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SCIENCE ET HUMANISME

Publié le 01/02/2011

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humanisme

La science et ses applications tiennent dans la vie des sociétés contemporaines une place de plus en plus grande. Ce mouvement ira en s'accentuant... Il paraît donc fatal qu'une place de plus en plus grande soit accordée aux sciences dans la formation des esprits et dans les programmes de l'enseignement. Non seulement de fortes connaissances scientifiques seront nécessaires pour s'engager dans un nombre croissant de carrières, mais on ne pourra plus concevoir une culture générale vraiment complète sans de larges vues sur l'évolution des sciences et leurs conquêtes. Ainsi vont se trouver profondément modifiées les bases mêmes des méthodes qui servent à la formation des intelligences.

... Certains esprits absolus préconiseront peut-être que l'on fonde toute la formation des esprits sur l'enseignement des sciences, qu'on accorde à cet enseignement la place privilégiée réservée naguère encore aux humanités classiques. J'ai naturellement la plus forte admiration pour la science sous tous ses aspects, pour la précision de ses méthodes et pour la hardiesse de ses théories, pour les perspectives qu'elle offre à la pensée et pour les bienfaits qu'elle peut apporter aux hommes. Néanmoins je ne pense pas qu'un enseignement exclusivement scientifique puisse donner à une nation l'ensemble des élites éclairées et diverses dont elle a, aujourd'hui plus que jamais, besoin.

... L'homme, en effet, n'est pas uniquement intelligence et raison. Il est aussi sentiment et volonté. Pensée, désir, action sont étroitement mêlés dans son activité. Quelle que soit la noblesse de la pensée pure, -elle ne saurait se suffire à elle seule car ce sont nos aspirations qui nous dirigent et c'est à des actes que finalement il faut toujours que nous aboutissions. S'il fallait établir entre les trois termes du triptyque « pensée, sentiment, action « un ordre de priorité, ce serait sans doute au sentiment qu'il faudrait accorder la première place puisqu'en dernière analyse, il est le moteur de toutes nos pensées et de toutes nos actions. La science elle-même, qu'elle soit recherche de la vérité ou appétit de puissance sur le monde extérieur pour l'allègement de nos peines ou l'amélioration de notre vie, relève en fin de compte du sentiment ou pour mieux dire du désir, désir de connaître ou désir de réaliser.

Il ne suffit pas de connaître la nature par la méthode expérimentale ou de s'exercer à manier le raisonnement mathématique : il faut aussi nous connaître nous-mêmes. Une culture générale vraiment digne de ce nom devra donc toujours comporter en dehors de l'acquisition des connaissances scientifiques, une réflexion approfondie sur la complexité de la personne humaine et sur les divers aspects qu'elle présente, une initiation aussi à l'art de sentir et de vouloir. C'est là l'essence de l'humanisme et de la signification même de ce mot. Un humanisme moderne, même s'il doit devenir tout à fait indépendant de la culture gréco-latine, devra conserver ce caractère et pour cette raison il devra toujours réserver une place importante aux études littéraires.

L'étude des Lettres a en partie pour but et pour effet d'apprendre à manier avec aisance sa langue maternelle, à en connaître les ressources et les finesses. Même dans le domaine des sciences, cette nécessité d'une connaissance fine et approfondie de la langue que l'on emploie, pour parvenir à traduire tous les raffinements de la pensée complexe des savants modernes est plus évidente que jamais. Mais les études littéraires ont un autre but que d'être une gymnastique pour bien exprimer sa pensée. Elles doivent développer la sensibilité, apprendre à analyser les sentiments et faire connaître les ressorts cachés de l'âme humaine.

... C'est pourquoi, à mon sens, il ne saurait y avoir de culture véritable que celle qui envisage tous les aspects de la personne humaine. Une instruction purement scientifique qui, par sa nature même, fait abstraction 'des sources profondes du désir et de la volonté ne saurait donc suffire. Les études classiques pourront décliner encore, l'humanisme ancien pourra disparaître ; mais celui qui le remplacera devra toujours comporter l'étude de l'homme tout entier ; rien de ce qui est humain ne devra lui être étranger et pour cette raison, il ne devra jamais reposer sur une base trop étroitement scientifique et technique.

Louis de BROGLIE .

La place qu'occupent la science et les applications scientifiques dans la vie moderne s'accroît sans cesse. Aussi faut-il prévoir de leur accorder une importance considérable dans la formation intellectuelle. D'une part des notions scientifiques étendues deviendront nécessaires dans de nombreuses carrières et, d'autre part, nul ne pourra se dire cultivé s'il n'a pas de connaissances sur le mouvement scientifique et les progrès techniques.

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« C'est pourquoi certains voudraient accorder une place prééminente à l'enseignement scientifique.

Bien que j'admirela rigueur de ses méthodes et l'audace des théories nouvelles et que j'aie confiance en les bienfaits de la science, jene crois pas qu'un tel enseignement suffise à tous les besoins de l'éducation des élites éclairées.

