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QUELLES SONT LES LIMITES DE l'ACTION ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

Mais réduire l'action à une succession causale, à un mécanisme causal est problématique dès lors qu'elle nous invite à considérer l'homme comme un automate pensant qui aurait « la liberté d'un tourne-broche » qui aurait une spontanéité comparative, comparable à celle d'une pierre jetée, et non absolue. L'action ne semble pas réductible à une succession causale, et ne semble pas appartenir de bout en bout à la physique.             Elle serait dès lors de nature hétérogène. Si elle n'est pas réductible à sa manifestation physique, quel est le criterium de l'action ? Kant dans sa critique de l'action comme pur processus mécanique le pointe - ce critère est bel et bien la liberté - autrement dit l'auto-détermination. L'action est action si le sujet de celle-ci est libre. L'action est donc à la fois nécessaire en tant qu'elle se manifeste sur le plan phénoménal et libre. Comment penser l'action dans un même mouvement sous ses deux registres. Kant suggère une double lecture - une lecture phénoménale qui réduit l'action à n'être qu'un phénomène parmi tant d'autres soumis à la causalité naturelle, et une lecture qui soumet cette action à une autre forme de la causalité, la causalité par liberté. L'action est-elle pour autant un monstre conceptuel - microcosme du conflit entre liberté et déterminisme absolu ?

La question des limites est originairement une question géographique – elle est le point, la ligne ou la surface qui marque la séparation entre deux régions de l'espace, et plus précisément deux territoires. Dès lors, la question des limites de l'action nous incite à élaborer en quelques sortes une géographie de l'action. Autrement dit dans un premier temps il va s'agir de délimiter le champ de l'action – de le définir. Cependant l'expression « les limites de l'action « ne se déploie pas qu'à ce niveau : elle peut, voire elle doit s'entendre en plusieurs sens. Les limites de l'action sont à la fois les limites distinguant l'action de d'autres notions, les limites inhérentes à l'action, les limites contingentes de l'action et les limites que l'on peut prescrire à l'action. La question est centrale et cruciale : dans quelle mesure la notion d'action peut-elle faire l'économie de la notion de limite ? En effet est-il seulement possible de penser une action qui serait dite illimitée – sans limite ? Notre question contient des enjeux épistémique, pratique, métaphysique, politique mais aussi juridique dès lors qu'elle touche à la définition de l'action, au sujet de l'action, au concept de liberté, aux rapports des actions entre elles mais aussi à la possibilité de prescrire ou non des limites à l'action. De plus l'énoncé de notre question nous laisse un champ d'investigation assez large. Le sujet de l'action n'étant pas déterminé, il va s'agir de s'interroger sur la pertinence de la question tant sur le plan collectif qu'individuel. Le pluriel attaché à la notion de limites doit attirer notre attention et implique que nous nous interrogions sur le caractère plurivoque de cette notion : limite contingente ou nécessaire ? Limite propre à l'action ou imposée à l'action par un tiers ? La question voire les questions qui surgissent ne sont pas simples. Si une action sans limite semble très difficile à concevoir, rattacher l'action à la notion de limite est à nouveau source de problèmes : les limites de l'action sont-elles à chercher dans le sujet de l'action au moment de la délibération ? Au moment de la décision ? Ou bien au moment décisif de l'accomplissement de l'action ? L'action est-elle limitée de part en part ? L'action est-elle en elle-même et par elle-même limite, limitée voire même « limitatrice « ?

            Pour tenter de prendre en compte toutes les dimensions de cette question, trois interrogations se posent voire s'imposent à notre esprit : dans quelle mesure poser la question des limites de l'action revient-il à proposer une définition négative de l'action en montrant ce qu'elle n'est pas – autrement dit à borner le territoire de l'action ? Une action sans limite est-elle concevable ? Finalement, peut-on prescrire des limites à l'action ?

« L'action est-elle pour autant un monstre conceptuel – microcosme du conflit entre liberté et déterminisme absolu ? La troisième antinomie de la Critique de la Raison pure souligne la possibilité de rendre compatible ces deux lectures.

Liberté et déterminisme ne sont pas incompatibles.

Il serait tout à fait possible de prévoir toutes les actions d'un homme à l'instar d'une éclipse si nous étions en possession de toutes les déterminations causales ; cependant ceci n'entrave pas le fait que le sujet de l'action est entièrement libre.

D'une part en tant que phénomène le sujet et son action sont inscrits dans une série de conditions, d'autre part en tant que soumis à la causalité dite par liberté, il est tout à fait possible de penser l'action sous ses deux registres. La compatibilité de ces deux positions qui est permise par la distinction entre phénomène et chose en soi a le mérite de montrer que l'action se situe à la limite de deux registres : le registre physique dans sa manifestation, et le registre pratique par le biais de la notion centrale qu'est la liberté.

