Devoir de Philosophie

Quelle valeur accorder à l'au-delà des mots et du langage ?

Publié le 28/08/2004

Extrait du document

langage

Il prescrit ou il décrit. Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate; dans le second, c'est le signalement de la chose ou de quelqu'une de ses propriétés, en vue de l'action future. Mais, dans un cas comme dans l'autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale. Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain. Les propriétés qu'il signale sont des appels de la chose à une activité humaine. Le mot sera donc le même, comme nous le disions, quand la démarche suggérée sera la même, et notre esprit attribuera à des choses diverses la même propriété, se les représentera, les groupera enfin sous la même idée, partout où la suggestion du même parti à tirer, de la même action à faire, suscitera le même mot. Telles sont les origines du mot et de l'idée. L'un et l'autre ont sans doute évolué. Ils ne sont plus aussi grossièrement utilitaires. Ils restent utilitaires cependant.

langage

« qui s'approche de la chose dans la mesure où il est doué de la même mobilité qu'elle.

Quoi qu'il en soit, et malgré ces concessions, on ne peut pour Bergson penser que malgré les mots, quand toutefois on arrive à s'arracher de l'habitude solidifiée que représente notre système linguistique.Le présupposé de l'ensemble de cette analyse est très clair : la pensée, qui ne relève aucunement du même ordre que le langage, le subit au point de vouloir peut-être parfois s'en affranchir.Bien souvent, quand nous éprouvons un état d'une inhabituelle intensité, nous arguons de cette inadéquation du langage : « il n'y a pas de mots pour dire ce que je ressens ».

Cette idée d'un au-delà des mots, ou plutôt d'un en-deçà, de cette fraction de la pensée qui échapperait au langage en voulant s'en préserver, est une idée bergsonienne : c'est l'idée qu'il y a de l'ineffable,l'idée que la part la plus précieuse, la plus intime de notre pensée se galvauderait si on tentait de l'exprimer par des mots.

C'est là postuler que la pensée repose par essence sur quelquechose d'antérieur au langage et à l'intelligence, et qui est de l'ordre de l'intuition, et donner le plus grand prix à ces éléments de pensée antérieurs ou rebelles au langage, c'est-à-dire àl'ineffable.

Et c'est là précisément, on va le voir, l'idée à laquelle l'exigeante conception de Hegel s'opposait fermement. « Quelle est la fonction primitive du langage? C'est d'établir une communication en vue d'une coopération.

Le langage transmet des ordres ou des avertissements.

Il prescritou il décrit.

Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate; dans le second, c'est lesignalement de la chose ou de quelqu'une de ses propriétés, en vue de l'action future.

Mais,dans un cas comme dans l'autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujourssociale.

Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perceptionhumaine en vue du travail humain.

Les propriétés qu'il signale sont des appels de la chose àune activité humaine.

Le mot sera donc le même, comme nous le disions, quand ladémarche suggérée sera la même, et notre esprit attribuera à des choses diverses la mêmepropriété, se les représentera, les groupera enfin sous la même idée, partout où lasuggestion du même parti à tirer, de la même action à faire, suscitera le même mot.

Tellessont les origines du mot et de l'idée.

L'un et l'autre ont sans doute évolué.

Ils ne sont plusaussi grossièrement utilitaires.

Ils restent utilitaires cependant.

La pensée sociale ne peut pasne pas conserver sa structure originelle [...] C'est elle que le langage continue à exprimer.

Ils'est lesté de science, je le veux bien; mais l'esprit philosophique sympathise avec larénovation et la réinvention sans fin qui sont au fond des choses, et les mots ont un sensdéfini, une valeur conventionnelle relativement fixe; ils ne peuvent exprimer le nouveau quecomme un réarmement de l'ancien.

On appelle couramment et peut-être imprudemment« raison » cette logique conservatrice qui régit la pensée en commun: conversationressemble beaucoup à conservation.

»Bergson , La Pensée et le Mouvant . a) Situation du texte .

Bergson oppose l'intelligence à l'intuition.

La première a été donnée à l'homme par la nature afin de le guider dans ses activités de fabrication.

