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Sciences & Techniques: L'héritage de Konrad Lorenz

Publié le 22/02/2012

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Konrad Lorenz est un des fondateurs de l'éthologie moderne, qui a élargi notre vision de l'homme pour en faire un membre à part entière du règne animal. Pionnier d'une science nouvelle, il a sans doute commis des erreurs, mais surtout, il nous a immanquablement enrichi, comme peu d'autres au cours de ce siècle. Né en Basse-Autriche, à Altenberg, en 1903, il fut dès son enfance passionné par les animaux. Après des études de médecine, il se tourna vers la zoologie, et, plus particulièrement, vers l'étude du comportement des animaux. L'éthologie, du grec êthos, moeurs, et logos, discours, n'est pas un néologisme lorenzien. Le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire la définit, en 1854, comme l'étude du comportement des animaux dans leur milieu naturel. Mais les naturalistes d'avant Lorenz se bornaient à décrire certains comportements d'animaux, comme on décrit les rouages d'une horloge, sans chercher à les expliquer. Le behaviorisme (de l'anglais behaviour, comportement), fondé sur les notions de tropisme (orientation élémentaire), de réflexe conditionné, d'instinct (impulsion naturelle)..., le tout sans trop d'explications, n'était pas très enrichissant. L'éthologie alors, se rapprochait plus de la mécanique que de la psychologie.

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« Lorenz et ses disciples ont passé sans hésiter de l'animal à l'homme.

La ressemblance ou homologie de certains mouvements etexpressions chez les animaux et les hommes avait déjà été relevée par Darwin, mais celui-ci, ayant déjà fait scandale avec l' évolution des espèces, ne voulut pas, ou n'osa pas aller trop loin dans son ouvrage ultérieur, L'expression de l' émotion chez l'homme et l'animal . Le premier à apporter une preuve convaincante de l'innéité des expressions chez l'homme fut sans doute Irenaus Eibl-Eibesfeldt,collègue de Lorenz, qui s'orienta vers l'étude comparée du comportement humain dans diverses civilisations.

En 1973, il démontra queles enfants nés sourds et aveugles, quoiqu'ils eussent vécu leur vie dans la nuit et le silence absolus, possédaient un répertoired'expressions faciales pratiquement identique à celui d'enfants normaux. Eibl-Eibesfeldt retrouva aussi des schémas interculturels identiques dans des populations très diverses.

Il observa que des schémasmoteurs, inchangés chez les enfants sourds et aveugles, sont les mêmes que ceux qui restent inaccessibles aux changementsculturels dans diverses civilisations. Le fameux linguiste Noam Chomsky apporta de l'eau au moulin des innéistes en montrant que la structure de la pensée logique, quiest identique à celle de la syntaxe linguistique, est ancrée dans un programme génétique.

L'enfant n'apprend pas à parler, ditChomsky, il apprend le vocabulaire d'une langue de la tradition culturelle particulière dans laquelle il est né. Une des objections les plus fréquemment adressées à Lorenz fut que les humains sont uniques et que toute tentative de comprendrela nature humaine par l'approche de l'éthologie n'est pas seulement condamnée à l'échec, mais refléterait un mépris de l'homme. Faux, objecte Lorenz : l'apparition du cerveau humain et du langage ont permis la transmission de connaissances de génération en génération, et un renforcement immense de la tradition.

Une telletransmission n'existe pas chez l'animal hors de la présence de l'objet concerné. Mais, dit-il, l'émergence de la pensée conceptuelle n'est pas un miracle...

Comme les autres événements évolutionnaires, elle a intégré des systèmes préexistants et fonctionnant indépendamment pour former un système nouveau,superordonné, qui possède des propriétés sans précédent et auparavant imprévisibles.

Mais elle n'a paseffacé le passé, ni les mécanismes de motivation héréditaires, ni les dispositions innées à l'apprentissage et à certains comportements. Lorenz maintenait que l'antithèse homme-animal n'était pas défendable.

Avec ses disciples, il a retrouvé chez l'homme des types decomportement phylogéniquement très anciens, que le nourrisson humain partage avec d'autres mammifères : mouvements rythmiquesde marche et recherche du mamelon, réflexe de saisie (préhensile) si fort qu'un nouveau-né peut se maintenir suspendu à une corde.Plus tard, ces réflexes disparaissent et l'apprentissage suit son cours. On pourrait parler du nouveau-né, dit Eibl-Eibesfeldt, comme d'un être sans cortex (cette zone cérébrale supérieure, développée chezl'homme).

En fait, observe-t-il, le comportement d'enfants anencéphaliques, sans cortex cérébral, diffère très peu de celui des enfantsnormaux pendant les premiers jours de la vie. De nombreux comportements adultes sont de toute évidence universels.

On rit quand on est gai, on pleure quand on est triste, onretrousse les babines quand on est en colère.

Certains comportements ont été préservés malgré leur apparente inutilité dans notrecivilisation ; ainsi, un individu qui mange, même isolé, regarde alentour comme pour explorer son voisinage, tout comme le font lesbabouins et les chimpanzés. Mais l'idée qu'existent des tendances ou des comportements innés peut inquiéter si elle implique une hiérarchie qualitative desindividus (les plus forts ou les plus intelligents), si elle évoque le racisme , le sexisme, la soumission aveugle à l'ordre.

Et les travaux des éthologistes ont mené à des conclusions parfois troublantes. Ainsi, Eibl-Eibesfeldt écrit : " A l'intérieur d'un groupe, le comportement agressif des individus conduit à l'établissement de l'ordrehiérarchique qui garantit une certaine stabilité dans la société ; ceux du rang le plus élevé assument d'habitude certaines fonctions dechef....

" Le développement d'un tel ordre présuppose que les subordonnés reconnaissent et acceptent cette hiérarchie.

" Cettedisposition à accepter la subordination, à l'opposé de la recherche du rang, est très surprenante.

" ( Freud l'avait pourtant remarquée ; il écrivait en 1932 à Einstein : " Les humains ne peuvent se soustraire à l'inégalité, qui est partie intégrante de l'inné et qui les divise en meneurs et menés.

Ces derniers sont la grande majorité, ils ont besoin d'une autorité qui prenne les décisions pour eux, et qu'ilsacceptent d'habitude sans conditions.

" Lorenz remarquait que, dans toutes les cultures, existent des groupements spécifiquement masculins, excluant les femmes, ce quis'expliquerait peut-être comme une adaptation des comportements de chasse et de combat...

Il pensait que les caractéristiquesmâles, comme le désir d'un rang supérieur, et une agressivité plus grande, sont des traits que nous partageons avec les autresprimates. Aux critiques qui pensent que l'éthologie sert à justifier des comportements nocifs sous prétexte qu'ils sont innés, Lorenz répondaitqu'au contraire, il est important de révéler de telles tendances, surtout si elles sont devenues contraires à l'éthique de la sociétémoderne.

Par exemple, si les hommes ont tendance à se faire trop facilement endoctriner, il faut le savoir afin d'apprendre à adopterune attitude critique envers les autorités.. »

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