L'action se situe à la limite entre le pratique et le physique – elle est donc une notion limite. Distinguer les limites de l'action semble bel et bien problématique dès lors que l'action n'est ni simplement réductible à la sphère physique ni simplement réductible à la sphère moral.

Dans la mesure où l'action est une notion qui se situe à la limite, voire qui semble être ce qu'on peut appeler une notion limite où se rencontrent à la fois liberté et nécessité, dans quelle mesure est-il possible de penser l'action sans le concept de limite ? L'action est-elle pensable sans la notion de limite ? Associer l'action à la limite apparaît comme étant une quasi nécessité.

Cependant l'action en tant que telle semble être exigence, tout du moins manifestation de liberté.

C'est cette exigence de liberté ab-solue, autrement dit sans limite qui nous invite à penser la possibilité ou non d'une action qui se voudrait sans limite.

Ce type d'action est-il pensable ? Ou est-ce au contraire une contradiction dans les termes ? Est-il possible de penser l'action comme une totalité synthétique sui generis , qui ne dépendrait que d'elle-même ? Sartre pour penser l'unité de l'action présuppose l'unité du projet, unité qui serait sui generis . L'homme pour Sartre est pro-jet, sortie de soi.

« Il n'y a de réalité que dans l'action.

L'homme n'est rien d'autre que son projet.

Il n'existe que dans la mesure où il se réalise.

» Tout serait en notre puissance, nous serions responsables de tout – y compris de nos affects et de nos passions.

Si les affects ont une structure intentionnelle alors ils dépendent de nous.

Tout dépend de nous.

Il n'y a pas de situation qui annule notre puissance d'agir.

Nous choisissons de nous déterminer volontairement, et de nous laisser déterminer par l'involontaire.

« Il faut vouloir vouloir » C'est nous qui décidons de nous décider.

L'émotion est une conduite magique, intentionnelle liée à une fin posée préalablement à la conscience.

Je ne suis pas émue mais je me fais émue sous le fond d'un projet dont je n'ai pas une idée claire.

L'évanouissement dans cette perspective résulterait de l'intention de perdre connaissance pour en finir avec un monde trop difficile.

Ce que nous présente Sartre, c'est un acte qui ne dépend que de lui- même, un sujet qui serait de bout en bout actif, sur lequel la passivité n'aurait aucune prise.

Cependant ceci semble intenable. Cette conception d'une action qui ne serait limitée que par elle-même, et qui serait par conséquent sans limite, semble réduire le monde au terrain de jeu d'une conscience qui ne jouerait qu'avec elle-même.

Cependant ce jeu de la conscience solipsiste avec elle-même est-il réellement action ? L'action pour être réellement action ne nécessite-t-elle pas retour, réaction, interaction, résistance d'un hors de soi, d'un déjà-là ? Sartre lui-même souligne le caractère contradictoire - du moins difficilement soutenable - de sa thèse quand il aborde la question de l'engagement qui présente deux aspects l'un actif et l'autre passif.

Pour s'engager il faut être engagé dans l'action.

Mais nous sommes engagés par nos actions passées que nous ne pouvons pas ne pas avoir accomplies.

C'est ce qu'il nomme le pratico-inerte en tant qu'objectivation de l'action qui s'oppose à soi dans une matière, dans l'institution.

On mesure ainsi la distance entre décision et accomplissement.

L'homme qui agit, agit dans un monde toujours déjà là.

Il réalise toujours autre chose que ce qu'il a consciemment visé.

Il y a donc une limite essentielle à l'action qui semble se jouer au moment du passage de la décision à l'accomplissement.

Dans la délibération et la décision, dans le cas de l'action individuelle, le sujet reste en tête à tête avec lui-même ; cependant la phase d'accomplissement, de réalisation le confronte nécessairement à un autre que lui-même qui est le monde, le passé ou les autres.

Si l'action humaine apparaît comme nécessairement limitée – au moins dans la phase d'accomplissement, est-il légitime de penser un idéal de l'action qui serait sans limite dans la figure divine ? Dieu est-il celui qui peut agir sans limite ? En en restant à une conception omnipotente et omnisciente de la divinité, il semblerait que seul en Dieu une telle action soit possible tout du moins pensable.

Cependant rien n'est moins sûr.

Si l'on pense avec Malebranche contre Descartes que les vérités mathématiques et métaphysiques sont tout aussi bien nécessaires pour Dieu que pour les hommes, il semble que dans une certaine mesure l'action divine soit elle-même limitée par quelque chose qui lui soit. »

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