Quand l'esprit en revanche se détourne de ce quil'entoure dans l'espace pour se retourner sur lui-même, il met en oeuvre une autre faculté : l'intuition.

Laphilosophie n'est que le développement de cette intuition ou « attention que l'esprit se prête à lui-même ».

Or tout le problème est de savoir d'où vient le langage : est-il de par sa nature instrument de l'intelligence ouauxiliaire de l'intuition ? Et si la première hypothèse est la bonne, comment le philosophe pourra-t-il encoreuser du langage ?b) Mouvement du texte . · Premier moment .

( à « les origines du mot et de l'idée. ») : hypothèse sur l'origine du langage.

Le langage, qui est naturel à l'homme, est originairement destiné à rendre plusaisée la vie pratique, et donc essentiellement la manipulation et la transformation deschoses matérielles extérieures.

La formation et l'évolution des langues auront ainsi étéordonnées à la satisfaction de fins utilitaires.· Second moment .

(de « L'un et l'autre ont sans doute » jusqu'à la fin) : ce qui a changé et ce qui n'a pas changé dans le langage.

Le développement des deux facultés fondamentales de l'esprit (intelligence etintuition) a-t-il imprimé au langage sa marque ? Oui, pour ce qui est de la science.

Mais celle-ci se situe dansla continuité de la vie pratique naturelle : elle ne fait que développer et rendre plus précise l'attention quel'esprit porte à la matière.

Dépositaires d'une pensée sociale qui tend surtout (au même titre que lesinstitutions politiques) à la stabilité, les mots ne se prêtent toujours pas aisément à l'effort du philosophe pourcoller au jaillissement continu d'imprévisible nouveauté que sont la durée pure et la vie même.

c) Conclusion .

Le philosophe devra donc pour retourner aux choses elles-mêmes, pour en retrouver les articulations naturelles, se dégager des mots.

Au langage abstrait de la scienceil devra préférer un langage imagé, qui au moins ne l'invitera pas à se représenter l'espritsur le modèle de la matière.

« Comparaisons et métaphores suggéreront ce qu'on n'arrivera pas à exprimer ». Au-delà du discours, des mots qui fanent et pétrifient, se dessine une réalité transcendant les mots, un ineffable aux richesses apparemment infinies.

Voici que le non-parlable, le non-exprimable, semble retrouver un contenu véritablement positif.

Au-delà de la mesure et de la limite introduites par les mots et le discours, une infinie multiplicité, une réalité aux contoursnébuleux, s'offrent à nous.¨ L'ineffable.

Il est des réalités intraduisibles par le langage: A) D'abord, dans le domaine psychologique.

Puisque le langage est essentiellement social, la pensée autistique, celle qui demeure sans contact avec la réalité extérieure et avec autruiest donc incommunicable: chez les schizophrènes, l'aphasie n'a pas d'autre cause.

sans descendre jusque-là, il est certain qu'il existe dans la vie affective (émotions, sentiments, passions) biendes nuances individuelles que le langage ne traduit que fort imparfaitement.

Bien des auteurs, et des plus classiques, ont fait allusion à ce "je-ne-sais-quoi" que le langage ne parvient pas à exprimer.

C'est surtout dans la communication des consciences entre elles que cette insuffisance du langage s'affirme.

Bergson l'avait signalé: "Le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal qui emmagasine ce qu'il y a de commun et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notreconscience individuelle...

Celles-là seules de nos idées qui nous appartiennent le moins, sont adéquatement exprimables par des mots".Seule, selon Bergson , la musique serait capable, par-delà "ces joies et ces tristesses qui peuvent, à la rigueur, se traduire en paroles ", de saisir "quelque chose qui n'a plus rien de commun avec la parole, certains rythmes de vie qui sont plus intérieurs à l'homme que ses sentiments les plus intérieurs, étant la loi vivante, variable avec chaque personne, de son exaltation, de sadépression, de ses regrets et de ses espérances ".

