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Quelle est pour la pensée la méthode idéale et jusqu'à quel point lui est-il possible de l'utiliser ?

Publié le 04/03/2011

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   I. — Si la pensée a constitué les diverses sciences, c'est dans le but d'arriver à l'explication des choses. Pour atteindre cette fin, elle ne dispose que de deux méthodes générales : ou bien elle s'installe d'emblée dans le principe, la cause, la loi, le simple et elle construit la conséquence, l'effet, détermine la nature du phénomène et crée pour ainsi dire le complexe ; ou bien elle part de la conséquence, de l'effet, du phénomène, du complexe et elle s'efforce alors de remonter au principe, à la cause, à la loi, à l'élément simple. Dans le premier cas, elle procède par synthèse, dans l'autre par analyse. Il n'est pas sans intérêt de chercher quel est de ces deux procédés celui qui pour elle représente la démarche idéale, celle qui répond le mieux à ses exigences, surtout d'examiner dans quelle mesure il lui est possible de l'utiliser.

« causes la pensée est capable de déduire logiquement toute une diversité d'effets.

Comment alors opérer entre euxla sélection nécessaire et déterminer ceux qui sont vraiment réalisés ? Descartes lui-même pour qui la synthèsereprésentait la vraie méthode reconnaissait la nécessité de recourir à l'analyse : c'est à elle que, d'après lui, ilappartenait de poser les problèmes par la constatation des divers ordres de choses à expliquer, comme aussi devérifier les solutions et de s'assurer qu'elles s'ajustaient à la réalité, c'est-à-dire de voir si les effets déduits étaientbien les effets produits. VI.

— Pourtant ce serait une erreur de croire que même dans le domaine des choses concrètes la pensée renoncedéfinitivement à la synthèse.

Non seulement elle doit à chaque instant la faire intervenir, mais encore elle cherche àlui donner une place de plus en plus large.

Sans doute c'est à l'analyse qu'elle est obligée de demander ladécouverte des lois ; mais celles-ci ne sont d'abord et ne peuvent être que des hypothèses et la preuve de laréalité de ces dernières ne peut être faite que parce que leurs conséquences établies déductivement ont reçu laconsécration des faits ; c'est cette démarche qui constitue le raisonnement expérimental et elle représente unevéritable synthèse.

Si le mathématicien détermine la conséquence par le principe posé tout d'abord, le physiciendétermine par les conséquences le principe qu'il a dû commencer par supposer ; mais en définitive tous deux opèrentde la même manière.

Il y a plus : toute loi découverte par la voie de l'analyse renferme quelque chose d'obscur ; ellene constitue en quelque sorte qu'une vérité négative ; certes l'esprit sait bien qu'elle est parce qu'il a la preuve qued'autres ne sont pas ; mais il ignore encore pourquoi elle est ; elle reste inintelligible ; si elle explique le fait, elle-même n'est pas expliquée ; elle ne le sera que quand l'esprit aura pu la rattacher à une ou plusieurs lois plusgénérales déjà établies dont elle sera alors considérée comme une conséquence ; induite, elle sera déduite; «d'empirique » elle deviendra « dérivée ».

C'est ainsi que poussée par ses exigences constitutives, la pensée tend deplus en plus à remplacer l'analyse par la synthèse.

On peut dire que le progrès dans les sciences concrètes semesure à la place de plus en plus large que cette dernière démarche arrive à y occuper.

L'idéal de l'intelligenceserait de pouvoir, par une réduction toujours plus complète des lois plus complexes à des lois plus simples, parvenirà une loi universelle dont toutes les autres pourraient alors se déduira et qui constituerait ainsi leur explicationintégrale.

Sans doute, pour être ainsi rattachées à d'autres, les lois doivent d'abord être demandées à l'analyse ;c'est encore l'analyse seule qui est capable de fournir à l'intelligence celles qu'elle charge de rendre compte decelles qu'elle vient d'établir ; même la loi unique — si tant est qu'elle existe — à laquelle aspire la pensée ne pourraêtre que le dernier terme de la même démarche, de sorte qu'en définitive, expliquant toutes les autres, elle-mêmene pourrait plus être expliquée et resterait comme une donnée brute, il n'en est pas moins vrai que cette tendancede la science à se passer de l'analyse pour y substituer la synthèse ne saurait être contestée et qu'elle est commel'âme inspiratrice de ses progrès. VII.

— On le voit : la méthode la plus conforme aux aspirations de l'intelligence, c'est sans contredit la synthèse ;mais son usage exclusif demeure pour elle un idéal qu'elle est impuissante à réaliser dans son intégralité.

Sans doutecertaines sciences comme les mathématiques ont de plus en plus perdu le caractère analytique, expérimentalqu'elles avaient tout d'abord et ont revêtu une forme de plus en plus synthétique ; toutefois même aujourd'hui ellesdoivent encore recourir à l'analyse pour obtenir la preuve des intuitions de la pensée.

Sans doute aussi dans lessciences plus spécialement analytiques le rôle joué par la synthèse se fait de plus en plus considérable ; mais c'està la condition que l'analyse ait au préalable fourni les données nécessaires ; même dans les cas les plusparticulièrement intéressants où par la première démarche la pensée se donne le pressentiment de certaines lois etanticipe sur l'expérience, l'analyse reste indispensable pour distinguer le réel du pur possible.

Tout ceci revient à direque l'analyse et la synthèse considérées dans leur pureté restent comme deux limites qui ne sont jamais atteintes,qu'elles constituent moins deux méthodes autonomes, s'exerçant chacune à part que les deux moments d'une mêmeméthode dans laquelle elles s'enveloppent, se pénètrent intimement l'une l'autre pour cette raison que l'intelligenceest profondément une et ne se divise pas.. »

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