Qu'est-ce que le sentiment de l'honneur ? peut-il remplacer l'idée du devoir comme règle absolue et obligatoire de la conduite ?
Publié le 02/06/2011
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Exorde. — La morale, qui a pour but la direction de la. volonté, énumère les principaux motifs de nos actions et détermine leur importance relative afin d'ériger en principe celui qui présente le caractère d'une loi, d'une règle de conduite. Or, les motifs de nos actions se ramènent tous à l'honnête et à l'utile; le premier présente seul les caractères qui constituent une loi et qui sont l'invariabilité, l'uniformité, l'obligation, la clarté et la possibilité dans la réalisation pratique; l'utile ou l'intérêt n'est revêtu d'aucun de ces caractères. Il en est de même pour les autres motifs sensibles de nos actions : la morale de la sympathie manque de fondements solides; le sentiment de l'honneur ne saurait davantage être accepté comme règle de conduite, bien que ce sentiment puisse être pour l'âme un ressort puissant et utile, un principe d'action souvent légitime, parfois respectable.
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Souvent il n'est que le point d'honneur, qui pousse quelquefois à des actes coupables, qui, par exemple, légitime leduel, c'est-à-dire un acte ayant le double caractère du suicide et de l'homicide.
Alors cet honneur, comme ditVoltaire,
N'est qu'un fantôme vain qu'on prend pour la vertu;C'est l'amour de la gloire et non de la justice,La crainte du reproche et non celle du vice.(Alzire, IV, sc.
3.)
Le sentiment de l'honneur est capricieux et variable comme tous les faits de sensibilité.
Quand l'homme est mûri parl'expérience, il ne met plus son honneur là où il le mettait quand il était jeune, et il sourit ou même rougit quand onlui parle de prouesses dont il tirait vanité quelques années auparavant.
L'honneur ne nous oblige donc que d'aprèsnous-mêmes, d'après l'idée que nous nous faisons de notre dignité; il n'est que relatif à notre personne et laisse lechamp libre à toutes les interprétations individuelles; chacun peut l'entendre à sa guise et d'après les fantaisies deson imagination.
Cette loi de l'honneur, qui n'est donc ni constante ni uniforme, ne peut devenir une règle deconduite; c'est l'honnête, c'est le devoir qui seul peut être notre loi morale; car il ne dépend pas de nous, il est horsde nous et au-dessus de nous, il impose les mêmes obligations à tous les hommes et dans tous les temps.En outre, l'honneur vise surtout à la grandeur des actes; il nous fait songer à l'éclat qui pourra en rejaillir sur nous etnotre nom; or, le devoir commande sans avoir souci de notre personne et de notre gloire.
Epaminondas, après letriomphe retentissant de Leuctres, accepte les fonctions d'inspecteur de la voirie que l'envie lui impose, et il se metà remplir ces devoirs modestes avec le même scrupule qu'à commander des armées puissantes.
Racine, marié etpère de famille, consacre à l'éducation de ses enfants le génie qui aurait pu produire encore de glorieux chefs-d'oeuvre.
Et même dans certains cas, le devoir exige une humilité que l'honneur n'accepte pas volontiers; ainsi,quand nous avons commis une faute, nous devons accepter l'humiliation comme une expiation nécessaire.
On a eusouvent, au XVIe siècle, le spectacle de ces pécheresses qui, après avoir violé les devoirs les plus saints, finissaientpar obtenir le pardon et même l'estime du monde par l'éclat de la pénitence et la sincérité du repentir.
Racine, après avoir attaqué ses anciens maîtres dans des lettres qui faisaient briller son esprit aux dépens de soncoeur eut ensuite le noble et rare courage de reconnaître ses torts et, comme expiation, il se fit l'historien de cettemaison de Port-Royal qu'il avait outragée.
Il expia aussi noblement, une autre faute.
Dans sa jeunesse et dansl'enivrement de sa gloire, il avait attaqué le vieux Corneille ; plus tard il prononça, dans l'Académie, l'éloge le pluséloquent et le plus juste de son ancien rival de gloire.
conclusion.
— Ainsi le sentiment de l'honneur peut être quelquefois un principe d'action puissant et bienfaisant,lorsque "il est la force d'âme animée ou réveillée par le devoir" ; mais on ne peut le prendre pour règle de conduite,parce que, comme tous les faits de sensibilité, il est variable, changeant et n'a pas d'autorité impérative; enfin tropsouvent l'honneur n'est que ce point d'honneur qui pousse à des actions condamnables, et alors il n'est plus que lerespect humain mal compris.
On ne peut donner pour base à la morale que la notion première et rationnelle dudevoir, qui se présente à notre esprit et s'impose à notre conduite avec un caractère immuable et impératif..
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