Qu'est-ce qui fait de moi la même personne au travers du temps ?

C'est la continuité de la mémoire qui donne le sentiment d'être la même personne, c'est parce que ma conscience accompagne toutes mes pensées, et le souvenir de mes actions passées, que j'ai une permanence à travers le temps, et non parce que je serais une substance identique : on pourrait en effet imaginer que nous changions de substance matérielle, si notre conscience conserve une continuité qui nous fournit à chaque instant le sentiment de notre existence, nous serons tout de même la même personne. C'est en effet par la conscience que nous nous attribuons à nous mêmes nos actions comme les nôtres propres, et ainsi, toutes les actions et pensées sur lesquelles cette conscience peut s'étendre seront attribuées à la même personne. On voit donc que ce qui fait de moi la même personne au travers du temps, dans cette perspective, n'est pas le fait que je suis matériellement fait de la même substance, mais les deux caractéristiques que sont la conscience et la mémoire : la conscience donne le sentiment d'identité, et la mémoire est ce qui permet de conserver les souvenirs que la conscience peut ainsi reconnaître comme lui appartenant, et donc comme appartenant à la même personne.   2° Nous ne sommes pas réellement la même personne au cours du temps, mais notre imagination lie entre elles nos perceptions pour nous donner ce sentiment   Pour Hume, l'identité de la personne à travers le temps relève d'une illusion, car il n'existe pas de moi qui serait en nous une réalité et qui servirait de support aux changements sans être lui-même changeant. La réalité de notre conscience est constituée par une série de perceptions et de sensations sans cesse différentes, et c'est parce que nous avons besoin de stabilité, d'identité que nous créons le sentiment de la permanence de notre personne, par l'imagination, et par les lois d'associations qui s'appuient sur la ressemblance et la contiguïté : c'est-à-dire que nous lions spontanément nos idées, nos perceptions et les événements proches ou ressemblants, alors que rien, objectivement et à l'extérieur de nous, ne constitue un tel lien.  On ne peut donc dire que nous sommes réellement la même personne au cours du temps, mais seulement que nous avons le sentiment de cette continuité, de cette permanence, grâce à notre besoin et à notre habitude de lier les choses entre elles : cette identité au cours du temps ne peut donc être perçue réellement, puisqu'elle relève en réalité d'une illusion, mais elle est un sentiment généré par notre esprit lui-même.   3° C'est la narration à nous-mêmes de notre propre vie qui nous fait être la même personne au cours du temps   Dans la perspective de Ricoeur, notre permanence dans le temps, ce qui fait que nous restons le même et que nous sommes reconnaissables entre deux moments, est constituée ni de manière passive, par le simple fait que notre conscience accompagne nos pensées et que notre mémoire conserve les souvenirs, ni de manière illusoire par notre imagination. Cette permanence est en effet bien réelle, mais elle repose sur le processus actif que Ricoeur nomme l'identité narrative. L'identité narrative signifie que notre vie est configurée comme un récit, que nous nous racontons en quelque sorte, même si cette narration ne se fait pas de manière consciente, le récit de notre propre vie. De même que dans un roman, le personnage reste le même à travers le temps parce qu'il reste la création du même narrateur, qui lui donne continuité et cohérence, de même, nous nous reconnaissons comme la même personne au cours du temps parce que nous lions, par le récit de notre propre vie que nous nous faisons à nous-mêmes, les événements et les pensées pour les faire entrer dans un tout cohérent.