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Sciences & Techniques: Odeurs

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Quand un nez rencontre un autre nez, qu'est-ce qu'ils se racontent ? Des histoires d'amour plutôt coquines, et tout ça à notre insu… C'est une salle d'attente apparemment ordinaire, au décor minimaliste. Quelques chaises sont disposées autour d'une table. Toutes pareilles. La porte s'ouvre. Une femme entre, hésite quelques secondes le temps de balayer du regard la pièce vide, et s'assied. "Merci madame, vous pouvez sortir…" Derrière le miroir sans tain, le professeur Kirk-Smith, qui observe cette scène anodine, semble satisfait. Sur les 840 femmes qui ont défilé une par une dans son salon improvisé de l'université de Birmingham, en Angleterre, 80% ont choisi la même chaise quelle que soit sa place dans la pièce. Une chaise "irrésistible" que rien, pourtant, ne distingue des autres. Rien en tout cas de visible.

« une décharge de testostérone.

Cet effet s'est révélé particulièrement spectaculaire chez ceux qui avaient sous le nez la potioncorrespondant à la période d'ovulation de la femme." Ainsi les nez virils seraient eux aussi sensibles aux exhalaisons du sexe opposéet surtout pendant les quelques jours où la dame est féconde. L'odorat, mal-aimé de la science ? Peut-on succomber à une note olfactive comme on est séduit par une silhouette? Le parfum de l'aimé nous envoûte-t-il jusqu'àémoustiller nos hormones? Pourquoi pas? Il n'est pas étonnant que l'odorat, au même titre que les autres sens, guide notresensualité.

Mais de là à en être le maître… Ce serait oublier que nos élans, nos émotions sont tributaires aussi de notre mémoire, denotre éducation et de notre culture.

Aussi le cortex cérébral, qui emmagasine toutes ces informations, intervient-il très certainementsur les chemins du désir pour orienter nos émois. Il semble toutefois que la science ait longtemps sous-estimé les performances de notre odorat.

D'autres découvertes récentes leconfirment.

En 1991, en effet, la curiosité de plusieurs anatomistes les a amenés à dénicher au fond de nos cavités nasales deuxminuscules sacs de cellules dont on connaissait l'existence chez d'autres mammifères mais qu'on avait négligés chez l'homme.

Cesbourgeons creux, connus sous le nom d'"organe voméronasal", ont ceci de particulier chez l'animal qu'ils sont les récepteurs desmessages chimiques envoyés par ses congénères.

Des capteurs de phéromones. Le circuit nerveux de cet organe est indépendant de celui de ce qu'on appelle ordinairement l'odorat.

Iln'emprunte pas les mêmes chemins : odeurs et phéromones ne sont donc pas interprétées dans lesmêmes parties du cerveau .

Et grâce à cette transmission nerveuse singulière, l'organe voméronasal permet aux phéromones d'un individu d'agir directement sur la production d'hormones d'un autre individu. Toute la question est de savoir si chez l'homme l'organe voméronasal est toujours en état de fonctionner.

S'il n'a pas perdu au coursde l'évolution l'étonnant pouvoir d'influence érotique qu'il a chez les rongeurs, par exemple.

Les trois essais cités plus haut tendent àmontrer que nous aussi avons des arguments chimiques dans le dialogue amoureux.

Que nous conversons, sans le savoir, à coup dephéromones. Reste à trouver la preuve anatomique.

Pour l'instant, la courroie nerveuse censée être branchée sur cet éventuel piège à phéromonesest introuvable.

Un peu partout en France, en Angleterre et aux États-Unis les laboratoires se sont lancés à sa recherche.

D'autres sepenchent sur l'étude des récepteurs qui se trouveraient à la surface des cellules voméronasales.

Et aux dernières nouvelles, certainsdes gènes à l'origine de ces récepteurs ressemblent étrangement à ceux des rongeurs. Chasse aux phéromones Seule une équipe américaine, jusqu'à présent, a réussi, en 1994, à enregistrer une activité électrique de l'organe voméronasal humain.Celle-ci aurait été provoquée par l'inhalation d'une mixture de leur composition.

Sa recette étant brevetée, l'expérience n'a pas pu êtrereproduite et vérifiée par d'autres chercheurs.

La compétition dans la chasse aux phéromones humaines est féroce.

Bien que certainsparfumeurs prétendent déjà savoir les mitonner et les maîtriser… "Si l'argent n'a pas d'odeur, les odeurs, elles, font faire de l'argent!", plaisante Pierre Bustany, qui est lui-même unneuropharmacologue courtisé par les industriels de la chimie .

Professeur au centre hospitalier de Caen, il suit de près l'évaluation d'un rouge à lèvres imprégné d'hypothétiques phéromones masculines.

Objectif : régulariser le cycle hormonal des femmes qui viventseules, en simulant une ambiance nasale de vie en couple.

Car célibataires et divorcées, semble-t-il, souffrent plus que les autres derègles irrégulières et douloureuses… "Il y a longtemps, rappelle-t-il, que les commerçants ont compris l'emprise des odeurs sur noscomportements.

Quand une voiture d'occasion sent le cuir neuf, il y a de la vaporisation dans l'air.

Certains étals sur les marchésfleurent bon une odeur de fruits mûrs… synthétique! Il y a même des maillots de bain qui exhalent des vapeurs d'iode rappelant l'airvivifiant de l'océan.

Le marché des odeurs est énorme!" Et celui des phéromones suscite biendes convoitises.

Des craintes, aussi! Pourra-t-on échapper demain à cette manipulation invisible? A ce sujet, Pierre Bustany, qui est dans les petits secrets de ces recherches très privées, se veut rassurant : "Il ne faut passurévaluer le pouvoir des phéromones.

Elles favorisent certaines inclinations, mais ne contrôlent pas notre cerveau et ne peuvent pas nous faire faire ce qu'on ne veut pas faire." Certains, cependant, préfèrent ne pas prendre le risque d'être menés par le bout du nez.

Ainsi, la Grande-Bretagne envisageraitd'interdire la commercialisation de phéromones humaines, qui menacent sans doute de troubler le fameux flegme du royaume.

L'avenirleur donnera-t-il raison? Remerciements à Guila Ganem, qui s'intéresse aux phéromones de souris à l'Institut des sciences de l'évolution (Montpellier); et àBoris Cyrulnik, éthologue, psychiatre et psychanalyste.. »

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