SCIENCES SOCIALES, Structuralismes ET IDÉOLOGIES

SCIENCES SOCIALES,

Structuralismes

ET IDÉOLOGIES

Encore inconnues au siècle dernier, les sciences sociales et humaines vivent dans les années cinquante et soixante un tournant de leur histoire. Après avoir évolué chacune séparément et, à l’exception de la psychanalyse, selon des perspectives historiques, les sciences sociales entrent dans une période d'état de grâce. Le concept de structure, jadis mis au jour par Ferdinand de Saussure dans son Cours de linguistique générale, publié en 1916, n’est semble-t-il pas indifférent à la grande fortune médiatique que vont connaître bientôt les sciences «molles». L’idée de structure est alors l’apanage de personnalités intellectuelles de premier ordre, aussi différentes par leur travaux que l’historien des religions Georges Dumézil, le linguiste Émile Benveniste, le psychanalyste Jacques Lacan, l’ethnologue Claude Lévi-Strauss et le sémiologue Roland Barthes. Mais aucun d’eux, sans doute, n'aurait pu prédire qu’elle insufflerait un véritable vent nouveau dans la république des sciences, une telle percée dans les modes de penser de la société française.

Dès 1949, la pensée structurale faisait son apparition dans les laboratoires de recherches, à l’occasion de la publication d’un ouvrage fondateur de Claude Lévi-Strauss : les Structures élémentaires de la parenté. L’auteur procédait à une analyse structurale de l’interdiction de l’inceste qui, on le sait, se retrouve dans toutes les sociétés humaines. Depuis lors, Claude Lévi-Strauss est considéré en France comme l’un des pères, avec le linguiste américain Roman Jakobson, du structuralisme moderne. Il n’aura de cesse d’en être aussi le plus ardent défenseur: en 1958, l’année même où il entre au Collège de France1, l’auteur du déjà célèbre Tristes Tropiques (1955) publie un ouvrage, pour ainsi dire programme et manifeste, Anthropologie structurale I.

L'âge d'or du structuralisme ne fait pourtant que commencer. Si Claude Lévi-Strauss a été précédé au Collège de France par des savants (Benveniste, Dumézil) qui, comme lui, ont accordé au fait structural toute la prééminence, ce fut au titre de la science et eut peu de retentissements sur les comportements intellectuels ou culturels de la grande majorité. Dans ses Problèmes de linguistique générale (pu