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Qu'est-ce qui distingue psychologiquement, selon vous, la croyance qui n'est que crédulité et la croyance qui est une loi féconde ?

Publié le 19/06/2009

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INTRODUCTION. — Il y a cinquante ou cent ans, sous l'influence du scientisme positiviste, la croyance était dépréciée au profit de la science qui tôt ou tard, on l'espérait bien, dispenserait l'homme instruit de croire. De nos jours, les appréciations des savants et des philosophes sont plus nuancées. S'il est généralement admis que le savoir est une forme de connaissance supérieure à celle que donne la croyance, certains font remarquer que, d'un autre point de vue, croire est plus que savoir. En tous cas, les esprits cultivés respectent quiconque trouve dans ses croyances des lumières et des forces que ne lui procure pas ce qu'il sait. Cette différence d'attitude résulte sans doute de ce que les contempteurs de la croyance avaient principalement en vue la crédulité. Or la crédulité n'est qu'une forme inférieure de la croyance. D'un tout autre ordre est la foi véritable, qui informe toute une vie : ce sont les croyants inspirés par cette foi qu'on estime ou même qu'on envie. Tâchons de voir ce qui distingue ces deux genres de croyance. I. — LES MOTS Ainsi qu'il arrive souvent, l'examen des mots eux-mêmes nous mettra sur la voie de remarques utiles. a) Comme « croyance » (doublet de « créance », dérivé savant du bas latin credentia), « crédulité » vient de « credere ». Main dans l'adjectif credulus s'ajoute le suffixe - ulus. Or ce suffixe indique ordinairement la petitesse (qu'on songe à navicula, petite barque, navette, à monticule, à édicule, capitule...) avec parfois une nuance de comique (comme, par exemple, dans regulus, roitelet, hornenculus, petit homme, follicule. animalcule...). Cette nuance ne manque jamais dans le mot « crédule », et « crédulité » est toujours pris dans une acception péjorative : le crédule croit, mais ses croyances se caractérisent par quelque chose de mesquin, de puéril, de ridicule.

« n'implique-t-elle pas une sorte de démission de la pensée devant le mystère ? D'un certain point, de vue, sansdoute.

Mais, d'un autre point de vue, on peut la considérer comme un approfondissement de la pensée.

Le croyantauthentique s'est d'abord posé des problèmes qu'esquivent facilement ceux qui repoussent toute foi.

Ensuite, il arésolu ces problèmes par le recours au mystère, et par là même il a fait un nouveau progrès.

Non qu'il comprennemieux ce qu'il croit.

Du moins a-t-il une conscience plus nette de son incompréhensibilité.

Reprenant une idée chèreà Gabriel MARCEL, Jean Guitton dit très bien : « Un problème est une difficulté qui tient à notre ignorance et quipeut donc se résoudre par le savoir.

Un mystère est une difficulté qui tient à la nature ou à la chose et que laconnaissance accroît.

» (Essai sur l'amour humain, p.

72, Aubier, 1948.) PASCAL voit mieux encore que le libertincombien il est « incompréhensible que Dieu soit »; mais cette vue ne l'empêche pas d'ajouter : « incompréhensibleque Dieu ne soit pas » (p.

433).

La foi véritable n'ignore pas les raisons sur lesquelles se fonde l'incroyant pourjustifier sa position; mais il les dépasse et avance plus loin.Le crédule, au contraire, est incapable de dominer la croyance qui l'envoûte.

Non seulement son esprit esthermétiquement fermé aux réflexions qui pourraient la contredire, mais souvent il ne pense même pas sa croyance,qui n'est faite alors que de pratiques rituelles plus ou moins superstitieuses et mêlées de magie.Ainsi, tandis que la foi va dans le sens d'une plus complète intelligence des choses, la crédulité marque un recul versdes formes inférieures de pensée et d'action. d) Mais plus encore que l'intelligence, c'est le vouloir ou plus exactement la personnalité qui mérite au croyantauthentique le respect qu'on lui témoigne, tandis que la crédulité dénote une absence de caractère etd'indépendance d'esprit qui inspire le dédain.En effet, le crédule est passif.

Il subit la croyance que la tradition transmise par un milieu aussi peu éclairé que luiou celle qu'un malin lui suggère.

Le verbe « croire », alors, exprime un état, jamais un acte véritable.

C'est uneimpuissance radicale, à juger et à décider personnellement qui fait les crédules.L'homme de foi manifeste une tout autre personnalité, inutile de le dire.

Mais il se montre plus personnel encore queceux qui refusent d'aller au-delà de ce qu'ils savent.

Ce qu'on sait, en effet, appartient au domaine commun, et l'onn'est point original pour l'admettre.

D'autre part, cette adhésion aux vérités universellement reçues s'impose et necomporte aucun risque.

Il n'en est pas de même de l'option du croyant, qui dépend en définitive d'un acterigoureusement personnel et l'engage.

Beaucoup ne sont incroyants que par une impuissance, moins grave sansdoute que celle du crédule, mais tout aussi réelle : « il faut avoir du courage pour aimer ce Dieu qui ne se montrejamais », écrivait ALAIN.

(Propos sur la religion.

p.

255.) CONCLUSION. - Cet anticlérical, qui considérait son incrédulité comme une « réserve plus précieuse que l'or » (Histoire de mes pensées, p.

285), nous fournira un dernier mot pour magnifier la croyance-foi et l'opposer à lacroyance vulgaire qui participe de la crédulité : « Croyance n'est que faiblesse devant la preuve effrayante ettonnante.

Science est doute et précaution contre ce genre d'épreuve.

Ce qu'il importe le plus de savoir, c'est quefoi est force d'esprit, non pas faiblesse d'esprit.

Si j'imite, si je crains, si je me couche, ce n'est plus foi, c'estcroyance.

» (Propos sur la religion).. »

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