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SARTRE: Savoir anthropologique et communauté humaine

Publié le 22/02/2012

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... Dans la mesure où l'anthropologie, à un certain moment de son développement, s'aperçoit qu'elle nie l'homme (par refus systématique de l'anthropomorphisme) ou qu'elle le présuppose (comme l'ethnologue le fait à chaque instant), elle réclame implicitement de savoir quel est l'Être de la réalité humaine. Entre un ethnologue ou un sociologue — pour qui l'histoire n'est trop souvent que le mouvement qui dérange les lignes — et un historien — pour qui la permanence même des structures est perpétuel changement — la différence essentielle et l'opposition tirent beaucoup moins leur origine de la diversité de méthodes que d'une contradiction plus profonde qui touche au sens même de la réalité humaine Si l'anthropologie doit être un tout organisé, elle doit surmonter cette contradiction — dont l'origine ne réside pas dans un Savoir mais dans la réalité elle-même — et se constituer d'elle-même comme anthropologie structurelle et historique. Cette tâche d'intégration serait facile si l'on pouvait mettre au jour quelque chose comme une essence humaine — , c'est-à-dire un ensemble fixe de déterminations à partir desquelles on pourrait assigner une place définie aux objets étudiés. Mais, l'accord est fait sur ce point entre la plupart des chercheurs, la diversité des groupes — envisagés du point de vue synchronique — et l'évolution diachronique des sociétés interdisent de fonder l'anthropologie sur un savoir conceptuel. Il serait impossible de trouver une « nature humaine » commune aux Muria — par exemple — et à l'homme historique de nos sociétés contemporaines. Mais inversement une communication réelle et, dans certaines situations, une compréhension réciproque s'établissent ou peuvent s'établir entre des existants aussi distincts (par exemple entre l'ethnologue et les jeunes Muria qui parlent de leur gothul). C'est pour tenir compte de ces deux caractères opposés (pas de nature commune, communication toujours possible) que le mouvement de l'anthropologie suscite à nouveau et sous une forme neuve « l'idéologie » de l'existence. Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard, 1960.

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