ROUSSEAU: Contrat Social
Publié le 27/04/2005
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«
qui n'a aucun sens ? »De même qu'un individu ne peut aliéner sa liberté, un peuple ne peut abandonner sa souveraineté aux mains d'unmaître.
Rousseau retrouve ici, ou reprend, un principe déjà énoncé un siècle et demi plus tôt par le jurisconsulteAlthusius (1556-1637): l'autorité politique a sa source dans le peuple et on ne peut la lui enlever sans dissoudre parlà même la société en tant que communauté régie par le droit.Le problème est donc bien de trouver une forme politique qui préserve la liberté de chacun, tout en assurant unordre qui évitera au plus faible d'être à la merci du plus fort.
C'est là qu'intervient l'apport original de Rousseau et ceen quoi il renouvelle la théorie du contrat social.L'autorité politique, selon Rousseau, ne peut se comprendre que si l'on considère que le peuple, tacitement ouexplicitement, établit un contrat avec lui-même.
Ou plutôt, c'est le peuple, en tant que collectivité, en tant quepersonne morale représentant la collectivité et dont émane la volonté générale, qui établit un contrat avec lamultitude des volontés particulières.
D'une façon paradoxale, l'un des participants à cet accord est créé par l'accordlui-même.
En cela, le pacte primitif n'a rien à voir avec d autres types de contrats comme les contrats commerciaux(« Emile », Livre V) : « Pour bien décider toutes les questions semblables, nous aurons soin de nous rappelertoujours que le pacte social est d'une nature particulière et propre à lui seul, en ce que le peuple ne contractequ'avec lui-même, c'est-à-dire le peuple en corps comme souverain avec les particuliers comme sujets.
Condition quifait tout l'artifice et le jeu la machine politique, et qui seule rend légitimes, raisonnables et sans danger desengagements qui sans cela seraient absurdes, tyranniques et sujets aux plus énon abus.
»Un tel contrat permet de retrouver l'indépendance de l'état de nature puisque le citoyen ne dépendra jamais d'unevolonté particulière, mais seulement de la loi: expression d'une volonté générale dont il est partie prenante.Rousseau exprime cette idée dans une belle formule (Livre 1, ch.
8): « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite estliberté.
»Le contrat ainsi conçu permet de concilier la liberté et la sécurité.
Parlant de la volonté générale, Rousseau dit «qu'elle doit partir de tous pour s'appliquer à tous ».
Evoquant la question dans « Sur l'économie politique », il montrecomment la soumission à la volonté générale, loin d'être une contrainte, se présente en fait comme une façon derendre les hommes libres: « Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d'assujettir les hommes pour lesrendre libres ? d'employer au service de l'Etat les biens, les bras, et la vie même de tous ses membres, sans lescontraindre et sans les consulter ? d'enchaîner leur volonté de leur propre aveu ? de faire valoir leur consentementcontre leur refus, et de les forcer à se punir eux-mêmes, quand ils font ce qu'ils n'ont pas voulu ? Comment se peut-il faire qu'ils obéissent et que personne ne commande, qu'ils servent et n'aient point de maître, d'autant plus libresen effet que sous une apparente sujétion, nul ne perd de sa liberté que ce qui peut nuire à celle d'un autre ? Cesprodiges sont l'ouvrage de la loi.
C'est à la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté.
[...] C'est elleaussi que les chefs doivent faire parler quand ils commandent; car sitôt qu'indépendamment des lois, un homme enprétend soumettre un autre à sa volonté privée, il sort à l'instant de l'état civil, et se met vis-à-vis de lui dans lepur état de nature où l'obéissance n'est jamais prescrite que par la nécessité.
»Cette loi, qui doit préserver chacun de l'arbitraire, est bien sûr celle qui émane de la volonté générale.Outre qu'il sert de fondement à une organisation sociale acceptable, le « contrat social » ainsi conçu permet àl'homme, nous l'avons vu, de devenir pleinement homme en développant ce qui était virtuel en lui.
A « l'homme de lanature » peut succéder « l'homme de l'homme ».Rousseau, avec sa conception très personnelle du contrat social, propose une nouvelle théorie de l'État qui tranchesur celle de ses prédécesseurs.
Ceux-ci admettaient l'idée que la souveraineté (l'autorité politique) eût son originedans le peuple, mais le contrat social, tel qu'ils le concevaient, transférait cette autorité politique à un individu (ouà une assemblée) qui en devenait le véritable détenteur.Pour Rousseau, la souveraineté réside toujours dans le peuple.
L'autorité politique repose toujours et tout entièresur la volonté générale.
Les gouvernants ne sont que les délégués, les mandataires toujours révocables de cettesouveraineté dont le propre est de ne pouvoir se diviser.Les penseurs allemands seront très sensibles à la des thèses exposées par Rousseau, et tout spécialement qui enprolongera les intuitions fondamentales.
On sait aussi l'impact qu'eut cette pensée sur les révolutionnaires françaiset de nombreux mouvements de libération ultérieurs.La cohérence de cette théorie, la puissance de la dialectique rousseauiste, la beauté de la langue et, ce qui étaitvraiment neuf, l'inspiration foncièrement démocratique de cette pensée en expliquent le retentissement tout commeles ennuis qui s'abattirent sur Rousseau après la parution du « Contrat social ».
« Il ne serait pas [...] raisonnable de croire que les Peuples se sont d'abord jetés entre les bras d'un Maître absolu,sans conditions et sans retour, et que le premier moyen de pourvoir à la sûreté commune qu'aient imaginé deshommes fiers et indomptés, a été de se précipiter dans l'esclavage.
En effet, pourquoi se sont-ils donnés dessupérieurs si ce n'est pour les défendre contre l'oppression, et protéger leurs biens, leurs libertés et leurs vies quisont pour ainsi dire, les éléments constitutifs de leur être ? Or dans les relations d'homme à homme, le pis qui puissearriver à l'un étant de se voir à la discrétion de l'autre, n'eût-il pas été contre le bon sens de commencer par sedépouiller entre les mains d'un chef des seules choses pour la conservation desquelles ils avaient besoin de sonsecours ? Quel équivalent eût-il pu leur offrir pour la concession d'un si beau Droit ; et s'il eût osé l'exiger sousprétexte de les défendre, n'eût-il pas aussi tôt reçu la réponse [...] ; que nous fera de plus l'ennemi ? Il est doncincontestable, et c'est la maxime fondamentale de tout le Droit Politique, que les Peuples se sont donnés des Chefspour défendre leur liberté et non pour les asservir [...]Les Politiques font sur l'amour de la liberté les mêmes sophismes que les philosophes ont fait sur l'état de nature ;par les choses qu'ils voient ils jugent des choses très différentes qu'ils n'ont pas vues, et ils attribuent aux hommesun penchant naturel à la servitude par la patience avec laquelle ceux qu'ils ont sous les yeux supportent la leur,sans songer qu'il en est de la liberté comme de l'innocence et de la vertu, dont on ne sent le prix qu'autant qu'on enjouit soi-même, et dont le goût se perd sitôt qu'on les a perdues.
».
»
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