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Sciences & Techniques: Les bactéries font de la résistance

Publié le 22/02/2012

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Avec l'avènement des antibiotiques, on croyait les maladies infectieuses vouées à une disparition inéluctable. Erreur : les microbes font un retour en force. Car les médicaments perdent du terrain face à des bactéries sans cesse changeantes. Qui va gagner la bataille ? Janvier 1986. Hôpital Henri-Mondor à Créteil. Dans le service de neurochirurgie, un patient en soins intensifs est pris d'une fièvre inexpliquée. Les médecins diagnostiquent une infection et découvrent bien vite que les urines de leur malade grouillent de klebsielles. Ces bactéries provoquent d'habitude des pneumonies, mais à l'hôpital, il arrive souvent qu'elles envahissent la vessie des personnes équipées d'une sonde urinaire. Pas de quoi s'affoler, donc. Les toubibs prescrivent en routine, les céphalosporines, des antibiotiques qui tuent sans rémission toutes les klebsielles. Dans les jours qui suivent, pourtant, l'infection persiste. Nouvelles analyses. Les médecins constatent alors, effarés, que ces microbes résistent à des quantités de céphalosporine de 10 à 50 fois plus élévées que d'habitude !

« suite.

Sous ce déluge de poisons violents, staphylocoques, entérocoques, pneumocoques, streptocoques...

ont péri par bataillonsentiers à travers le monde. A chaque fois, pourtant, quelques bactéries ont trouvé le moyen de survivre.

Comment ? Les stratégies de ces petites pestes sontvariées.

Mais en gros cela consiste à fabriquer une protéine qui paralyse l'antibiotique.

Soit en l'empêchant d'entrer dans la bactérie,soit en le neutralisant dès qu'il a réussi à y pénétrer.

Au départ, les microbes ne fabriquent pas cette molécule miracle.

C'est pourquoil'antibiotique fait de gros dégâts.

Mais une fois sur un million ou sur un milliard, une bactérie invente la protéine ad hoc pour sedébarrasser du médicament .

La probabilité peut sembler ridiculement faible.

Elle l'est en effet.

Mais vu le nombre faramineux de germes qui pullulent autour de nous (il y en a des milliards de milliards rien que dans nos intestins ! ), l'apparition de microbesrésistants n'est qu'une question de temps. Les bactéries s'entraident Dès qu'une bactérie a trouvé la parade, elle va de nouveau continuer à croître et à se diviser, même en présence de l'antibiotique.

Etsapristi, ça va vite ! En moyenne, une division toutes les 20 min A ce rythme, elles sont 69 milliards en l'espace d'une demi-journée !Ainsi naissent et prolifèrent des souches résistantes.

Évidemment, il y a toujours la possibilité de changer d'arme, d'administrer unautre poison.

Mais le même processus va se répéter.

Hécatombe au départ, puis sélection d'une bactérie qui va faire souche.

Endéfinitive, on obtiendra une lignée de germes insensibles non plus à un, mais à deux antibiotiques. Si encore ces diablesses se contentaient d'inventer des antidotes ! Mais non.

Elles trouvent aussi le moyen de se repasser de l'une àl'autre les recettes - en réalité des gènes - pour les fabriquer.

Pas besoin d'appartenir à la même fratrie pour s'entraider : deux espècesde microbes peuvent parfaitement échanger des informations.

C'est ainsi que les médecins Henri-Mondor ont découvert que lesklebsielles avaient transmis leur résistance aux céphalosporines à trois espèces de bactéries, dont le colibacille, qui infectefréquemment l'appareil urinaire. L'hôpital est le lieu privilégié de propagation de ces résistances à cause de la concentration des malades et de bactéries malignes enun même lieu, et de l'utilisation massive d'antibiotiques.

En France, des milliers de personnes meurent chaque année des suites d'uneinfection bactérienne attrapée dans un centre hospitalier.

Mais les microbes sont partout, et la vie moderne, avec la concentration depopulation dans les villes immenses et les voyages en avion d'un continent à l'autre, leur offre des possibilités de disséminationpresque idéales. Si un microbe mortel et invincible se répandait dans le monde entier, il serait forcément dévastateur.

Aussi est-il capital de forger enpermanence de nouvelles défenses chimiques.

De ce point de vue, on ne peut pas dire que les firmes pharmaceutiques soientexemptes de reproches.

Les derniers antibiotiques vraiment nouveaux, les fluoroquinolones, datent du début des années 80.

Depuis,la recherche sur les antibactériens a pratiquement cessé.

A cela plusieurs raisons : il y a une quinzaine d'années, la lutte contre lesinfections microbiennes paraissait appartenir au passé tant les médecins avaient engrangé de victoires. Et puis surtout, le marché des antibiotiques semblait saturé.

Avec plus d'une centaine de drogues déjà disponibles, il paraissaitimpossible de réaliser des bénéfices importants.

Suivant une froide logique économique, les entreprises pharmaceutiques se sonttournées vers la recherche de médicaments financièrement plus intéressants. L'arrivée massive de germes multirésistants a changé la donne : la menace bactérienne est à nouveau prise au sérieux...

et les profitss'annoncent bien meilleurs ! Depuis le début des années 90, les chercheurs mettent les bouchées doubles.

Ils passent au crible descentaines de plantes, d'animaux et de microbes dans l'espoir de repérer de nouvelles molécules efficaces.

Et ça paie ! Il y a deux ans,des biologistes ont isolé une molécule intéressante chez une bactérie filamenteuse du sol.

Et l'on devrait bientôt disposer d'une crèmeantibiotique élaborée à partir de la peau d'un crapaud africain ! Mais les chercheurs ne se contentent pas de traquer à l'aveuglette de nouvelles substances.

Ils en fabriquent eux-mêmes à partir desantibiotiques devenus inoffensifs.

Exemple : certains microbes cassent le poison qu'on leur fait boire grâce à une enzyme spéciale.Pour accomplir son travail de démolition, cette enzyme doit absolument se fixer sur l'antibiotique.

Il suffit alors de bricoler le pointd'ancrage entre les deux molécules pour que l'accrochage en puisse plus se faire.

Résultat : l'enzyme devient incapable de détruire lemédicament .

C'est ainsi que les chercheurs ont donné une seconde jeunesse à un antibiotique, la kanamycine.

Rebaptisée "amikacine", la nouvelle drogue a retrouvé toute son efficacité contre de nombreuses bactéries. On le voit, les molécules qui prendront la relève des pénicillines, aminisides et autres céphalosporines au début du siècle prochainsont d'ores et déjà en chantier.

Mais les quelques années qui nous séparent de l'an 2 000 risquent d'être difficiles : d'ici là, lesmédecins devront se contenter de leurs pétoires antibiotiques pour canarder les bactéries de plus en plus coriaces.

La lutte s'annonceincertaine.

Suspense et frissons, eux, sont garantis !. »

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