités intellectuelles, mais des qualités morales le conditionnent.

A.

Qualités intellectuelles.

- a) Du point de vue intellectuel le hon sens comporte d'abord réalisme et objectivité : quand des rêveurs ou des théoriciens se perdent dans le monde qu'ils bâtissent au milieu des nuages, c'est l'homme de bon sens qui ramène au réel.

b) Ce réel, le bon sens le voit dans son ensemble, à un pouvoir de vue synthétique qui fait sa principale force : " Le « bon sens " consiste à ne laisser point éblouir par un sentiment ou une idée, si excellents puissent-ils être, jusqu'à perdre de vue tout le reste " (GmE, Journal, p.

&î3).

L'esprit faux, de son point de vue, porte des jugements justes; son tort n'est que dans la partialité de ses vues.

Au contraire si ] 'homme de bon sens apprécie sagement les situations complexes, c'est que des données du problème il ne néglige rien d'important et ne s'embarrasse de rien d'accessoire.

c) Mais pour que cette vue synthétique provoque ce sentiment parti­ culier du possible et du convenable qui constitue le hon sens, il faut un don particulier d'intuition.

L'homme de bon sens sait se mettre à la place des autres et même, d'une certaine manière, des choses : par une sorte de mystérieuse sympathie, il expérimente les hypothèses envisagées, observe les conséquences qui s'ensuivront, les réactions provoquées.

B.

Conditions morales.

- On a dit que l'esprit scientifique est surtout lait de qualités morales.

J..a même observation, vaudrait de cette forme vulgaire de l'esprit scientifique qu'est le bon sens : « c'est une qualité du caractère plutôt que de l'esprit )) (f), il présuppose de solides vertus.

a) Le bon sens suppose la maîtrise de soi sans laquelle on tomhe dans 1a précipitation et dans la prévention, portant des jugements avant un sérieux examen des questions.

b) Celui qui juge aveo bon sens est parvenu à un profond détachement de ses propres intérêts dont le trop grand souci fausse la vue du réel.

En partieulier il ignore ou a surmonté le prurit de se faire remarquer, la peur des critiques et l'ambition de devenir célèbre : c'est par désir de briller que beaucoup d'hommes d'esprit s'écartent des voies du hon sens; à l'opposé c'est la cnd•tc des oppositions qui emprisonne dans les sentiers du sens commun des penseurs timides qui auraient pu être originaux s'ils avaient accepté de déplaire; les paranoïaques enfü1, chez qui fo manque de bon sens atteint la folie, ne sont anormaux que par un excès de fatuité.

ci Il semble bien aussi que le bon sens est lié à la bonté.

En effet, pour voir clair dans les affaires humaines qui constituent le domaine propre du bon sens, il faut comprendre les hommes et on ne les comprend pas sans sympathie.

(1) VAUVENARGUES, Introduction à la connaissance ·de l'tsprit humain, livre Jer, § 7.. »