La philosophie existentielle a insisté davantage encore sur le caractère " ineffable " de la communication: ainsi, pour Karl Jaspers , la communication reste toujours "le secret des deux êtres " qu'elle unit, puisqu'elle est affirmation existentielle, non conceptuelle, de l'unicité de ces deux êtres, et bien souvent, pour la nouer, "le silence, expression normale de l'inconditionné " vaut mieux que toute explication.

Même dans notre vie intellectuelle, il s'en faut que tout soit exprimable par le langage.

"On ne peut parler, dit Condillac , sans décomposer la pensée en ses divers éléments pour les exprimer tour à tour et la parole est le seul instrument qui permette cette analyse de la pensée ." Il résulte de là que, tant que la pensée demeurez encore enveloppée ou syncrétique, tant qu'elle n'a pas encore explicité les rapports qui la constituent, elle est malhabile à s'exprimer: tels sont ces états surlesquels avait insisté W.

James , tels que "sentiments de rapports ", "intention " de parler en tel ou tel sens, " attitudes mentales ".

Cette dernière remarque nous met en garde cependant contre la tendance, trop fréquente dans la philosophie contemporaine, à exalter cette pensée inverbale ou balbutiante.

Car, parfois, la pensée qui ne parvient pas à exprimer, est fréquemment unepensée confuse.

L'ineffable c'est parfois l'irrationnel: tel était d'ailleurs le sens du mot dans l'ancienne langue, où le nombre ineffable n'était autre que le nombre incommensurable, que nousappelons aujourd'hui précisément le "nombre irrationnel". B) La philosophie contemporaine a incriminé bien plus vivement encore l'incompétence du langage dans le domaine métaphysique: "nous ne voyons pas les choses en elles-mêmes, écrivait déjà Bergson , nous nous bornons le plus souvent à coller des étiquettes sur elles.

Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage.

Car, les mots désignent tous des genres ".

Ainsi, le langage contribue à nous masquer la vraie réalité des choses, qui est toujours concrète et singulière.

aussi, l'intuition qui seule, selon Bergson , nous permettrait d'atteindre l'absolu, cherche-t-elle à coïncider avec ce que l'objet a d'unique et, " par conséquent, d'inexprimable ".

Ici encore la philosophie existentielle a accentué cette position. Certains philosophes en viennent à faire du "je-ne-sais-quoi" une véritable catégorie de la pensée ( Jankélévitch ). Selon Jaspers , toute existence individuelle est unique et, par suite, ce n'est pas seulement l'individu empirique dans sa particularité historique, qui est, comme l'avaient reconnu les scolastiques, "inépuisable et inexprimable ", c'est l'existence elle-même qui s'oppose au discours, et la philosophie, en tant que discours sur l'existence, ne peut prétendre à l'exprimer: elle ne peut être qu'un appel qui "éveille " l'existant individuel et l'invite à être lui-même. C) Mais, si c'est une défaite de la pensée philosophique (dont le rôle est de tout comprendre) que de reconnaître de l'ineffable, il n'en va plus de même du point de vue religieux etsurtout mystique.

Qui reconnaît l'existence d'un être infini, reconnaît en effet par là même l'impuissance de l'intelligence humaine à le comprendre pleinement et celle du langage humain àl'exprimer adéquatement.

Aussi le premier Concile du Vatican proclame-t-il Dieu "ineffablement élevé " au-dessus de toutes les créatures.

a plus forte raison, les mystiques qui s'efforcent d'entrer en union spirituelle avec cet Etre infini, ne trouvent-ils plus de paroles pour exprimer cette union, et certains d'entre eux sont allés jusqu'à parler du "je-ne-sais-quoi" qu'ils ressententdans l'extase.

Sainte Thérèse déclare qu'au moins au début, elle "passa fort longtemps sans trouver une seule parole pour faire connaître aux autres les lumières et les grâces dont dieu la favorisait ", et Bossuet , dans une lettre à l'une de ses pénitentes, lui conseille, pour faire oraison, de dire ö sans rien ajouter. Il s'en faut toutefois que, chez les vrais mystiques, cet état ne soit qu'inconscience et tourne le dos à toute intelligibilité.

Comme l'a très bien dit h.

Delacroix, "pour les mystiques chrétiens, le. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles