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SAINT AUGUSTIN ET DIEU

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

augustin
Je vins à Carthage et de tous côtés j'entendais bouillonner la chaudière des amours infâmes. Je n'aimais pas encore mais j'aimais l'amour et par une indigence secrète je m'en voulais de n'être pas assez indigent. Aimant l'amour, je cherchais un objet à mon amour ; je haïssais la sécurité, la voie sans pièges, parce qu'au fond de moi j'avais faim : je manquais de la nourriture intérieure, de toi-même, mon Dieu, mais ce n'est pas de cette faim-là que je me sentais affamé ; je n'avais pas d'appétit pour les aliments incorruptibles, non que j'en fusse rassasié : plus j'en manquais, plus j'en étais dégoûté. Et mon âme était malade ; rongée d'ulcères, elle se jetait hors d'elle-même, misérablement avide de se gratter contre le sensible. Mais le sensible, certes, on ne l'aimerait pas s'il était inanimé. Aimer et être aimé m'était encore plus doux si je trouvais en outre jouir du corps de l'être aimé. Je souillais donc la source de l'amitié des ordures de la concupiscence et je voilais sa blancheur du nuage infernal de la convoitise. Et pourtant, dans l'excès de ma vanité, tout hideux et infâme que j'étais, je me piquais d'urbanité distinguée. Je me jetai ainsi dans l'amour où je désirais être pris. Mon Dieu, ô ma miséricorde, de quel fiel ta bonté a-t-elle assaisonné ce miel ! Je fus aimé. Je parvins en secret aux liens de la jouissance, je m'emmêlais avec joie dans un réseau d'angoisses pour être bientôt fouetté des verges brûlantes de la jalousie, des soupçons, des craintes, des colères et des querelles. SAINT AUGUSTIN
Ce texte de saint Augustin mélange, comme cela arrive fréquemment chez l'auteur, confession et réflexions philosophiques. Carthage, la ville dont il nous parle ici est dotée dans son oeuvre de toute une valeur symbolique. C'est avant tout l'endroit où il fera ses études, certes, avant de prendre poste auprès de Romanius. Mais c'est surtout comme non-chrétien qu'il habitera cette ville puisqu'il n'est pas, alors, encore converti au christinianisme (il ne le fera qu'à une trentaine d'années). C'est ainsi qu'il mènera au coeur de cette « chaudière des honteuses amours « une vie de païen où son dévouement entier au Christ ne s'est pas encore dévoilé. Il se perd alors alors dans ce que les théologiens et philosophes chrétiens thématiseront sous le nom de seconde nature, celle-là même qui frappa l'homme après le péché originel d'Adam. En effet pour saint Augustin, c'est l'humanité entière qui a péché à travers le geste adamique: d'où sa nature actuelle, une nature déchue, où l'amour de Dieu s'est déportée sur l'homme lui-même. Dans cet état où vie l'homme, au lieu que l'amour soit amour infini de Dieu (amour existant avant le péché, amour de Dieu), il est devenu amour infini de soi (amour propre). Mais comment caractériser en propre cet amour premièrement, ce rapport au sensible deuxièmement, et en fin les implications qui en découlent, voilà ce que propose ce texte, afin de nous mener progressivement à une caractérisation de la vie de pécheur, cette vie avant tout insatisfaite et malheureuse où l'homme demeure perdu, loin de l'unité et du calme que procure la foi et une raison bien orientée.
 

augustin

« gratte d'autant plus qu'on la soulage en se grattant.

L'homme sensible, au fond, est in- satis- fait (en latin, satis signifie « assez »), il n'en a jamais assez, il lui faut continuer, esclave de la matérialité du monde.

Au contraire, lebien, qui s'assimile d'ailleurs à Dieu dans la doctrine augustinienne, est absolu, du latin ab solo , qui se suffit à lui- même.

Il n'appelle vers rien d'autre que lui-même, et propose une véritable et paisible satisfaction à l'âme. A l'antipode du monde sensible, Augustin nous propose dans un premier temps de nous retourner vers cettecertitude qu'est l'évidence intime de notre pensée, et qu'il faut distinguer du simple témoignage des sens.

Nousatteignons cette certitude via la raison, ce don divin et fragment d'éternité qui en nous participe de la vérité.

La Cité de Dieu , Livre XI, 26 nous dit: « Quoi! Et si tu te trompais? Car si je me trompe, je suis. (...) Du moment donc que je suis si je me trompe, comment me tromper en croyant que je suis, quand il est certain que je suis si je metrompe? ».

De toute évidence, pour se tromper il faut bien être quelque chose: c'est là une certitude essentielle vers laquelle me guide la raison et qui témoigne de fait que cette dernière participe bien à l'éternité de la vérité.

Elleest ce fragment en dehors de l'espace sensible qui nous rattache à l'unité divine. Mais elle ne suffit pas: il nous faut la foi, précisément parce que cette dernière est aveugle.

En effet, d'abord la foinous offre l'adhésion aux principes premiers, ceux-là mêmes qui sont révélés dans l'Ecriture.

Mais si la foi précède laraison, elle ne la ruine pas.

La raison permet de comprendre ce qu'il est nécessaire de croire.

Elle permet de faire lalumière sur ce qui nous mène vers les voies unique de Dieu.

Mais pourtant, et c'est ce qui explique sa primauté, lafoi est avant tout une croyance, une croyance en ce qui ne se voit pas.

Croire, c'est ne pas voir.

Cette activitéqu'est la croyance dépasse donc le simple sensible puisqu'elle nous propose de tabler sur ce que les sens ignore, surce qu'il ne peuvent voir.

Pour Augustin, et selon ses propres mots, celui qui ne s'en réfère qu'au sens est un« chien »: en ce sens qu'il ne vaut pas plus qu'un animal s'il ne fait pas usage de ce qui nous en distingue, soit la raison certes mais aussi et surtout la foi.

A-t-on besoin de voir pour croire? Non.

Vois-je la bienveillance de mon aminous demandes saint Augustin, ou encore, selon ses propres mots, nous arrive-t-il de « croire qu'on est pas aimé parce qu'on ne voit pas l'amour »? La foi nous livre à un autre type de vision, celle de l'âme, qui nous délivre des chaînes du sensible. Il s'agit maintenant de saisir, dans ce texte la place faite à l'amitié.

Ce sentiment à un rapport direct avec notreétude du sensible, précisément parce qu'il n'en relève pas, qu'il la transcende tout comme la raison ou la foi.

L'amitiéne nécessite pas le corps, elle est une relation délivrée des concupiscences charnelles.

En s'écartant ainsi dusensible, elle est bien plus proche de l'amour de Dieu que ne l'est l'amour propre qui rime avec l'amour frénétique deschoses sensibles.

L'amitié est donc l'un des plus beau sentiment que peu éprouver cet homme malade de par sanature déchue, mais qui tout à la fois s'ignore comme tel.

Le véritable amour, ou encore l'amitié sont éloignement dusensible.

Le premier est guidé parce que les sens ignorent, la foi; le second se gardent bien d'être souillé par lesensible, les désirs concupiscent qui perdent l'homme dans un univers fragmenté et chaotique. La perte dans le sensible comme stigmate du péché originel III. Comme nous le disions en introduction, c'est l'humanité toute entière qui a péché à travers le geste d'Adam: cettehumaine nature est ainsi déchu.

Elle n'aime plus Dieu infiniment mais s'aime elle-même, se perdant ainsi dans lesobscurités de la vanité.

La fascination du sensible ne naît que de cela, cette vanité humaine qui l'encourage àdiriger son amour vers soi plutôt que vers Dieu. L'homme est condamné alors à porter un masque, celui de l'urbanité comme chez saint Augustin, le masque socialqui lui permet au fond de cacher sa véritable nature, ce qu'il est et ce par quoi il est exclusivement attiré.

A nevivre que selon le sensible, on devient bien vite obligé de cacher ce visage honteux qu'est le notre.

Mais cependant,et c'est ce sur quoi saint Augustin insiste: il y a toujours au fond de cette nature, le désir d'aimer, et celui d'êtreaimer qui résonne comme une requête infinie et insatiable.

L'homme ne trouve pas son compte dans le sensible: iltente d'atténuer une soif qui jamais pourtant ne cesse.

Et parce qu'il se trompe de nourriture, préférant celleterrestre à celle spirituelle, il se voue au malheur.

Il est comme celui à qui on offrirait en plein désert, alors qu'ilmeurt de soif, de l'or pure. L'homme se trompe donc foncièrement, et l'on retrouve, au fond de cette façon pathétique de se débattre dans laréalité sensible, la même exigence fondamentale: celle d'aimer et d'être aimer, ce besoin insatiable de donner et dese voir offrir quelque chose. Celui qui opte pour le sensible est ainsi puni deux fois.

D'abord parce que jamais il ne connaît le calme apaisant: ilest toujours en quête de plaisir, il est toujours celui qui a soif.

Il n'arrive pas à répondre a son besoin, et reste dansune double souffrance.

Premièrement celle d'un manque d'amour évident, cette requête d'amour infini ne pouvantêtre atténuée que par l'amour lui-même infini que Dieu offre à ses créatures.

Deuxièmement, celle d'un excèsd'amour à donner mais qui jamais n'est atténué quant à lui par le sensible: seul Dieu peut être la cible idéal de cetamour infini.

Entre manque et excès, le pécheur se débat tristement dans les filets du sensible.

A cela s'ajoute parla suite, dans un deuxième temps, toutes les conséquences de cette vie de débauche.

L'angoisse d'abord, celle d'unhomme perdu dans l'obscurité sensible, d'un homme qui ne trouve pas la voie et voix qu'il faut choisir.

Perdu dansl'océan sensible, il se débat, et ne fait que survivre à la noyade.

Il vit dans la peur, en dehors de la bienveillancedivine.

Or cette vie sensible est suivie d'un cortège de sentiment qui sont autant de coups de fouet qui nouspunissent de ce choix.

Jamais l'espérance d'un paix possible ne se propose: seulement la débâcle incessante ducorps et de l'esprit cherchant pourtant et paradoxalement ce que jamais dans cette voie ils ne trouveront.. »

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