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rupture dans le regard que l artiste pose a la societé

Publié le 12/11/2012

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L’art contemporain est aussi riche que passionnant. Mais ce qui est parfois gênant, c’est l’académisme du discours qui l’accompagne, et qui devient parfois étouffant. Nous vivons en grande partie sur le mythe, né au XIXe siècle, d’une rupture entre l’artiste et la société. Il n’est plus de création qui ne prétende interroger, déranger, mettre en cause, etc.  Or ce discours est tenu par des créateurs, connus ou moins connus, qui passent des semaines dans des résidences soutenues par les collectivités locales, exposent dans des grands musées ou des médiathèques municipales. Le créateur vit en grande partie des fonds publics : ateliers d’écriture, conférences, résidences d’écrivains ou d’artistes, subventions du CNL, commandes officielles, aides à la publication. Pour caricaturer la situation, l’artiste d’état veut en même temps être un maudit. Il veut la rétribution symbolique avec la rétribution matérielle. C’est ce qui est anesthésiant : à force de faire croire aux artistes qu’ils dérangent, on les installe dans une forme paradoxale de confort intellectuel.  Les œuvres modernes, c’est vrai, ne trouvent pas nécessairement leur public. Le grand public est, pour l’essentiel, mobilisé par la télévision et le cinéma commercial. Mais elles ne rencontrent pas non plus de refus sérieux. Les professeurs emmènent leurs élèves dans les musées d’art moderne. Quant au public d’amateurs cultivés, il ne comprend pas nécessairement la démarche de l’artiste ou le sens de la pièce, mais, convaincu qu’il y a à comprendre, il consent généralement d’avance à ce qu’on lui montre....

« comme pouvaient l'être les bourgeois du XIXe siècle.  La mythologie du contemporain tient à ce qu'une réaction négative vienne d'une respectabilité offusquée.

De même, lorsque des protestations s'élèvent contre telle exposition, comme ce fut le cas pour celle de Jeff Koons à Versailles, elles sont aussitôt comparées aux railleries qui accompagnaient les expositions des indépendants.

Or, Koons n'est pas dans la position des Indépendants, mais bien dans celle des artistes officiels adoubés par les pouvoirs publics.

On voit là comment un discours mythologique se plaque sur une réalité du champ artistique.

  Pour une part, cette digestibilité sociale de la création contemporaine, en dépit de tous les discours proclamant l'inverse, trouve son origine dans la nature de l'une des ruptures inaugurées par l'art contemporain.

Duchamp expose son urinoir en 1917, inaugurant ainsi les ready made, et la demi-plaisanterie devient l'événement majeur de l'art moderne.

Cette oeuvre, commentée jusqu'à l'écoeurement, bouleverse l'idée d'objet d'art.

Au premier abord, le geste est, non seulement provocant, mais révolutionnaire.

Jusqu'alors, une oeuvre était un objet élaboré par l'artiste.

A partir de 1917, une oeuvre d'art est ce que l'artiste décide de nommer ainsi, quelle que soit la nature de l'objet, et éventuellement sans le moindre travail sur cet objet, autre que celui qui consiste à le montrer : une vieille boîte de conserve, un étron, le corps de l'artiste, un poireau, une page blanche.

En réalité, à long terme, Duchamp crée les conditions de la récupération complète de l'art moderne par le commerce et les institutions.  Jusqu'à Duchamp, la reconnaissance de la nature artistique d'un objet par l'exposition publique n'était qu'un des éléments constitutifs d'une oeuvre.

A la limite, un objet pouvait être une oeuvre d'art, même sans avoir jamais été vu, dès lors qu'il était le produit du travail effectué par un artiste, c'est-à-dire de la transformation d'un matériau en vue d'une représentation.

En outre, dans le processus d'autonomie de l'art tel qu'il s'est développé au XIXe siècle, la reconnaissance des pairs était au moins aussi importante, pour la constitution de l'oeuvre et le statut d'artiste, que celle du public et des institutions.

Ce sont quelques poètes qui ont décrété que Mallarmé était un grand poète, non les revues, les prix ou les académies.  A partir de Duchamp, c'est le fait de montrer un objet déterminé qui en fait une oeuvre.

Mais qu'est-ce que montrer ? Un tableau de Gustave Moreau qui n'est jamais sorti de l'atelier du peintre reste une oeuvre.

Un urinoir posé dans la chambre de Duchamp n'en est pas une.

Il faut que l'urinoir figure dans une exposition, une. »

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