L'homme n'est passeulement raisonnable et logique, il est aussi enclin à sentir et à agir.

La pensée pure n'est pas suffisante, il fautpasser à l'action et seule la sensibilité peut nous y pousser.

Elle joue le rôle du moteur indispensable, préalable àtoute pensée et à toute action.

Même la science sous ses formes les plus diverses a pour point de départ un désirde savoir, ou de faire quelque chose. De plus, la connaissance scientifique, et le raisonnement logique ne sont pas suffisants : l'homme doit aussiapprendre à se connaître et, pour cela, étudier la personne humaine dans toute sa complexité; apprendre à sentir età vouloir, c'est la définition même de l'humanisme : s'il s'écarte de ses sources gréco-latines, il doit du moins resteren contact avec les valeurs littéraires de son temps, indispensables pour la connaissance des âmes et des coeurs... La culture littéraire permet aussi une pratique plus aisée et plus correcte de la langue maternelle, avec toutes sesnuances, chose indispensable tout autant pour la pensée scientifique moderne que pour les travaux littéraires.

Maisce n'est pas l'essentiel : l'éducation de la sensibilité, la compréhension de la nature humaine dans toute sacomplexité sont plus importantes encore : c'est pourquoi une culture véritable se préoccupe de tout ce quiconcerne l'homme : elle ne peut se contenter d'éléments scientifiques et techniques, elle doit maintenir unhumanisme étendu et vivant. CHOIX ET DISCUSSION D'UN THÈME Le problème essentiel qui se dégage de ce texte consiste à se demander s'il est nécessaire que le progrèsscientifique soit accompagné ou même complété par un mouvement humaniste vigoureux et efficace. LES DONNÉES DU PROBLÈME En exposant son point de vue, c'est-à-dire en proclamant la nécessité de ce mouvement humaniste, Louis de Broglieréagit contre des lieux communs fréquemment divulgués dans les milieux scientifiques et parfois dans le grand public.La science et la technique, dit-on, tiennent une place sans cesse plus grande dans la vie moderne : point decarrières intéressantes hors d'une formation solide en mathématiques et sciences physiques et chimiques.

Il fautfonder tout l'enseignement sur des disciplines scientifiques, développer l'intelligence abstraite et former l'esprit aux méthodesexpérimentales. En revanche les disciplines littéraires n'ont plus leur place dans l'éducation actuelle.

Elles constituent pour ainsi diredes arts d'agrément dont une société moderne n'a pas besoin.

Ne parlons plus des lettres gréco-latines, riches enbelles oeuvres qui ne touchent pas l'homme du xxe siècle, ni même de la littérature classique ou moderne qui n'estqu'une distraction sans aucune utilité pratique... Son point de vue personnel est beaucoup plus nuancé : tout en admirant la rigueur du raisonnement mathématique,la précision des méthodes expérimentales, plein de confiance dans les possibilités d'améliorations matérielles etmorales que le progrès apporte à l'humanité, Louis de Broglie refuse de s'enfermer dans une passion exclusive etpartiale pour la science.

Il répond donc positivement à la question posée, souhaitant qu'un humanisme étayé sur uneréelle culture littéraire complète les conquêtes du progrès et des techniques modernes. La personnalité rayonnante de ce savant permet d'expliquer cette hauteur de vue, cette ouverture généreuse surdes disciplines diverses. Bachelier de mathématiques et de philosophie, licencié ès-lettres, il vint à la physique par l'intermédiaire de laphilosophie des sciences, et se passionna bientôt pour la recherche.

Il ne se contente pas de recherches théoriquesmais travaille au laboratoire de Rayons X fondé par son frère.

Disons simplement que le prix Nobel a consacré dès1929 les 'découvertes de Louis de Broglie sur la relativité et que ses travaux innombrables le mettent au premierplan de la physique du xxe siècle et de la philosophie des sciences. Savant génial, il s'est révélé capable d'exprimer en une langue claire et belle ses découvertes.

Ses grands ouvragesMatière et lumière (1937), Nouvelles perspectives en micro-physique (1956), Savants et découvertes (1951), appartiennent à la fois à la Science et à la Littérature. Il était d'autant mieux préparé à faire cette synthèse de la science et de l'humanisme qu'il avait lui-même cettedouble culture.

Mais il faut noter les arguments qu'il apporte à sa thèse. Les sciences abstraites ne peuvent suffire à un homme complet : une formation purement scientifique ne sauraitformer l'ensemble des élites nécessaires à une nation moderne.

Une formation littéraire permet l'acquisition d'unlangage précis et sûr, indispensable au savant de qualité; qui plus est, l'humanisme est indispensable parce qu'ilcomporte une étude de l'homme tout entier, parce qu'il reconnaît et explique le désir, la volonté, puissanceshumaines dont la science abstraite ne tient pas compte.. »

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